Manifestation contre le parrainage : seul le peuple peut opposer une résistance réussie

GUEST EDITORIALISTE
Lundi 16 Avril 2018

Ces derniers jours, les Sénégalais ont été les témoins passifs d’un bras de fer communicationnel entre opposition et pouvoir autour du projet de parrainage.

L’examen en plénière du projet de loi est prévu ce jeudi. Et si la loi est votée, le président peut procéder à sa promulgation et sa publication au journal officiel pour la rendre exécutoire.

C’est dire que le parrainage a encore du chemin à parcourir pour figurer en bonne place dans la nomenklatura juridique sénégalaise, étant entendu qu’il faudra non seulement modifier la Constitution, mais aussi le code électoral.

Mais de tout cela, l’opposition n’en a cure. Elle est déterminée à tout faire pour que la loi ne soit pas votée parce qu’elle sait que la majorité mécanique parle à chaque fois et l’Assemblée n’est pas en mesure de s’ériger en contre-pouvoir de l’Exécutif.

Alors elle compte sur la rue, c’est-à-dire sur les Sénégalais, comme… le 23 juin 2012. Les adversaires de Macky Sall tous réunis rêvent d’un 23 juin bis. Ils ont assez exprimé leur détermination.
Car, ils savent que leur détermination ne suffira pas à faire reculer Macky. Ce dernier se moque manifestement de ce que pense son opposition, convaincu qu’il a vu juste. Ses partisans au rang desquels Mimi Touré, s’adressent aux médias pour ‘’valider’’ le projet. C’est dire que Macky ne reculera pas.

Face à ces extrémismes, seul le peuple, les citoyens sénégalais, pourront faire la différence par son attitude exactement comme…le 23 juin.

Si l’opposition arrive à mobiliser les Sénégalais contre ce projet de loi, l’Assemblée ne franchira pas le rubicond. Mais reste à savoir si elle est vraiment convaincue et déterminée à agir.

Car, la mobilisation a perdu un atout important : L’effet de surprise. Le 23 juin, le régime d’Abdoulaye Wade a été pris de court, dépassé. Il n’a pas vu venir car, c’était sans précédent.

Le 19 avril, ce ne sera pas le cas. Les forces de l’ordre ont déjà peaufiné les stratégies de riposte pour tenir la situation en main.

Cependant, si le peuple s’approprie la révolte et le manifeste assez clairement, les forces de l’ordre perdront toute légitimité à agir.

C’est pourquoi, après la bataille du référendum, l’opposition pourra perdre celle du parrainage. Nombre de Sénégalais restent convaincus que leur meilleure arme reste la carte d’électeur et pourraient préférer attendre l’élection pour se positionner.

Ceci découlerait du fait que les états-majors politiques n’auront pas fait le travail de sensibilisation et de mobilisation nécessaires. Comme au référendum.

Certes Dakar reste très politisé et en général très hostile aux différents régimes qui se sont succédé, mais les populations ne sortiront pas facilement pour braver les forces de l’ordre.

Si en effet l’accès au centre-ville est filtré, si des arrestations sont opérées notamment celles de leaders, il va s’en dire que c’est Macky qui aura encore gagné.

Néanmoins, c’est l’image du Sénégal qui va en prendre un sacré coup. Nous ne pouvons pas nous inscrire dans la dynamique de ce qui se passe au Togo, un pays où il n’y a jamais eu d’alternance démocratique.

Même si Macky sait qu’il peut contenir les troubles, il y va de son intérêt d’écouter la société civile dans ses efforts de médiation.

Aucun démocrate ne peut gouverner son pays dans le mépris de l’opinion publique. Or celle-ci ne saurait se limiter ni aux déclarations des partisans du pouvoir ni à celles de l’opposition. Il faut savoir jauger l’opinion par ses propres méthodes d’écoute et d’évaluation et agir en conséquence.

Un projet de révision qui n’est pas inscrit dans le référendum est forcément suspect. Et Macky sait que l’opposition ne le laissera pas dérouler tranquillement son agenda et sa stratégie sans réagir.

C’est pourquoi, il appartient aux médiateurs de la crise de faire des contrepropositions dans le but d’amortir la crise en contentant toutes les parties. C’est encore possible.

Certes le risque de prolifération des candidatures est là, mais le parrainage a le défaut congénital d’être arrivé au moment où chaque état-major politique peaufine ses stratégies de bataille pour gagner.

Assane Samb