Abdourahmane Diouf : le pari risqué d’un loyalisme sélectif

POLITIQUE
Mardi 4 Novembre 2025

Entre fidélité assumée à Diomaye Faye et critiques implicites à l’égard de Sonko, le ministre de l’Environnement Abdourahmane Diouf se positionne désormais comme la voix d’un réformisme apaisé au sein d’une majorité en recomposition.
Un choix audacieux, mais à haut risque politique, dans un camp encore largement façonné par l’ombre du fondateur de PASTEF. Un centriste au cœur du pouvoir Depuis sa nomination au gouvernement, Abdourahmane Diouf s’emploie à se construire une image d’homme d’équilibre, à la fois technocrate et politique, pragmatique et loyal.
Lors du quatrième anniversaire de son parti Awalé, il a réaffirmé sans ambiguïté son allégeance au président Bassirou Diomaye Faye:
« Je suis Diomaye, Diomaye est moi. Nous n’avons jamais voté pour nous, toujours pour d’autres. »


Ce ton, à la fois affectif et politique, marque une volonté de s’arrimer fermement au chef de l’État, tout en s’inscrivant dans une dynamique de stabilité et de consensus. Diouf prône une approche fondée sur la modération, la réconciliation nationale et la consolidation institutionnelle.
« Faisons le choix du pardon et du consensus », a-t-il martelé récemment, dans un contexte où la classe politique semble plus fracturée que jamais. Une ligne de fracture avec Sonko et PASTEF Mais derrière cette loyauté revendiquée à Diomaye se dessine une autre posture : la distance grandissante vis-à-vis d’Ousmane Sonko.
Sans jamais s’attaquer frontalement à lui, Abdourahmane Diouf a multiplié les prises de position jugées critiques à l’égard du style politique de PASTEF, évoquant la nécessité de dépasser la « logique de confrontation » et de privilégier la « maturité institutionnelle ».
Ses déclarations sur la « justice des vainqueurs » et son appel à ce que « le président prenne ses responsabilités » ont suscité de vives réactions au sein du parti de Sonko. Abass Fall, maire de Dakar et cadre influent de PASTEF, n’a pas tardé à lui répondre sèchement, soulignant que « critiquer Sonko pour plaire à Diomaye, c’est mal comprendre la nature du projet ».
Dans les cercles sonkistes, on l’accuse désormais de vouloir distinguer artificiellement Diomaye et Sonko, dans une stratégie de repositionnement personnel. Un pari risqué, tant la base militante continue de percevoir les deux hommes comme indissociables. Une posture politique calculée
Abdourahmane Diouf semble vouloir se poser comme le visage modéré de la majorité présidentielle, celui d’un homme d’État plus que d’un militant. Son discours sur le « Sénégal du dialogue et des institutions fortes » séduit une partie des élites administratives et de la société civile lassées des excès du militantisme.
Dans sa stratégie, Diomaye Faye représente la continuité, Sonko l’énergie initiale, et lui-même, Diouf, la rationalité et la méthode. Il s’inscrit ainsi dans un triptyque de légitimité politique où il entend jouer le rôle du pont entre l’idéalisme révolutionnaire et la gouvernance pragmatique.
Mais ce positionnement reste fragile. Son parti Awalé demeure de taille modeste, sans véritable ancrage populaire. Et sa posture trop lisse peut être perçue comme une tentative d’exister médiatiquement dans un espace dominé par des figures plus polarisantes. L’équation du futur : fidélité ou autonomie ?

En misant sur une proximité exclusive avec Diomaye Faye, Abdourahmane Diouf espère s’imposer comme une référence d’équilibre dans la future architecture du pouvoir.
Mais ce calcul comporte une double menace : celle d’être perçu comme opportuniste par les partisans de Sonko, et celle d’être jugé trop ambitieux par le cercle présidentiel.
Dans une coalition où les loyautés sont encore mouvantes, le ministre joue une partition délicate, entre fidélité et différenciation, loyauté et autonomie.
Sa réussite dépendra de sa capacité à transformer sa rhétorique de la modération en capital politique durable, dans un paysage où les équilibres changent au rythme des crises. Une voix à suivre, mais sous surveillance L’ancien technocrate de l’administration publique, devenu ministre et chef de parti, incarne la tentation d’un centre politique sénégalais, entre rupture et continuité.
Son appel à la sérénité, au consensus et à la réforme pourrait trouver un écho au sein d’une opinion lassée des postures radicales.
Mais dans une scène politique encore dominée par les symboles de la loyauté à Sonko, la moindre dissonance peut être interprétée comme une trahison.
En définitive, Abdourahmane Diouf tente d’incarner le pragmatisme dans un moment de passions politiques.
Reste à savoir si le Sénégal est prêt, aujourd’hui, pour un tel équilibre.