Mansour Faye vs Ousmane Sonko : Ma part de vérité

TRIBUNE LIBRE
Mercredi 7 Octobre 2020

«Il n'est pas de vent favorable pour celui qui ne sait où il va» Sénèque
«En temps de guerre, la vérité est tellement précieuse qu'elle est entourée de mensonges» Churchill


Ce débat opposant M. Mansour FAYE à M. Ousmane SONKO est, à mes yeux, loin des aspirations et attentes populaires. Mieux, il incommode toute la République notamment le Président, M. Macky SALL.

Que SONKO demande une audience avec M. Macky SALL, qu'il sollicite d'être éclairé sur telle ou telle chose, qu'il exige une reddition des comptes entre autres, je trouve qu'il n'y a rien d'illégal, d'attentatoire encore moins de superfétatoire en cela. La déclaration universelle des droits de l'homme et du Citoyen du 26 août 1789 qui fait partie du préambule de notre Constitution revient clairement et largement sur les moyens qui entretiennent la force publique et sur le droit du Citoyen à pouvoir constater si effectivement l'argent recouvré à été dépensé et conformément aux exigences. Aux termes des articles qui suivent l'on peut confirmer ce qui précède :

- Article 13
Pour l'entretien de la force publique, et pour les dépenses d'administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés.

- Article 14
Tous les citoyens ont le droit de constater, par eux-mêmes ou par leurs représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d'en suivre l'emploi, et d'en déterminer la quotité, l'assiette, le recouvrement et la durée.

- Article 15
La société a le droit de demander compte à tout agent public de son administration.
En sus, la constitution sénégalaise de 2016, a érigé la participation citoyenne en un principe constitutionnel et l'Acte3 de la décentralisation du Sénégal ne dit pas moins.
En revanche, qu'on veuille détourner les populations des vrais problèmes du moment, voilà ce qui est regrettable et condamnable à plus d'un titre. L'heure est à la réalisation des promesses électorales. Par exemple, la formation et l'insertion des jeunes, l'orientation future de nos bacheliers, la construction des routes bitumées à l'intérieur du Pays (le NIOMBATO), les infrastructures sportives, sanitaires, la construction des forages, des lycées, centres de formation et le financement des femmes surtout dans le monde rural.

À bas, ces déballages qui n'honorent pas la République encore moins le Président. N'oublions surtout pas que cette République est neutre et n'est l'apanage de personne et d'aucun Parti. Il est temps de retourner à nos fondamentaux. Est-il encore besoin de rappeler que les gouvernants d'aujourd'hui sont les opposants de demain et que les opposants d'aujourd'hui sont les gouvernants de demain. En conséquence, chacun doit jouer pleinement son rôle et au bénéfice des populations détentrices absolues du Pouvoir. Nous n'en sommes que les dépositaires et investis d'un tel rôle nous devons apprendre à faire preuve d'humilité et de pragmatisme outre mesure. Toute autre chose ne serait qu'une vaine manière de biaiser le jeu et de nous conduire à des choses improductives. Dès lors, il importe de respecter de part et d'autre les règles du jeu démocratique. Que ceux qui dirigent gouvernent et que l'opposition s'oppose. À cet égard, il faut reconnaître qu'il y a mille et une manières de s'opposer. D'ailleurs, M. Thierno Bocoum du mouvement AGIR est revenu récemment sur ce point. Selon lui, chacun s'oppose à sa manière.

Ce n'est ni plus, ni moins," ni fois, ni division" que cela. Toujours est-il que l'essentiel c'est de rester dans les confins du jeu démocratique constitutionnellement encadré et moralement admis. Il est tout de même vrai que certains essaient volens nolens de changer les règles du jeu en leur faveur. C'est ce qui fait dire, d'ailleurs, à Enriquez que la démocratie ce n'est pas l'acceptation des règles du jeu, c'est le jeu avec les règles, ce n'est pas le respect de la légalité, c'est l'essai de construire une légitimité non contestable et toujours donc contestée. M. Ousmane SONKO réussit superbement ce jeu et s'y conforme fructueusement. Dans le même ordre d'idées, on ne devrait point lui nier son rôle d'opposant. Qu'il soit un opposant taillé sur mesure ou atypique c'en est une autre chose. L'essentiel c'est que c'est un opposant qui s'oppose non pas comme les autres. Qu'à cela ne tienne !

Il est venu dans l'arène politique avec sa compréhension de la Respublica et agit conformément à ses convictions et perceptions. N'oublions pas qu'il a devant lui le régime qui l'a radié. Ce qui explique quelque part ses sorties incendiaires. La vérité est qu'il n'aura point le même langage que les autres. Par moments, on sent la personne blessée qui veut se faire justice hic et nunc. Ignorer cet aspect dans l'analyse des discours de SONKO revient à écarter l'élément moteur et souvent déterminant de son discours... L'autre atout qu'il a est qu'il sait se faire écouter et en profite royalement pour faire passer son message. Maintenant, on peut se demander si son message épouse parfaitement bien les canons de la tradition et de l'étiquette de la communication politique de nos ci-devant opposants ?

À mes yeux, il heurte parfois, mais ça ne l'empêche pas d'être écouté et suivi surtout par les jeunes et une partie de l'élite intellectuelle. Qu'on se rappelle un peu de l'arrivée de Donald Trump sur la scène politique américaine. Il faisait tout sauf ce qui était admis auparavant et à l'arrivée nous avons assisté à son élection. Je ne dis pas que SONKO est un Donald Trump, mais si on s'en tient à son discours, nous pouvons dire avec assurance que leurs discours épousent souvent les mêmes contours. Aura-t-il les mêmes chances que ce dernier ? Pas à moi de répondre à cette question. Tout ce que je sais c'est qu'il ressemble à bien des égards à BAZAROV. Qui est donc BAZAROV ? Et pourquoi BAZAROV ? BAZAROV cet adversaire d'OBLOMOV.

Après tout, c'est un jeune leader qui vient avec ses forces et faiblesses à l'image de Trump et de BAZAROV. Qui n'est pas passé par là ? Peut-être, Vous. N'est-ce-pas ?
La politique s'apprend au contact des gens et jamais par un système de pilotage à vue. SONKO a le mérite d'imposer ce qu'il est et ce qu'il veut.

Alors qu'en est-il des autres ?
Pour ma part, la mouvance et singulièrement ceux et celles qui ont en charge la communication du Président de la République, M. Macky SALL, doivent être des personnalités fortes, écoutées et appréciées si vraiment on veut que les choses répondent aux enjeux de l'heure. Il ne s'agit plus de reconduire ceux et celles qui étaient là depuis les premières années de nos indépendances, mais de faire confiance à la jeune génération. Cette génération des Biram FAYE, des Bamol Baldé, des Moïse SARR, des Maïssa Mahecor Diouf, des Lamine NGOM, René Pierre...

Ils pourraient en ce sens aider à relever le débat et conséquemment renforcer les bases de la mouvance au grand bénéfice de tout le monde. Autrement, attendons-nous à essuyer des échecs communicationnels qui pourraient gravement atteinte au bilan du Président. En réalité, quand on a le pouvoir on doit communiquer. À ce titre, rappelons juste que quand on communique et qu’on n’agit pas on trompe le peuple et quand on agit et qu’on ne communique pas on perd le pouvoir. La communication de la mouvance, somme toute, présente des défaillances impardonnables et nous en payons tous les contrecoups et jusqu'à quand encore ? Il ne s'agit pas de parler, il faut communiquer.

Malheureusement, beaucoup parlent et ne communiquent pas et puisque tout le monde parle si vous parlez on vous parle, mais si vous communiquez on vous écoute. N'oubliez pas que les relations publiques exigent une rigueur et gouvernent pratiquement la vie des États modernes. Les États-Unis l'ont compris et font des s relations publiques une matière nodale dans la gestion de la politique américaine. C'est en ce sens que Lincoln disait qu'avec l'opinion publique tout peut marcher et sans elle rien ne peut marcher. Cette opinion on la sustente si on est au pouvoir sinon et compte tenu du fait que la nature a horreur du vide d'autre la sustenteront et elle agira contre la volonté des gouvernants. Ne vivons-nous pas occasionnellement ces difficiles moments de la vie étatique ?

On est en droit de se demander que pense l'opinion de la communication de la mouvance ? C'est toute l'interprétation qu'il faudra donner à la sortie de M. Mansour FAYE. Savez-vous ce qu'on appelle l'horizon d’attente ? Hans Robert Jauss vous dira qu'on parle d'horizon d'attente quand on se fait une idée précise des résultats qui cadreraient à nos attentes. Or, après le "Priip" exigé par M. Mansour FAYE on attendait une suite conforme à nos attentes. Pour le moment, nos attentes sont déçues et finalement à quelles fins ? J'ai envie de dire après ce "priip", "piimp" et fin du match. Qui a gagné et qui a perdu ? En tout cas, ce n'est pas le peuple encore moins la République.

J'imagine très mal un vieux de 60 ou 65 ans tenir un débat avec un jeune de l'âge de 25 ans aguerri et ayant une parfaite maîtrise de son domaine à la télévision. Croyez-moi, ils n'auront pas les mêmes chances devant un public composé essentiellement de jeunes et avare de discours épousant le changement. Actuellement, au Sénégal l'idée motrice c'est que nous avons besoin de rajeunir l'élite politique. C'est ça la vérité. Toute autre chose heurte et risque d'avoir des conséquences malencontreuses.

Un jeune a plus de chances d'être suivi par les jeunes de son âge sur les réseaux sociaux, à la télévision, à la radio et donc il a plus de chances à faire passer son message et d'être écouté. Les jeunes sont tous connectés au NET. Rappelons que plus de 8.500.000 de sénégalais sont connectés à l'Internet et l'écrasante majorité est constituée de jeunes. Et alors ? Comment voulez-vous que ces jeunes ne suivent pas des jeunes comme eux surtout si on sait qu'au Sénégal le pourcentage de vieux connecté au NET est marginal. Par exemple, dans les campagnes beaucoup de jeunes utilisent le NET et suivent l'actualité par le canal du NET. Ce qui n'est pas le cas des vieux qui sont prompts à écouter la radio et rarement les débats politiques. Dans un tel contexte, le gouvernement a intérêt à promouvoir la jeune élite de la trempe des Biram FAYE... À entendre M. Yakham MBAYE dire que facebook est le tribunal des patriotes, force est de reconnaître qu'il avoue indirectement que les jeunes Patriotes gagnent le débat du NET. Seulement, il est intéressant de se demander comment en est-on arrivé là ? La mouvance est-elle discréditée par sa faible présence dans le NET ? Et à qui la faute ? Ceux qui sont censés défendre la mouvance ont-ils la légitimité pour le faire ? Finalement, que fait-on de la communication digitale ?

Une chose est certaine, les gouvernements du 21e siècle doivent faire du NET le premier outil de leurs politiques publiques. À l'heure où le triptyque information-transparence-reddition des comptes bouscule de plus en plus nos gouvernants force est de concéder que les ignorer revient tout bonnement à donner aux adversaires les armes pour vous abattre. S'il est vrai que l'avenir appartient à la jeunesse force est de concéder qu'elle doit nécessairement participer à la construction du Présent pour mieux gérer le trésor qu'il aura trouvé elle-même. N'accorde-t-on pas plus d'importance aux choses obtenues après de rudes épreuves qu'aux choses qu'on nous donne sans efforts et ni mérite ? L'avenir du Sénégal, c'est maintenant.

Docteur Abdourahmane DIALLO,
Enseignant-chercheur à l'UCAD,
Conseiller Municipal,
Coordonnateur des mouvements patriotiques BENNO DEFAR KARANG/ SÉLAL et BENNO DEFAR SUNU DÉPARTEMENT FOUNDIOUGNE
Membre de la Convergence des Cadres Républicains