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La Justice sénégalaise, telle la tour de Pise

LETTRE DU JOUR
Mercredi 10 Mai 2017

Sous le règne de Macky Sall, s’il y a un secteur dont les Sénégalais se sont toujours plaints, c’est celui de la justice. En effet, la justice aura été le ventre mou du régime de Macky. L’impunité et l’arbitraire sont érigés en règle. Comme la tour de Pise, la justice ne penche que du côté du pouvoir pour faire abstraction de toutes les dérives des partisans du président de la République.


Si le PSE (Plan Sénégal Emergent) est conçu pour améliorer la vie quotidienne des Sénégalais au plan économique, il urge de mettre en place un autre PSE (Plan Sénégal Ethique) qui prendrait en charge l’éthique avec laquelle nos forces de sécurité et notre pouvoir judiciaire gèrent les libertés publiques et individuelles. Si le président Macky Sall a réalisé un bon bilan économique d’après ses experts, ses communicants et autres thuriféraires, son bilan éthique risque de peser défavorablement lors des prochaines échéances électorales.

Personne ne peut nier que le président Abdoulaye Wade a fait un bon bilan économique au cours de ses 12 ans de gouvernance mais sa justice à géométrie variable, l’impunité, la manipulation des magistrats, les tripatouillages constitutionnels ont fait ombrage à ses réalisations économiques. Au vu de ce qui se passe au cours de ce premier mandat du président Sall, on a l’impression d’assister à une réplication en pire du système wadien.

Nous ferons abstraction de la profonde implication de la famille présidentielle à tous les niveaux de l’Etat. Elle est impliquée dans les histoires de pétrole et  du gaz, dans le secteur des BTP, dans le transport, dans le foncier. Et pourtant, le président fait comme si les Sénégalais n’étaient pas au courant de toutes ces vilenies qui entachent sa gouvernance. Mais ce que les Sénégalais insupportent le plus chez le président Sall, c’est cette justice à deux vitesses qui réprime ses opposants et tous ceux qui ne partagent pas ses schémas de pensée et passe l’éponge sur toutes les exactions de ses partisans et alliés.

Dans l’affaire Khalifa Sall, le procureur de la République et le doyen des juges ne peuvent pas expliquer pourquoi les percepteurs de la Ville de Dakar ont été placés sous contrôle judiciaire alors que ceux qui y ont joué un rôle secondaire ont été placés sous mandat de dépôt. L’un d’entre eux est encarté dans l’Alliance pour la République (APR) tandis que l’autre gérerait quelque part dans la Petite côte les avoirs immobiliers d'un ponte de la République. Suffisant pour jouir d’une immunité judiciaire.

Chronologie de quelques cas de violence impunis signés APR

Comment comprendre que Bamba Fall ait passé plusieurs mois en prison avec neuf proches du maire de Dakar à la suite d’accusations de tentative d’assassinat non fondées sur des responsables socialistes ? Marième Thiam Babou, grande rivale de Thérèse Faye, patronne de la Cojer, accusée et jugée pour des infractions plus graves que celles de la maison du PS, s’en est tirée simplement avec un sursis.

Il y a eu du sang versé, des voitures caillassées au vu et au su de tout le monde. Et pourtant l’initiatrice de «ma carte, mon choix», n’en est pas à son coup d’essai. En novembre dernier, elle a été l’auteur des affrontements sanglants violents devant la permanence de l’APR. Rien à avoir avec les sachets d’eau ensablées jetés sur des responsables socialistes.  

Le 26 février dernier, de violentes échauffourées sont notées entre le cortège du maire de Dakar et des militants de Sidiki Kaba à Tambacounda. Deux personnes du côté de Khalifa dont un enseignant sont grièvement blessées et évacuées au centre hospitalier régional. Et c’est Barthélémy Dias, paradoxalement, qui a été interpellé par la police locale pour usage d’arme à  feu. Mais ce dernier, qui dénonçait la justice à deux vitesses, a refusé de déférer à la convocation des limiers.  
 
Le 1er avril, le ministre Abdoulaye Diouf Sarr a été empêché de prendre la parole par les partisans d’Adama Faye, lors du meeting de la coalition Bennoo Bokk Yaakaar de la commune de Mermoz Sacré-Cœur, organisé par les femmes de l’APR. En présence de Mbaye Ndiaye, Diouf Sarr a été copieusement hué par les partisans du frère de la Première dame.
 
Le samedi 06 mai dernier, lors d’un meeting du ministre Oumar Guèye en présence du directeur de cabinet du président de la République, Oumar Youm, des camps opposés se sont affrontés au point que le garde de corps du ministre de la Pêche et de l’Economie maritime a été sérieusement blessé. A Thiès, une rencontre des responsables locaux de l’APR a fini dans la violence si bien que le député Abdou Mbow a été exfiltré par son garde de corps qui a eu l’ingéniosité d’allumer un pétard pour sauver son patron. Et pourtant, il n’y a eu aucune suite judicaire à ces exactions violentes.

Mais le paroxysme a été atteint le 17 avril quand, après la demande de retrait de la candidature d’Aliou Sall aux législatives par le président de l’APR, les partisans de l’édile de Guédiawaye ont manifesté, sans être inquiétés, à 20 heures devant les grilles du palais pour exprimer tout leur mécontentement au maitre des céans. Chose normale dans une République mais pour des faits moins graves, des opposants sont traqués, appréhendés et embastillés.

Au sein de la mouvance présidentielle plus particulièrement au sein de l’APR, on peut s’adonner à toute forme de dérive, d’infraction impunément parce que le patron de la justice sénégalaise s’appelle Macky Sall.

Quant aux opposants, rien ne leur est toléré. Ni marche, ni distribution de flyers, ni rassemblement alors que les articles, 8, 9, 10 et 11 de la Constitution leur permettent de jouir de ces libertés dont le procureur et ses auxiliaires policiers veulent leur priver.

Arrestations d’opposants

C’est ainsi que le 22  septembre 2016, le coordonnateur national du collectif «Non aux Accords de partenariat économique (APE)», Guy Marius Sagna, a été arrêté par la police de Point E. Cela est intervenu après qu’il a accordé une interview à une chaîne de télé sur la marche contre les APE. Le 11 avril dernier, le journaliste Pape Alé Niang se prononçait sur sa page Facebook : «Je suis témoin oculaire sur l'avenue Ponty...dans cette camionnette de la police des jeunes qui distribuaient des flyers pour dénoncer l'arrestation de Khalifa Sall ont été arrêtés par la police.»

Le 05 mai, le rappeur Karim Guèye alias Xrum Xax est arrêté par la police pour avoir manifesté à la place de l'Obélisque en faveur l'imam Ndao incarcéré. 

Le 06 mai dernier, le coordonnateur national du Mouvement Ligeyal Karim, Alinard Ndiaye, est arrêté par la police pour cause de rassemblement non autorisé. Le 08 mai, dix jeunes pro-Khalifa sont arrêtés à Pikine pour avoir distribué des flyers comparant leur leader à Macky Sall.

Le 09 mai, Guy Marius Sagna a été, une nouvelle fois, arrêté. Cette fois-ci le coordonnateur de la Coalition «Non aux APE» a été interpellé, pour son soutien apporté aux animateurs polyvalents des Cases des tout-petits de Bakel, Tambacounda, Kolda, lesquels manifestaient pour être restés plusieurs mois sans salaire.
 
Aujourd’hui, il est de notoriété publique que la Justice sénégalaise est comme la Tour de Pise qui ne penche que du côté des gouvernants perdant du coup son équilibre. La justice à géométrie variable vient donc à la fois de décideurs politiques qui instrumentalisent la Justice et des magistrats soumis.

La harangue d'Oswald Baudot

Certains de nos magistrats semblent avoir bien maîtrisé à l’envers la harangue du français Oswald Baudot, cet impavide substitut du procureur à Marseille et membre du syndicat des magistrats, qui disait à ses collègues : «Soyez partiaux. Pour maintenir la balance entre le fort et le faible, le riche et le pauvre, qui ne pèsent pas d'un même poids, il faut que vous la fassiez un peu pencher d'un côté».

Seulement Oswald penchait du côté des faibles et son souci de la Justice n'avait rien à voir avec un quelconque laxisme mais procédait d'une approche simplement républicaine de sa mission dans une société réputée démocratique.
 
Et cette situation d’iniquité dans notre pays devant la loi heurte et exaspère les citoyens. Quand le candidat Macky battait Abdoulaye Wade à la présidentielle de 2012, ce n’était pas grâce à son programme-pipeau «Yoonu Yokkute» mais à cause de l’injustice qu’il avait subie de Wade père et fils. Aujourd’hui au pouvoir, le président Sall semble avoir oublié toutes ces péripéties qui l’ont mené au pouvoir. S’il ne prend pas garde, dans 80 jours, il risque de récolter amèrement, à travers les urnes, toutes ces injustices qu’il a semées au cours de ses cinq premières années de règne et qui font mal comme des plaies béantes.
 
Serigne Saliou Guèye


 

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