«IL FAUT PASSER LES MARCHES A LA MOULINETTE DE LA TRANSPARENCE»

COVID-19
Mardi 21 Avril 2020

De la mesure de confinement jusqu’à l’exigence de la transparence dans la passation des marchés publics en passant par l’appel de Macky Sall sur la dette, Serigne Fallou Dieng, président du Cercle des intellectuels soufis, fait une analyse globale sur la situation créée par la crise sanitaire du Covid-19.


Serigne Saliou Guèye : Les médecins sont divisés à propos d’un éventuel confinement pour endiguer la pandémie du coronavirus. Quelle est votre opinion sur la question ?

Serigne Fallou Dieng : Le Conseil scientifique en charge d’aiguiller l’exécutif dans la gestion de la crise sanitaire liée au coronavirus (Covid-19) doit arrêter de vendre au président de la République des idées simples et des courtes vues en lui présentant le confinement, comme une petite ritournelle qui n’en finit plus. Le Conseil scientifique et autres sachants médicaux ont en revanche le devoir de mettre les bouchées doubles et travailler d’arrache-pied en vue de mettre en place le matériel de barrage comme des masques à profusion et faire en sorte que la distribution de tous les équipements de protection soit assurée et gratuite.

Le Président Sall a raison de s’effrayer de l’afflux des cas issus de la transmission communautaire, ce qui constitue certes une «phase ascensionnelle» de la maladie sans pour autant accéder au niveau de la situation de haut plateau et de l’hospitalisation massive. Laquelle situation obligerait les autorités à condamner les sénégalais à la réclusion sanitaire et à la relégation économique. La guerre contre le Sars-Cov-2 n’est pas que martiale.

Et la santé ne se réduit pas à la médecine, elle inclut la qualité de vie et les rapports à l’autrui. Des pays tels que l’Islande, Taïwan, l’Allemagne, la Nouvelle-Zélande, la Finlande, la Norvège et le Danemark partagent deux points en commun. Un : ils ont affronté l’épidémie de coronavirus avec une efficacité redoutable et recensé beaucoup moins de victimes que les autres. Deux : ils sont tous des pays dirigés par des femmes qui ont su faire preuve de qualités précieuses telles que l’inventivité, la réactivité, le sang-froid et l’esprit de vérité.

Avec ce nouvel ordre mondial post-covid qui s’annonce, assorti de réformes sociales massives, le président Sall déclare trouver son chemin de damas qui passerait évidemment par la priorité nationale et par la capacité d’offrir de nouveaux débouchés aux producteurs locaux. Lequel chemin de damas ne saurait nous ramener ni aux mauvaises habitudes congénitales à nos Etats, ni au favoritisme de la parentèle, ni à l’infestation de l’Etat par des renards politico-affairistes. Il ne peut plus y avoir de resurgissement des entourloupes d’avant-hier.

Quelle appréciation faites-vous de l’appel de Macky Sall relatif à l’annulation de la dette ? Un appel d’ailleurs non entendu par les bailleurs de fonds…

La demande récurrente de la suppression des dettes est une vieille habitude très éculée, appartenant au vieux monde. Or, l’instauration du nouvel ordre mondial requiert forcément l’abandon des vieilles pratiques. Depuis des décennies, les pays « riches » ne cessent de consentir à l’Afrique des allègements et des suppressions de dettes. Au début des années 2000, les PPTE (Pays pauvres très endettés) ont ainsi bénéficié de considérables remises par les créanciers bilatéraux. Or, à peine sauvés du gouffre de l’endettement, ils y ont replongé…

En plus des remises de dettes, l’Afrique engloutit, année après année, des sommes colossales versées au titre de l’APd (Aide publique au développement). De 1960 à 2018, le continent a ainsi reçu en dons, au seul titre de l’APd, près de 2000 milliards de dollars (pour une dette d’environ 400 milliards de dollars dont entre 180 et 200 milliards de dollars de dette chinoise), soit en moyenne 35 milliards de dollars par an. En dollars constants, le continent a donc reçu plusieurs dizaines de fois plus que l’Europe du lendemain de la seconde guerre mondiale avec le Plan Marshall. Or, ces prêts, ces allègements de dettes, ces aides et ces dons n’ont servi à rien car, en plus de sa suicidaire démographie, le continent est paralysé par son immobilisme. En effet, en dehors du don de la nature constitué par le pétrole et les minerais contenus dans son sous-sol, l’Afrique ne produit rien, sa part de la valeur ajoutée mondiale dans l’industrie manufacturière est en effet de moins de 2 % dont les 9/10e sont réalisés par deux pays sur 52, l’Afrique du sud et l’Egypte… L’annulation de la dette proposée par le président Macron ne changera donc rien à cet état des lieux.

D’autant plus que la Chine, prédatrice souriante, est désormais à la manœuvre. Mue par le seul moteur du profit, elle endette chaque jour un peu plus le continent à travers des prêts généreusement octroyés. Ces derniers font replonger les pays bénéficiaires dans la spirale de l’endettement dont ils commençaient tout juste à sortir après les considérables allègements consentis dans les années 2000 aux PPTE par les Occidentaux.

Comme ces prêts ne pourront jamais être remboursés, Pékin va mettre la main sur les grandes infrastructures données en garantie par ses débiteurs. Ainsi en Zambie où le gouvernement, après avoir été contraint de céder à la Chine la ZNBC, la société de radio-télévision, s’est vu contrainte d’engager des discussions de cession concernant l’aéroport de Lusaka et la ZESCO, la société nationale d’électricité.

Que dites-vous des recherches sur le vaccin Covid-19 préconisées par le milliardaire (en dollars, Ndlr) Bill Gates ?

Cette plaidoirie des vaccins par bill Gates est un gagnant-gagnant pour l’industrie pharmaceutique et la vaccination obligatoire. Les vaccins, pour bill Gates, sont une philanthropie stratégique qui alimente ses nombreuses activités liées aux vaccins (y compris l’ambition de Microsoft de contrôler une entreprise mondiale d’identification vaccinale) et lui donne un contrôle dictatorial de la politique de santé mondiale.

L’obsession de Gates pour les vaccins semble être alimentée par la conviction de sauver le monde par la technologie. Promettant sa part de 450 millions de dollars sur 1,2 milliard de dollars pour éradiquer la polio, Gates a pris le contrôle du Groupe consultatif technique national indien sur la vaccination (NTAGI), qui a prescrit jusqu’à 50 doses de vaccins contre la polio par le biais de programmes de vaccination se chevauchant pour les enfants avant l’âge de cinq ans.

Les médecins indiens accusent la campagne Gates d’être à l’origine d’une épidémie dévastatrice de paralysie flasque aiguë non-polio (NPAfP) qui a paralysé 490 000 enfants au-delà des taux attendus entre 2000 et 2017. En 2017, le gouvernement indien a rappelé le schéma vaccinal de Gates et a demandé à Gates et à ses politiques de vaccination de quitter l’Inde. Les taux de NPAFP ont chuté brusquement. Pendant des années, Bill Gates a été à l’avant-garde sur la recherche concernant les pandémies mondiales et les campagnes de vaccination de masse. Au cours de la dernière décennie, Gates a déclaré à plusieurs reprises que le monde n’était pas prêt pour une pandémie mondiale.

En octobre 2019 (seulement quelques mois avant l’apparition de COVId-19), la fondation bill et Melinda Gates (en coopération avec le forum économique Mondial) a organisé l’événement 201, une simulation de 3,5 heures sur table d’une pandémie mondiale. Curieusement, cette simulation concernait un nouveau coronavirus qui tuerait des millions de personnes. Environ huit semaines plus tard, un véritable nouveau coronavirus a éclos en Chine. Cela a conduit certaines personnes à se demander si cet exercice avait réellement prédit la propagation du COVId-19. C’est dans le sillage de Bill Gate que les Européens ont eu à mettre en place la novlangue dite passeport d’immunité.

Ces passeports d’immunité devraient être fondés sur des tests de dépistage d’anticorps spécifiques au Covid-19. Des tests distincts de ceux utilisés pour déterminer si l’on est porteur du virus ou non. Problème : en l’état actuel, ces tests « ne sont pas suffisamment précis pour permettre des passeports d’immunité individuels », comme l’a affirmé Claire Stanley, professeure adjointe au Center for Global Heath Science and Security de l’université de Georgetown, aux États-Unis. Et « tester les individus avec ces méthodes est encore loin d’être considéré comme utile », a-t-elle ajouté.

Comment appréciez-vous le marché du transport du riz attribué au député Diopsy par le ministre Mansour Faye et le manque de transparence décrié par les opérateurs économiques s’activant dans la vente du riz ?

Quand le président de la République se pique de philosophie du nouvel ordre mondial, cela impliquerait immanquablement des nouveaux standards de bonne gouvernance et de la gestion rationnelle.

Aucun franc n’est un pognon de dingue dans la passation des marchés publics. Les commandes publiques doivent être passées à la moulinette de la transparence par le peuple sans lequel rien ne se fera. Et aucune revendication de cette nature ne saurait être perçue comme un débat au ras des pâquerettes. Cet épisode est un avant-goût des paradis sociaux et du cimetière économique de l’après-covid. Le Président devait faire preuve davantage de fermeté et d’efforts pour garantir la transparence dans la gestion du secours social et dans la distribution des vivres destinés aux ménages vulnérables.
 
Interview réalisée par Serigne Saliou Guèye