Dans les quartiers généraux de l’opposition, le vide après le pouvoir

POLITIQUE
Mardi 29 Juillet 2025

De Colobane à Mermoz, en passant par la VDN, un sentiment étrange plane sur les sièges des grands partis sénégalais. Là où les slogans fusaient et les cadres politiques affluaient, on n’entend plus que le vent. L’opposition traditionnelle semble figée dans une torpeur post-électorale. Reportage dans ces lieux devenus fantômes.
 
Parti Socialiste : la mémoire des réunions passées
 
Sous le grand baobab de la Maison du Parti à Colobane, tout est calme. Trop calme. Les murs, jadis tapissés d’affiches militantes, sont aujourd’hui ternis par le temps. Le 24 mai 2025, une réunion stratégique du Bureau politique avait donné l’illusion d’un renouveau. On y avait promis la création d’une Commission spéciale pour relancer les activités internes du parti, en réaffirmant un positionnement d’opposition républicaine et constructive.
 
Mais depuis ? Rien. Les portes restent closes. Aucun débat public, aucun nouveau mot d’ordre, malgré un climat politique en pleine reconfiguration. La Commission censée porter ce sursaut semble elle aussi s’être dissoute dans le silence. Une modernisation du siège était pourtant annoncée, avec installation de wifi et sonorisation. Mais sur place, seule la poussière semble s’être connectée.
 
 
PDS : les ruines du pouvoir
 
Sur la VDN, au siège du Parti Démocratique Sénégalais (PDS), le décor parle à la place des hommes. L’entrée du siège Omar Lamine Badji est jonchée de sachets en plastique et de feuilles mortes, les pancartes affaissées sous le soleil de juillet. Un agent de sécurité somnolent lève à peine les yeux : « C’est vide depuis des semaines… sauf quand le président appelle. »
 
C’était le cas à la veille du Dialogue national. Un sursaut de vie, quelques vieux militants, des journalistes dans la cour, des conciliabules. Abdoulaye Wade avait finalement donné son feu vert à la participation au dialogue, malgré le refus de leurs anciens alliés de l’APR. Un porte-parole, Bachir Diawara, avait égrené les propositions du parti : bulletin unique, encadrement du parrainage, réforme de l’article 80, financement public des partis… Mais ce souffle n’a pas duré. Depuis, plus rien. Le vieux lion dort, et avec lui, son parti.
 
 
APR : de la défaite au déni
 
À Mermoz, le quartier général de l’Alliance Pour la République (APR), ex-machine de guerre électorale, semble figé dans un temps d’avant. La dernière réunion remonte au 9 mai 2025. Ce jour-là, des responsables se sont rassemblés dans un salon peu ventilé du siège, pour acte de refus : l’APR ne participera pas au Dialogue national.
 
Motif invoqué ? Un climat d’inquisition politique, alors que plusieurs cadres du régime de Macky Sall font l’objet d’accusations pour détournement de fonds publics. Devant la presse, le porte-parole du parti avait dénoncé une chasse aux sorcières. Mais depuis, plus un mot. Le rideau métallique reste baissé la plupart du temps. Le local résonne plus des souvenirs de la défaite que d’un projet d’opposition.
 
Silence, repli, déconnexion : une opposition en léthargie
Si le Dialogue national a été un électrochoc temporaire, il n’a pas suffi à ranimer une opposition en quête d’utilité. L’APR reste dans une position de refus, le PDS dans un retour hésitant, et le PS dans une relance rhétorique sans visibilité.
 
Dans les quartiers, les militants s’interrogent : à quoi servent encore les sièges ?
Des lieux autrefois vivants, désormais réduits à de simples adresses postales. La politique semble s’être déplacée ailleurs : dans les réseaux sociaux, les arènes d’influence informelles, et chez les jeunes partis comme le Pastef, devenu le nouveau centre de gravité – pour le meilleur ou pour le pire.

POINT ACTU