Lors de la cérémonie d’ouverture du Forum Invest in Senegal 2025, tenue le 7 octobre à Diamniadio, le Premier ministre Ousmane Sonko a livré un discours sans notes, dense et percutant, dans lequel il a abordé les grands enjeux économiques, monétaires et culturels du Sénégal et de l’Afrique. Face à un parterre de décideurs, investisseurs et experts, il a affirmé la volonté du gouvernement de reprendre en main son destin économique, tout en appelant à une Renaissance africaine fondée sur la souveraineté, la culture et la rigueur dans la gouvernance. Le FMI : un partenaire, pas une béquille Ousmane Sonko a tenu à clarifier la nature du partenariat avec le Fonds monétaire international (FMI), dans un contexte marqué par les négociations pour un nouveau programme. Il a dénoncé la propagande médiatique qui laisse croire que le sort du Sénégal dépend exclusivement de l’institution de Bretton Woods.
« Ce partenariat est important, mais le sort du Sénégal dépend d’abord du peuple sénégalais lui-même », a-t-il martelé.Il a reconnu la complexité de la situation budgétaire, notamment après la révélation d’une part importante de dette non déclarée, mais a insisté sur le fait que la crédibilité du pays repose sur ses propres réformes, et non sur un simple accord de 1,8 milliard de dollars. Réforme du franc CFA : un appel à la responsabilité L’un des moments forts du discours a été l’appel à une réforme urgente du franc CFA. Ousmane Sonko a interpellé les dirigeants ouest-africains présents, les exhortant à prendre leurs responsabilités sur un dossier qu’il juge bloqué par l’immobilisme politique.
« Nous connaissons les problèmes, nous savons les réformes qu’il faut faire. Depuis des années, c’est posé sur la table mais il y a un manque de courage politique », a-t-il dénoncé.Il a averti que si les autorités ne prennent pas les devants, les peuples le feront à leur place, soulignant l’urgence d’une monnaie commune indépendante pour la CEDEAO. Une critique du multilatéralisme conditionné Le Premier ministre a également élargi sa réflexion à l’échelle mondiale, critiquant un multilatéralisme conditionné par l’avis des institutions financières internationales.
« Même pour les grandes puissances, la capacité à collaborer avec un pays dépend souvent de l’onction d’un certain nombre d’institutions. On va dire : ‘Nous attendons l’avis du FMI’. »Il appelle à une révision profonde du système multilatéral, afin de redonner aux États africains leur pleine souveraineté économique et diplomatique. Une Renaissance africaine fondée sur la culture et la gouvernance Au-delà des enjeux économiques, Ousmane Sonko a plaidé pour une Renaissance africaine fondée sur : Le retour aux racines culturelles. La valorisation des langues africaines. Une gouvernance rigoureuse. Une gestion responsable des ressources naturelles. Il a rappelé l’importance de reconstruire une mémoire collective forte, en citant l’Égypte antique, les empires du Ghana et du Mali, et en dénonçant la domination des langues étrangères dans les politiques publiques. Sécurité, cohésion et industrialisation Sonko a également abordé les questions de sécurité et de cohésion sociale, qu’il considère comme des préconditions au développement. Il a déploré le gaspillage des ressources naturelles et le retard industriel de l’Afrique, appelant à une réorientation des dépenses publiques vers des projets productifs.
« Ce que d’autres pays font avec moins de ressources, nous devons pouvoir le faire avec plus », a-t-il affirmé.En clôturant son intervention, Ousmane Sonko a lancé un appel aux Africains, à leurs gouvernements et à leurs partenaires : prendre en main leur destin avec courage et lucidité.
« Ce forum n’est pas seulement un lieu d’échanges économiques. C’est un espace pour repenser notre avenir, en nous appuyant sur nos atouts, nos valeurs, et notre responsabilité collective. »Le discours du Premier ministre marque une rupture assumée avec les pratiques passées. Il combine affirmation de souveraineté, critique des dépendances extérieures, et vision panafricaine. En appelant à une réforme du franc CFA, à une Renaissance culturelle, et à une gouvernance rigoureuse, Ousmane Sonko trace les contours d’un projet politique ambitieux, centré sur l’autonomie, la mémoire et la responsabilité.