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Cité Aline Sitoé Diatta ex-Claudel : La réussite des pensionnaires, au-delà des clichés

EDUCATION
Mercredi 6 Septembre 2017

La Cité Aline Sitoé Diatta, plus connue sous le nom de Claudel, ploie sous le poids de son image défraîchie. Au propre comme au figuré. Jadis, elle constituait un campus bien tenu qui logeait un nombre raisonnable d’étudiantes réputées pour leur retenue et leur sérieux dans les études. Le dernier aspect est encore relativement entretenu par les actuelles résidentes, mais reste bien caché derrière les clichés, la décrépitude de certains bâtiments et la promiscuité. Dans la lueur du crépuscule, une jeune fille à la peau mate déboule du couloir entre les pavillons A et F. Elle porte un seau d’eau. Sa serviette rose enveloppe juste ce qui doit nécessairement l’être. Sa tenue contraste avec le « meulfa » de sa camarade qu’elle croise et arrête pour papoter. Voilée de la tête au pied, celle-là sort juste du restaurant universitaire avec un petit pain.

A une dizaine de mètres, cris, rigolages et chicanes s’échappent de la longue file d’étudiants allant au restaurant. Sur les fenêtres des logis, à presque tous les pavillons, les linges des filles sont accrochés à tout-va. A la devanture d’une chambre du pavillon C, un groupe de trois filles s’étale ventre à terre sur un matelas. Elles sont concentrées sur leurs fascicules de cours de Sciences juridiques et politiques. « Il fait chaud dans les chambres et il est difficile de se concentrer avec le bruit. Il y a beaucoup de monde », se désole l’une d’elles, ajustant son foulard. Cette ambiance quotidienne anime l’espace de la cité Claudel le long de l’année universitaire. La cité Aline Sitoé Diatta n’a pourtant pas toujours connu cette ébullition.

A en croire Diogoye Ndour, surveillant général de la cité des étudiantes, ce « désordre » est consécutif aux réformes de l’Enseignement supérieur de 1993 qui ont vu la population estudiantine décupler. Avant cette date, le nombre d’étudiantes équivalait au nombre strict de lits disponibles. « Tout au plus, on permettait trois étudiantes pour une chambre à deux lits », confie M. Ndour. Les agents avaient des clefs de passe pour vérifier à n’importe quel moment s’il n’y avait pas de « clandotage » (ce terme désigne le surplus d’étudiantes hébergées). Une population plus jeune Le surveillant soutient qu’il n’y avait presque jamais de problème, parce qu’il y avait peu d’étudiantes et celles-là étaient généralement âgées, matures et très responsables.

« Aujourd’hui, les moins de vingt ans pullulent ici. Ensuite la conjoncture change la donne », souligne le surveillant général qui considère que les actuelles étudiantes sont plus sociables et solidaires. Le « clandotage », qui est aujourd’hui la règle par la force des choses, est souvent expliqué par la solidarité estudiantine. Dans cette chambre du pavillon B3, au premier étage, le décor ne paie pas de mine. Ustensiles sommairement entassés, bonbonne de gaz au beau milieu de la pièce, des valises à presque chaque coin, armoires emplies au point de ne pouvoir se fermer, pagnes et draps traînant çà et là, etc. La peinture n’est pas reluisante pour une résidence de jeunes dames, mais une des locataires, qui requiert l’anonymat, affirme qu’elles sont obligées. «Nous sommes à l’étroit ici. La situation n’est pas préférable, mais il faut bien qu’on s’entraide. C’est un devoir », dit-elle.

Les treize occupantes se relaient les lits. Pendant que certaines dorment, d’autres se résolvent à aller réviser leurs cours. La situation est aussi bien notable aux box du pavillon I qui ne comportent qu’un lit par chambre. Au numéro 6, on étouffe avec la contiguïté de la pièce qui ne fait pas trois mètres de largeur. On a l’impression que le ventilateur accroît la canicule. Ndèye Gnima Sarr, qui partage la chambrette avec trois camarades, explique qu’elles dorment à deux. Un duo dans le lit et un autre au sol, sur un matelas qu’on leur prête. Une condition qui fait dire à Diogoye Ndour qu’elles n’ont plus des logements d’étudiantes, mais plutôt des dortoirs. Et cette promiscuité « favorise un manque de sécurité et des bisbilles récurrentes entre les filles. Elle constitue le nid de maladies et du développement des insectes », regrette celui qui est également l’adjoint-chef à la sécurité du Coud.

Justement à l’entrée de certains bâtiments, les lits sont exposés au soleil. L’acharnement infondé Les résidentes de la cité Claudel sont très souvent sujettes à des clichés sur leurs mœurs. Une réputation qui s’est surtout propagée avec le démantèlement, en 2011, d’un réseau de prostituées et de proxénètes mené par des étudiantes dans leurs chambres. Une notoriété pas reluisante qui s’accentue avec le défilé presque incessant des voitures devant le campus. Assise sur un banc public à l’entrée de la cité, un ordinateur portable sur ses cuisses où se termine sa robe noire, Amina Boubane, étudiante en Lettres modernes, est courroucée par ce qu’elle appelle un acharnement gratuit. « Les gens ne cherchent même pas à savoir si ce sont nos parents qui viennent nous prendre. Ils nous causent du tort en inquiétant nos familles qui n’ont plus trop confiance en nous », fulmine la jeune fille. Moins en verve, Rokhaya Sène, trapue et narquoise, confie que les remarques ne sont pas totalement injustifiées.

« Vous voyez vous-mêmes que les garçons entrent et sortent. Certaines filles n’accepteront jamais qu’on place des caméras dans leurs cabines. Il faut juste se garder de généraliser », révèle l’étudiante en Droit sur un ton moqueur, tasse de café Touba à la main. Diogoye Ndour, en service à Claudel depuis 1992, lave aussi « ses filles » à grande eau. Il conseille de considérer le campus comme nos quartiers ou nos maisons où l’on trouve la bonne graine tout comme la moins bonne. Il pense même qu’elles sont de grandes dames correctes et surtout pieuses « Il faut assister aux activités religieuses où elles récitent le Coran ou encore visiter la chapelle de la Cité », recommande-t-il pour convaincre.

Le Soleil

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