L’essence d’un régime démocratique réside dans le fait que les citoyens puissent exercer leur droit de vote, choisir librement leurs représentants et élire leurs gouvernants. Le droit de vote est un droit Fondamental, Inaliénable, et Constitutionnel, adossé à l’exercice de la Citoyenneté.
L’article 3 de la Charte suprême est on ne peut plus clair : «La souveraineté nationale appartient au peuple sénégalais. Tous les nationaux sénégalais des deux sexes, âgés de 18 ans accomplis, jouissant de leurs droits civils et politiques, sont électeurs». C’est clair, net et précis.
Or, à ce jour (samedi 01 juillet 2017), des millions de citoyens sénégalais inscrits régulièrement sur les listes électorales, et titulaires de récépissés en bonne et due forme ne disposent pas de la nouvelle carte d’identité biométrique (couplée à la carte d’électeur) leur permettant d’exercer leur droit de vote. Une telle défaillance, pour un pays supposé «émergent» est d’une extrême gravité.
Gouverner, c’est prévoir. Lorsqu’un Etat n’est pas techniquement (ou financièrement) en mesure d’assurer la production de titres d’identité biométriques dans les délais impartis, il ne doit pas s’engager dans une voie sans issue, faite d’errements et d’approximations.
La décision de créer un nouveau fichier électoral stabilisé avec les cartes d’identité biométriques est le signe d’un amateurisme consternant. Il prouve surtout le manque de sérieux de nos gouvernants qui n’accordent aucun respect à leurs concitoyens qui leur ont accordés leurs suffrages, et dont les droits élémentaires sont constamment violés (droit à l’eau «produit de luxe aujourd’hui au Sénégal», droit à l’électricité, droit à un titre d’identité, droit aux services de base, etc…).
De deux choses, l’une :
Soit, le ministère de l’Intérieur se trouve dans l’incapacité de délivrer les cartes d’identité biométriques aux millions de sénégalais inscrits, et dans ce cas, la caducité du nouveau fichier est constatée de fait (ce fichier sera inutilisable).
Soit, le ministère de l’Intérieur fait le choix de recourir à l’ancien fichier, avec une énième prorogation des cartes nationales d’identité expirées depuis belle lurette (une telle mesure exclurait de fait des centaines de milliers de citoyens nouvellement inscrits). Rappelons que le ministre de l’Intérieur avait publiquement soutenu (pour justifier la refonte partielle du fichier électoral) que l’ancien fichier ne pourrait plus être utilisé pour les prochaines échéances électorales.
En réalité, la refonte partielle du fichier électoral ayant permis d’atteindre plus de 5 millions d’électeurs selon les estimations officielles, le régime se voit désormais contraint de délivrer aux millions de sénégalais inscrits et jouissant de leurs droits civils et politiques, leurs cartes nationales d’identité biométriques.
Il est absurde et totalement inacceptable de priver des millions de sénégalais de leur droit de vote (la responsabilité de l’Etat sénégalais est clairement établie). Il appartient donc à l’Etat de prendre toutes les dispositions idoines pour permettre à tous les Sénégalais inscrits de disposer de leurs cartes d’électeurs, avant le scrutin du 30 juillet 2017 (ouverture des mairies, commissariats, ou centres sportifs 7 jours sur 7, et 24 H sur 24, si besoin, jusqu’à la mise à disposition de toutes les cartes d’électeurs).
Priver des millions de Sénégalais du droit de vote du fait d’une défaillance des services de l’Etat revêt un caractère illégal et inconstitutionnel, car est de nature à entacher considérablement la sincérité du scrutin. L’atteinte au droit de vote est un motif suffisant pour que le Conseil constitutionnel, dans le cadre d’une saisine à posteriori, procède à l’annulation du scrutin du 30 juillet 2017.
Cette annulation est d’autant plus justifiée que le régime de Macky Sall a été élu en 2012, et qu’il a obtenu l’agrément de l’ARMP (Autorité de Régulation des Marchés Publics) pour la passation de tous les marchés de gré à gré (pourtant non justifiés d’un point de vue juridique) liés à la confection des cartes nationales biométriques. Nous ne sommes pas dans un régime d’exception : le Sénégal n’est pas en guerre. Aujourd’hui, rien ne justifie que les cartes d’identité biométriques ne soient pas délivrées, en temps et en heure à nos concitoyens.
Seybani Sougou
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