« Le système est toujours là »
Fidèle à son ton direct, Ousmane Sonko a estimé que le changement de régime n’avait pas encore entraîné une transformation réelle de l’appareil judiciaire :« Le système est toujours là. Il s’infiltre dans la justice comme dans l’administration. Les gens de ce système continueront à mettre des bâtons dans les roues », a-t-il lancé, sous les acclamations de ses partisans.Le Premier ministre a affirmé que certains magistrats, notamment à la Cour suprême, « écrasent les dossiers émanant du Pool judiciaire financier (PJF) », évoquant des manœuvres internes pour bloquer des enquêtes sensibles liées à la gestion de l’ancien régime.
Un discours virulent contre les magistrats
Poursuivant son offensive verbale, Sonko a exhorté la justice à « faire son travail », tout en accusant des juges de « comportements partisans ».« Il faut que la justice soit juste et fasse son travail. Certains magistrats ont des agissements contre nous », a-t-il affirmé, avant d’appeler à un « nettoyage en profondeur de la justice ».Il a toutefois précisé que cette réforme devait s’effectuer « dans le cadre de la loi et des principes républicains », cherchant ainsi à se prémunir contre les accusations d’ingérence ou de volonté de mainmise sur le pouvoir judiciaire.
Des critiques ancrées dans son parcours
Ces déclarations s’inscrivent dans la continuité du discours que Sonko porte depuis plusieurs années sur la justice sénégalaise.L’ancien opposant, qui a lui-même affronté plusieurs procès jugés « politiques », considère que la justice est l’un des derniers bastions du “système Macky Sall”.
Son message s’adresse autant à son électorat qu’à l’appareil judiciaire, perçu comme rétif à la réforme.
« Ceux qui ont dirigé hier essaient encore d’utiliser la justice pour freiner les changements. Nous ne l’accepterons plus. »Cette sortie intervient alors que plusieurs dossiers sensibles — notamment sur la dette publique, la gestion des hydrocarbures et les audits des sociétés nationales — sont actuellement instruits par le PJF.
Une attaque à haut risque
En mettant publiquement en cause la Cour suprême et une partie du corps judiciaire, le Premier ministre prend un risque politique et institutionnel.- Sur le plan interne, ses propos renforcent sa base militante, qui voit en lui le champion d’une rupture totale avec le passé.
- Mais sur le plan institutionnel, ils pourraient tendre les relations entre l’exécutif et la magistrature, déjà marquées par une méfiance mutuelle.
L’Union des magistrats du Sénégal (UMS) n’a pas encore officiellement réagi, mais des sources proches du corps judiciaire évoquent une “grande inquiétude” face à ces attaques répétées venues du sommet du gouvernement.
Vers une réforme en profondeur ?
Sonko a réaffirmé sa volonté de réformer le secteur judiciaire, promettant des mesures de transparence et une refonte du Conseil supérieur de la magistrature (CSM).Il a également appelé à la responsabilisation des juges et à la publication des décisions financières sensibles, dans un souci, dit-il, de « restaurer la confiance du peuple dans la justice ».
« Nous avons besoin d’une justice indépendante du politique, mais aussi indépendante des intérêts privés », a-t-il insisté.Mais cette posture pourrait également fragiliser l’équilibre des pouvoirs au sein de l’État sénégalais. En s’attaquant frontalement à la magistrature, Ousmane Sonko risque de transformer une bataille morale en crise institutionnelle durable.
- Sonko accuse la justice de freiner les réformes et de protéger l’ancien système.
- Il appelle à un « nettoyage » de l’appareil judiciaire, tout en promettant le respect des principes républicains.
- Cette stratégie vise à rallier l’opinion populaire autour d’un discours anti-système, mais pourrait tendre les relations entre le gouvernement et le pouvoir judiciaire.
S’il parvient à engager une réforme crédible sans glisser vers une confrontation institutionnelle, il pourrait redéfinir durablement le rapport entre le pouvoir exécutif et la magistrature au Sénégal.
Mais si la tension s’aggrave, le risque d’un bras de fer entre gouvernement et justice reste bien réel — un test décisif pour la maturité démocratique du pays.
