Le CDEPS en colère contre le ministère de la Communication

COMMUNIQUE
Lundi 11 Mai 2020

Communiqué du Conseil des Diffuseurs et Éditeurs de Presse du Sénégal (CDEPS), daté du 10 mai 2020, dénonçant les conditions d'octroi de l'aide à la presse par le ministère de la Communication.


"Le Conseil des Diffuseurs et Éditeurs de Presse du Sénégal (CDEPS), organisation patronale des médias sénégalais, voudrait lever toute ambiguïté sur sa position concernant l’aide à la presse 2020.
Le CDEPS a été informé lundi 4 mai 2020, par le ministère de la Culture et de la Communication, de la disponibilité de l’aide à la presse, sous forme de chèques à retirer par les entreprises de presse. Grande a été sa surprise quand les entreprises ont découvert que les montants alloués étaient simplement dérisoires par rapport à l’enveloppe de UN MILLIARD QUATRE CENT MILLIONS (1.400.000.000 FCFA), annoncée par le président de la République, le vendredi 27 mars, lors de l’audience que le chef de l’État a accordée aux acteurs des médias.
Depuis, le ministère de la Culture et de la Communication mène une campagne de dénigrement du patronat de la presse et abuse l’opinion publique sénégalaise par la désinformation.
Le CDEPS n’a jamais donné un mot d’ordre de boycott du retrait des chèques comme l’a affirmé le Directeur de la Communication sur les antennes de la RTS mercredi soir, tout comme ce dernier de manière fallacieuse a prétendu que les montants alloués aux entreprises de presse ont été doublés, voire triplés. De même, le ministère de la Culture et de la Communication affirme de manière éhontée que les acteurs des médias ont été associés à la définition des critères d’attribution de l’aide à la presse.
C’est avec surprise également que nous nous étonnons de l’information ou de la rumeur selon laquelle le CORED aurait réconcilié le CDEPS et le ministère de la Culture et de la Communication. Cette rencontre du jeudi 7 mai a au contraire montré les divergences de fond sur l’aide à la presse entre le ministère et le patronat.
Contrairement à une soi-disant compromission, le CDEPS continue toujours de dénoncer les critères iniques de répartition de l’aide à la presse et de réclamer la publication d’un arrêté du ministre sur les bénéficiaires et les montants alloués.
La rencontre de jeudi dernier a au contraire encore plus démontré l’incurie du ministère de la Culture et de la Communication qui ne connaît ni l’histoire de l’aide à la presse, ni le cadre légal de celle-ci.
L’aide à la presse, matérialisée par la loi 96-04, est un acquis de haute lutte pour la presse privée sous la houlette des «quatre mousquetaires» (Babacar Touré, Abdoulaye Bamba Diallo, Mamadou Oumar Ndiaye et feu Sidy Lamine Niasse), alors porte-drapeau d’une presse privée émergente dans les années 90.
Cette aide, destinée aux seules entreprises de presse privée, a été détournée par le ministère qui l’a dilapidée en la distribuant à tout organe de presse :
- Les médias de service public, qui ont un statut de médias de service public et reçoivent à ce titre des subventions de l’État.
- Les radios associatives et communautaires, qui sont des associations et non pas des entreprises.
- Les organes de presse qui ne sont pas érigés en entreprises de presse
- Certains éditeurs qui n’existent plus et ont cessé leurs activités.
Le ministère de la Culture et de la Communication ne saurait créer la zizanie avec les médias de service public, tous membres du patronat de la presse, dont nous défendons les intérêts en demandant qu’il leur soit octroyé des moyens financiers et matériels plus conséquents pour qu’ils puissent jouer pleinement leur rôle dans la politique de communication de l’État.
Le patronat de la presse reconnaît également le rôle fondamental des radios associatives et communautaires dans le développement local et, qu’à ce titre, ces médias de proximité devraient bénéficier de soutien massif de l’État et des collectivités locales.
En aucun cas, les fonds alloués à la presse privée ne sauraient être détournés par le ministère de la Culture et de la Communication, qui révèle ainsi son incapacité à définir et mener une politique de communication, pour répondre aux défis de notre développement économique et social.
En définitive, le ministre se vante d’avoir octroyé aux «sept plus grandes entreprises de presse 225 millions contre 122 millions l’année précédente». Cela représente à peine 16% de l’enveloppe de 1.4 milliard FCFA octroyée par l’État du Sénégal au titre de l’aide à la presse 2020. Les autres entreprises de presse, qui ne rentrent pas dans les critères du ministre des «7 plus grandes entreprises», ont, elles, reçu des sommes dérisoires. Certaines entreprises de presse ont simplement été ignorées. L’aide à la presse a profité à tous, sauf aux entreprises de presse.

Si le ministère de la Culture et de la Communication s’est fondé sur des critères très subjectifs pour dilapider l’aide à la presse, c’est que c’est une tutelle qui méconnaît totalement le secteur qu’il est censé maîtriser et réguler.
Le ministère de la Culture et de la Communication a une ignorance totale du secteur d’activités qu’il est censé manager par la méconnaissance des informations les plus élémentaires :
- Le nombre d’entreprises de presse au Sénégal ;
- Le capital des entreprises de presse et leur statut juridique ;
- Le chiffre d’affaires du secteur de la presse ;
- Le nombre de salariés des sociétés de médias au Sénégal ;
- La contribution fiscale et sociale du secteur de la presse…
C’est pour éviter les dérives du ministère que les acteurs des médias avaient soumis au président de la République deux requêtes qu’il a acceptées :
- Concertation avec les acteurs des médias pour la définition des critères de répartition de l’aide à la presse. Le CDEPS fonde cette requête sur le fait que le ministère n’a aucune connaissance de l’environnement économique, social et fiscal des entreprises de presse. L’assistance des acteurs des médias aurait permis au ministère d’avoir des critères objectifs de répartition de l’aide à la presse.
- Publication d’un arrêté de répartition de l’aide à la presse par le ministre de la Culture et de la Communication : l’affectation de fonds publics, à quelque bénéficiaire que ce soit, doit se faire dans la transparence comme gage de bonne gouvernance dans la gestion de l’argent public.
Comment peut-on occulter toutes ces données de base d’un «secteur prioritaire et névralgique», selon les termes mêmes du président de la République, et prétendre en être le ministre de tutelle ?
Pas étonnant alors que le ministre se fourvoie dans la politique «humanitaire» envers la presse qu’il s’est inventé.
Que le ministre se réinvente en Bill Gates avec ses fonds propres, mais laisse aux entreprises de presse privée la subvention de l’État.
En plus, de fortes suspicions pèsent sur les motivations du ministre de la Culture et de la Communication dès lors qu’il refuse de publier l’arrêté de répartition de l’aide à la presse :
- Pour arroser sa clientèle politique, propriétaire d’organes de presse ?
- Pour favoriser certaines entreprises de presse par leur proximité politique ?
- Pour se constituer des fonds politiques avec l’argent public ?
Eu égard à toutes ces considérations, le CDEPS, en toute responsabilité, dénonce les critères inavouables du ministre de la Culture et de la Communication, qui a détourné l’aide à la presse destinée aux entreprises de presse privée. À ce titre, le patronat continuera de réclamer la publication de l’arrêté de répartition de l’aide à la presse, qui démontrera toute l’illégalité des agissements du ministère de la Culture et de la Communication.
Cela va à l’encontre de la politique du président de la République, qui a réaffirmé «l’importance qu’il accorde au développement de la presse» en Conseil des ministres le 6 mai.

Cette volonté du président de la République, réaffirmée, permettra de «finaliser le dispositif d’application du Code de la presse», pour se libérer du scandale de cette «aide» aliénante, humiliante et corruptrice, par le décret dès 2020 sur la création du Fonds d’Appui et de Développement de la Presse (FADP). Beaucoup d’autres textes et actions pourront enfin créer un environnement favorable à la préservation d’une presse viable, libre et indépendante : loi sur la publicité, statut de l’entreprise de presse, effectivité de la carte de presse…

Le CDEPS mènera toutes les actions nécessaires, dans la stricte légalité, pour que les entreprises de presse privée soient rétablies dans leurs droits."