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Casamance, notre avenir (Par Yoro Dia)

POLITIQUE
Jeudi 25 Octobre 2018

Casamance, notre avenir (Par Yoro Dia)

Saint-Louis est notre passé, Dakar notre présent, mais c’est la Casamance qui est notre avenir. Notre avenir est l’axe qui va de Ziguinchor à Kédougou et qui nous ouvre l’Afrique de l’Ouest. Nous avons tous appris à l’école primaire que le Sénégal est la porte de l’Afrique. Cette porte s’ouvrait sur l’Atlantique à cause de la logique de l’exploitation coloniale. Le colon est venu par la mer, s’est installé sur la côte et a procédé à la mise en valeur de la colonie, c’est-à-dire aspirer les biens de la colonie, les mettre dans un bateau pour la métropole.

La logique atlantiste explique que toutes nos grandes villes soient sur la cote. Ce phénomène historique a ensuite été économique avant de devenir une réalité géographique avec la macrocéphalie de Dakar. Aujourd’hui, il urge de repenser cette logique atlantiste et regarder plus vers le continent, notre avenir qui est plus vers la Guinée-Bissau, la Guinée et le Mali, que vers le large. «Chaque fois que nous devions choisir entre le continent et le grand large, nous avons choisi le large», disait Sir Winston Churchill. Il avait raison, parce que l’Angleterre est une île. Le Sénégal doit avoir la logique stratégique inverse, parce que nous ne sommes pas une île. Donc, en Casamance qui est notre avenir, Macky Sall a investi 450 milliards mais nous n’avons pas encore l’essentiel : un accord pour sortir de la guerre. C’est fort dommage, parce que la paix n’a jamais été aussi proche et nous avons un contexte exceptionnel.

En Casamance, dans la division du travail, l’Armée a fait son boulot. L’Armée a gagné la guerre et il appartient aux politiques de gagner la paix. L’Armée, c’est pour faire la guerre, créer un rapport de forces favorable, qui permet aux hommes politiques de gagner la paix. Toutes les conditions sont réunies aujourd’hui pour gagner la paix et sortir définitivement de la guerre. La première condition est que le Mfdc est tellement affaibli que même ses radicaux les plus fous sont convaincus que l’option militaire est impossible. Or, une guérilla ou une rébellion ne négocie sérieusement que si elle est convaincue que l’option militaire est impossible. Avant d’en arriver à ce constat, pour toute rébellion, la négociation n’est autre que la continuation de la guerre par d’autres moyens.

 Et le Mfdc a usé et abusé de cette stratégie dans les années 90, mais aujourd’hui il est convaincu qu’il a perdu la guerre. Mieux encore, dans les années 90, l’Armée était obligée de combattre le Mfdc sur deux fronts, avec des régimes pyromanes en Gambie et en Guinée-Bissau, mais aujourd’- hui non seulement le Mfdc n’a jamais été aussi faible militairement, mais nous avons deux régimes amis en Gambie et en Guinée-Bissau. C’est le moment de faire la paix. Mais sortir de la guerre, faire la paix, ce n’est pas le travail de l’Armée, mais la responsabilité politique et historique du président de la République. Chaque Président a eu sa stratégie et chacun à sa manière, a contribué à mettre le Mfdc à terre.

Le Tout militaire de Diouf a brisé les reins du Mfdc. La volonté de Wade d’acheter la paix en injectant de l’argent dans le maquis a amené des scissiparités au sein du mouvement, ce qui l’a affaibli et décrédibilisé, et la stratégie du dépérissement de Macky Sall a entrainé une si longue accalmie, qu’il a fallu le massacre de Boffa pour nous rappeler que nous avions une drôle de paix en Casamance, après une vraie guerre. J’ai toujours pensé que plus les infrastructures nous rapprocheraient de la Casamance, plus l’idée et le sentiment d’indépendantisme s’éloigneraient. C’est dialectique. Aujourd’hui, Ziguinchor a deux vols d’avions par jour, 3 bateaux et bientôt le pont de Farafegny. Nous avons fait le plus dur mais il reste le plus important : une paix définitive. Ce ne sont pas les 450 milliards qui vont l’amener même s’ils y contribuent. Il faut du courage politique pour faire la paix et c’est ce qui manque.

Le Mfdc a apporté une mauvaise réponse à une vraie question : l’enclavement. Les 450 milliards, les avions, les bateaux, le pont, c’est le début de la bonne réponse à la vraie question. Le courage politique consiste à reconnaître et à accepter que le combat du Mfdc n’a pas été vain, parce qu’il nous a permis de repenser le contrat social sénégalais. Grâce au Mfdc, tous les Sénégalais sont convaincus que même si la Nation est indivisible, elle est plurielle. Ce conflit nous a permis de sortir du danger que représente l’idée d’une Nation une et indivisible, en dépassant le modèle hégémonique «islamo wolof». Nous sommes indivisibles mais pluriels. Aux Etats-Unis, pour sortir de la guerre de sécession, le Président Lincoln a reconnu qu’avant la guerre, il y avait deux Amériques juxtaposées, que le sang versé a rapprochées et soudées. On n’est pas loin de la même situation en Casamance, mais nous n’avons pas encore un Lincoln et son courage politique, qui a offert une porte de sortie honorable aux chefs de la rébellion, à savoir le Président des Etats du Sud Jefferson Davis (mort dans son lit des années après la guerre) et le Général Lee.

Le Mfdc qui a perdu la bataille militaire et celle de l’opinion, ne cherche qu’une porte de sortie honorable. Monsieur le Président, cela ne coûte pas grand-chose et rapporte gros car, comme disait Churchill, «la magnanimité envers un adversaire vaincu est non seulement morale, mais c’est un bon investissement pour l’avenir». La Casamance notre avenir, vaut bien cet investissement politique après la pluie des milliards.


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