Vagabondage politique

POLITIQUE
Lundi 27 Février 2017

Le socle politique n’est pas tributaire exclusivement de la consistance de ses ressources financières, mais surtout du lien relationnel et affectif qu’entretient le politique avec les populations de sa localité.


Aminata Touré en errance politique
Quand, dans une récente édition du journal le Témoin, Maitre Djibril War disait que « le seul conseil qu’il pourrait lui (ndlr : Aminata Touré) donner est de rester à Dakar où elle a fait un travail remarquable ; que Kaolack a été bien labouré avec notre frère Diene Farba, nos sœurs Awa Guèye, Mariama Sarr, et les autres cadres ; qu’il n’y voit aucun enjeu, sinon des problèmes », il ne savait si bien dire voire prédire. En effet, l’envoyée spéciale du président, à qui ce dernier a demandé d’aller militer à Kaolack, éprouve toutes les difficultés du monde pour déposer ses baluchons dans la capitale du Saloum.

En effet, le quatuor apériste de Kaolack composé de Diène Farba Sarr, Mariama Sarr, Nafissatou Diop Cissé et Awa Guèye ont catégoriquement déclaré persona non grata Mimi Touré lors d’un meeting organisé par le ministre de la ministre de la Femme, de la Famille et de l’Enfance, Mariama Sarr. «Nous sommes les pionniers de l'Apr à Kaolack. Nous ne sommes pas une de ces personnes qui avaient été demander une disponibilité pour venir battre campagne avec Macky Sall. Nous avons tout abandonné pour suivre Macky Sall pendant la période des vaches maigres. Nous n'accepterons pas qu'une personne qui a été nommé à un poste, oublie ses origines. Cette même personne, limogée, puis battue dans son fief, ensuite rejetée à Gossas, sa terre natale, veut être parachutée à Kaolack pour récupérer le fruit d'un labeur. Qu'elle se le tienne pour dit. A Kaolack, nous travaillons, chacun de son côté, mais au moment opportun, nous unissons nos forces pour faire triompher Macky Sall. Nous n'avons besoin de personne pour gagner les élections, nous en sommes capables durant toutes les élections qui se sont déroulées ici», avait déclaré le ministre et maire de Kaolack, Mariama Sarr.

Indésirable à Kaolack et rejetée à Gossas

Même si par la suite, certains ont mis du bémol dans leur position, la lame  de fond est là : Mimi est indésirable à Kaolack et rejetée à Gossas. Certains se demandent pourquoi, le président lui a demandé d’aller militer à Kaolack où les responsables locaux avec les alliés ont toujours triomphé devant l’opposition. Aux locales, ils ont triomphé là où Aminata a échoué dans sa commune de Grand-Yoff. Au référendum, Kaolack a largement gagné avec un score de 69%. Au même moment, le score à Grand-Yoff où Aminata Touré a voté était étriqué.

Face à une telle situation politique, pourquoi le président de la République a  envoyé Aminata Touré dans une zone où l’Alliance pour la République (APR) n’éprouve pas de difficultés ou ne se sent pas menacée ? C’est à Grand-Yoff où l’APR ne peut pas triompher à cause de l’adversaire N°1 du président Macky Sall en l’occurrence Khalifa Sall que Mimi devait affiner une stratégie politique pour s’affirmer. Même si la force politique d’Aminata Touré n’est pas aussi consistante à Grand-Yoff, toutefois elle aurait dû y rester et travailler à sa consolidation. On subodore que la rivalité politique entre Adama Faye, frère de la Première dame, et Aminata Touré a eu raison de cette dernière. La mésentente entre ces deux responsables politiques est arrivée à son paroxysme au point que les résultats électoraux de l’APR à Grand-Yoff en souffrent.

Adama Faye et Cheikh Bakhoum : patrons politiques apéristes de Grand-Yoff

Aux dernières locales, beaucoup ont soupçonné Adama Faye, qui n’avait jamais agréé que le comité électoral soit dirigé par Aminata Touré, d’avoir donné des consignes de vote en faveur de l’adversaire. Une victoire de l’APR aux locales aurait fait d’elle sans conteste la patronne de la localité, ce que ses adversaires locaux au sein du parti ne pouvaient pas concevoir. Et une défaite aux locales l’aurait disqualifiée en tant que leader de l’APR à Grand-Yoff. Ce qui est une réalité puisque depuis sa défaite aux locales, non seulement elle a perdu son poste de Premier ministre mais aussi elle a perdu toute responsabilité politique à Grand-Yoff. Aujourd’hui les nouveaux patrons politiques de l’APR à Grand-Yoff, avec le soutien du président Sall, s’appellent Adama Faye et Cheikh Bakhoum, directeur général de l’ADIE, même s’ils ne sont pas encore jugés à l’aune de leurs performances politiques dans la zone.

Mimi sans fief politique

Les responsables politiques de Kaolack voient en Aminata Touré une usurpatrice qui, ayant échoué dans sa localité de Grand-Yoff, veut se tailler à189 km de Dakar une place au soleil du Saloum. Si le président de l’APR a éteint la tension entre Adama et Mimi, il risque d’allumer un autre feu à Kaolack. Le talon d’Achille de l’envoyée spéciale de Macky Sall, c’est qu’elle n’a pas de fief politique (fief : domaine où quelqu'un est maître), par conséquent, pas de base populaire. Inconnue politiquement à Grand-Yoff avant la deuxième alternance, ayant perdu toute relation affective avec sa région d’origine (Kaolack), elle a eu beaucoup de peine pour se tailler une base politique solide dans un endroit stable.

C’est sa posture gouvernementale qui lui avait procuré la base politique factice, laquelle lui permettait de faire face à Khalifa Sall à chaque occurrence électorale. Cette base politique s’est inexorablement fondue depuis qu’elle a perdu ses responsabilités ministérielles au point de se réduire en des cercles restreints.
C’est donc dire que le socle politique n’est pas tributaire exclusivement de la consistance de ses ressources financières, mais surtout du lien relationnel et affectif qu’entretient le politique avec les populations de sa localité. En dépit des mouvements qui le soutiennent spontanément devant l’hostilité de ses frères de parti à Kaolack, Aminata Touré souffre de l’absence fief politique identifié, clair et stable. Ni l’argent, ni les fonctions au sein d’un Etat, ni l’apparentement au président de la  République, ni à sa femme ne sont gages d’une base politique fidèle, stable et durable.

Aujourd’hui, Aminata Touré, chassée diplomatiquement de Grand-Yoff, et non désirée à Kaolack, est en errance politique. Une chose est  sûre : sa présence à Kaolack, plutôt que de renforcer le parti présidentiel, risque d’envenimer les rivalités politiques surtout aux prochaines échéances législatives où indubitablement le choix de la tête de liste locale préfigure de rudes batailles entre responsables apéristes.
Serigne Saliou Guèye