La République des intimidations

TRIBUNE LIBRE
Dimanche 12 Mars 2017


Il est de notoriété publique que la force de l’argument doit toujours primer sur l’argument de la force. Mais, au regard des actes posés au quotidien par le régime de Macky SALL, force est de constater que le Président a décidé de faire de l’intimidation son cheval de bataille. Non content de créer des institutions budgétivores et inutiles (CESE, HCCT, CNDT, HCDS…) pour caser des alliés, il verse dans la menace, l’intimidation et l’emprisonnement pour museler les insoumis et les contestataires. Seulement, devant une assemblée réputée la plus faible depuis l’indépendance, une assemblée inculte où la plupart des députés ignorent leur mission, la justice se posait comme le dernier rempart à même de contrôler les dérives de l’exécutif, car comme le montrait Charles Louis de Secondat (Montesquieu) dans son ouvrage De l’esprit des lois (1748), le principe du respect de la séparation des pouvoirs est la condition sine qua non de l’équilibre de tout gouvernement modéré. Mais aujourd’hui, au vu de la nature et de l’évolution des dossiers judiciaires, les Sénégalais doutent de plus en plus de la crédibilité et de l’indépendance de leur justice qui serait tout simplement aux ordres du palais. Et les faits, têtus, sont là pour en attester.
Aux lendemains de sa prise de fonction, le Président dépoussière la cour pour la répression de l’enrichissement illicite (CREI) pour régler des comptes politiques. Sur plus de 25 dignitaires du régime de WADE, seul le fils de celui-ci sera condamné, accusé de détournement de 4000 milliards qui vont décroître (693 milliards) avant de fondre, comme du beurre au soleil, à une centaine de milliards. Malgré tout l’argent dépensé et le tintamarre qui a accompagné «ce processus de recouvrement des deniers publics», force est de constater que la montagne a accouché d’une toute petite souris. Aujourd’hui, tout ce que le commun des Sénégalais peut dire de ce dossier, c’est que Karim WADE a été contraint à un « exil » au Qatar. Comment ? Pourquoi ? En échange de quoi ? On ne saurait le dire. Ce chapitre relativement clos, c’est à Ousmane SONKO et à Mme Nafi Ngom KEITA de subir l’ire de sa majesté car tenant à révéler la vérité aux Sénégalais et à refuser toute forme de compromis et de compromissions. Ainsi, foulant au pied les droits élémentaires des concernés, SONKO et Mme KEITA ont été remerciés, sans autre forme de procès.                     
Cette page tournée, la machine reprend du service pour, cette fois-ci essayer d’éliminer un adversaire politique redoutable, par ailleurs maire de la capitale, Dakar. Seulement, comme dans un scénario hollywoodien savamment orchestré, un grand détour sera opéré, en passant par Mermoz-Sacré cœur, la Médina avant de s’arrêter devant la caisse d’avance de l’hôtel de ville de Dakar. Ainsi, à défaut de retirer à ses maires leurs droits civiques et politiques qui leur empêcherait de briguer le suffrage de leurs concitoyens, le régime de Macky SALL réussira, au moins, la prouesse de les divertir et de les détourner de l’essentiel : préparer les législatives et éventuellement déposer une liste parallèle à celle de Benno Bokk Yaakaar. Pendant ce temps, tout est prétexte, pour le chef de l’Etat, pour battre campagne. De ce fait, on a tellement le temps qu’on ne crache même pas sur l’inauguration d’une tribune d’un stade de la banlieue, qui apparait plutôt comme une occasion de plus pour se pavaner, pendant que l’urgence est vraiment ailleurs. Notre système sanitaire est obsolète, le chômage a atteint sa vitesse de croisière et l’insécurité est omniprésente sur nos routes, dans nos quartiers et même dans nos prisons, comme en attestent toutes ces victimes dénombrées en moins d’une semaine.
Au même moment, des nébuleuses comme l’affaire Pétro-Tim qui met en cause le jeune frère du président, sont rangées aux oubliettes et d’autres responsables épinglés par nos juridictions ordinaires, comme la cour des comptes ou encore l’OFNAC, ne sont nullement inquiétés car ils s’habillent en marron et beige.
Aujourd’hui, des hommes du milieu judiciaire, comme le magistrat Ibrahima Hamidou DEME, ont encore tiré la sonnette d’alarme, malgré les menaces et les intimidations. Aussi, est-il temps que la justice se ressaisisse pour (re)donner confiance à la veuve, à l’orphelin et au pauvre, sauf qu’avec ce régime, obnubilé par un second mandat, tout est possible. Ainsi, ce qui taraude les esprits c’est qu’hier, c’était Karim WADE, aujourd’hui Khalifa Ababacar SALL, demain, à qui le tour ?
 
Papa Ibrahima DIAGNE
Membre de la Convention Nationale des Cadres du Grand Parti