La castration des étalons...

TRIBUNE LIBRE
Lundi 4 Novembre 2019

Par le sabre decrétal, le président du parti à la tête de cheval a procédé fast-track à la castration intellectuelle de ses militants et alliés.
Le temps de deux lundis de décapitation, avec deux victimes offertes en exemples (Sory Kaba et Moustapha Diakhaté), les apéristes sont devenus incapables de saillies où seraient utilisées simultanément 3ème et mandat. Interdiction absolue de prendre position et même de rappeler sa position à lui.

Par ces temps où plane sur leur tête un "décret de Damoclès" bien acéré, ils se terrent, la peur au ventre, et tremblotent dès qu'un micro leur est tendu. Jadis volubiles et prompts à répéter tels des perroquets les phrases du maître plutôt que d'exprimer leur conviction sur les grandes questions, ils ne peuvent plus faire ni l'un (répéter les propos de leur mentor sur l'impossibilité d'un autre mandat) ni l'autre (exprimer une position divergente). Face à un chef qui les somme d'aller défendre son bilan sur les plateaux et qui, en même temps, leur interdit de se prononcer sur une question qui leur sera posée inévitablement, ils ont aujourd'hui le C... entre deux chaises.

Leur déchéance et leur renoncement à la préservation de leur dignité d'hommes politiques épris du minimum de liberté de conscience et d'expression doivent être enregistrés au livre Guiness des records de la lâcheté politique. Je dirai à vos enfants que, dans un Sénégal libre et démocratique, vous avez réussi la prouesse de vivre dans la peur d'exprimer votre point de vue sur une question. Tchipiri !
À entendre le :"Je n'ai pas de conviction sur le 3ème mandat" de Yakham Mbaye, théoricien de la dynastie Faye-Sall, ou le "vous voulez que je sois limogé" de Ibrahima Ndoye, peut-être ont-ils déjà compris, qu'avec des strapontins, vous aurez troqué votre honorabilité.
Ainsi, fabriquent-ils un ogre dictateur, et après l'avoir alimenté à coups de compromissions basses dans le seul but de préserver les positions et les avantages, ils passent à la trappe, pris qu'ils sont à leur propre piège. Pauvres araignées !

Quand le président de Pastef, Ousmane Sonko, fort de l'exploitation du document de programmation budgétaire pluriannuel 2016-2018 (disponible sur le site du ministère des finances) a dénoncé la fraude fiscale de l'Assemblée nationale, Moustapha Diakhaté a été le premier à proposer sa radiation.
Ainsi, cautionnait-il qu'un citoyen sénégalais, de surcroît chef de parti politique, puisse être interdit de commenter un document mis en ligne et consultable à bout de clic par tout citoyen sénégalais ou étranger. La suite de l'histoire est connue de tous.

Le président Ousmane Sonko apprendra sa radiation sur les ondes de la RFM. Il n'a, à ce jour, toujours pas reçu la notification de cette mesure individuelle.
Malgré toutes ces entorses à la légalité, Moustapha Diakhaté aura félicité Macky Sall pour son allergie à la critique, son abus de pouvoir et pour sa violation allègre des règles de forme et de bienséance administrative. Bientôt son cas tout comme celui de Sory Kaba ne seront qu'anecdotiques. Car, il faut s'y attendre, la folie transgressive va s'aggraver jusqu'à l'acte de trop, le pas de trop. Inutile de lui rappeler sa parole d'hier. Depuis le parjure de la réduction du mandat de 7 à 5 ans, elle ne vaut un kopek.
L'un des problèmes de fond de ce vent de suspicion au tour du 3ème mandat est justement là. L'ancien promoteur du "Dekkal Ngor" n'est pas un homme de parole , "dou gorr buniu ko natté ca wax ja". Et si les sénégalais posent ce débat dès à présent, c'est parce qu'ils ont besoin d'assurances que son manque de crédibilité lui empêche de fournir.

L'autre problème de fond, c'est l'aveu d'échec sous-jacent à toute velléité "d'éternisation" au pouvoir. Un homme d'État ne saurait aspirer à rester intemporel dans la mémoire de ses concitoyens que lorsque ceux-ci peuvent se passer de lui tout en le regrettant pour son bilan. Se passer de lui parce que les institutions qu'il aura mises en place ou contribué à renforcer sont si solides que lui-même ne soit pas indispensable pour la stabilité du pays qu'il a eu l'insigne honneur de diriger. Sur cette ligne de son bilan, Macky Sall qui disait que l'une de ses premières missions n'était pas de construire des routes ou des autoroutes mais de reconstruire l'État de droit, aura échoué. Lamentablement.
Mais, s'il y a un appel à lancer encore à "l'homme au Mérr Gaddu", c'est qu'il se surpasse et aille jusqu'au fond de ses tripes nous trouver cette ressource dont il manque tant. Cette grandeur qui ferait l'économie de vies humaines toujours perdues en pareilles batailles.

Bassirou Diomaye Faye
Membre du COPIL
Coordonnateur du Mouvement des Cadres Patriotes