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Quand le Président Macky Sall abdique devant les étudiants

POLITIQUE
Mercredi 30 Mai 2018

Par Mamadou Oumar Ndiaye

Le président de la République, un matamore ? La réponse relèverait du crime de lèse-majesté ! Une chose est sûre : le 19 avril dernier, l’opposition et une bonne partie de la société civile — en particulier le mouvement « Y en a marre » — menaçaient le pouvoir de leurs foudres et promettaient un « 23 juin bis » au cas où il tenterait de faire voter la loi sur le parrainage. En réponse, le président avait déployé dans les rues et places de Dakar, mais aussi du reste du pays, une armada redoutable rarement vue auparavant. Des milliers de gendarmes et policiers mobilisés, avec même des chars à l’appui.

Une démonstration de force impressionnante et terriblement dissuasive. Résultat : dirigeants et militants de l’opposition ainsi qu’activistes de la société civile étaient restés sagement chez eux. Macky Sall avait porté la peur dans le camp de ses adversaires même si lui-même, prudemment, avait pris le soin de se rendre sur les bords de la Seine le temps que tout danger soit écarté.

Le maire de Dakar, Khalifa Sall, a des velléités présidentielles ? En prison ! Ses partisans veulent manifester ? Gendarmes, policiers, cassez-les ! Barthélémy Dias fait la grande gueule ? En prison pour six mois, en attendant le prochain qui va broncher ! Karim Wade a des rêves de restauration ? Au gnouf ! Ah bon, ses supporters, dont les Toussaint Manga et autres protestent contre son incarcération ? A Rebeuss !
Bref, Macky Sall était une terreur qui arborait en toutes circonstances, en tout cas face à l’opposition, un masque de fer. C’était si vrai que même les « Khalifistes » les plus courageux rasent les murs désormais. Au point aussi que même le « camarade-président » guinéen Alpha Condé, qui n’est pas un tendre pourtant, agitait l’épouvantail Macky Sall pour apeurer ses compatriotes contestataires ! Mais tout cela, c’était avant le 15 mai. Il a juste suffi qu’un étudiant meure sous les balles d’un gendarme à l’Université Gaston Berger de Saint-Louis et que ses camarades des différents campus du pays veuillent venger sa mort pour que notre homme soit transfiguré. A la place du président « Niangal » que l’on connaissait depuis 2012, on a vu apparaître un autre homme doux comme un agneau caressant les étudiants dans le sens du poil et prêt à tout pour se faire pardonner.

Après les « ndogou » royaux qui leur ont été offerts, c’est tout juste si Macky ne leur a pas fait la danse du ventre ! Ecartant ministres, premier ministre et même les présidents des autres institutions, il est monté en première ligne et tout seul comme un grand pour négocier directement avec les étudiants. Lesquels considéraient que lui seul pouvait être leur interlocuteur ! Quand, durant les premières années du magistère de Me Abdoulaye Wade, les étudiants exigeaient déjà de négocier avec lui, et lui seul, nous avions écrit, au « Témoin », qu’un dangereux précédent était en train d’être créé. Nous n’avions pas été entendus et voilà que cette exigence de ne parler qu’avec le président de la République est devenue aujourd’hui un « acquis » sur lequel Macky Sall n’a pas osé revenir. Or, en ce mois de commémorations tous azimuts du 20ème anniversaire de Mai-68, est-il besoin de rappeler que durant le mouvement quasi insurrectionnel de cette année-là, alors que son régime avait vacillé sous les grèves combinées et des étudiants de l’université de Dakar et des travailleurs de l’Unts (union nationale des travailleurs du Sénégal), le président Léopold Sédar Senghor n’a jamais négocié personnellement ni avec les uns, ni avec les autres ?

Côté gouvernement, c’est le ministre Assane Seck qui menait les négociations et lorsqu’il est apparu qu’il était trop intransigeant, il fut opportunément envoyé en mission à l’étranger et c’est feu Emile Badiane qui avait pris sa place à la table des négociations. Le président Macky Sall, lui, contrairement à ce qu’il avait fait avec les syndicats d’enseignants, a directement et immédiatement pris langue avec les étudiants de l’UGB, d’abord, ceux des autres universités ensuite.

« Niangal » capitule !
Le résultat de ces négociations, on l’a vu hier : une capitulation en rase campagne du président de la République. En décidant une augmentation généralisée des bourses et la diminution du prix du ticket de restaurant, il brandit le drapeau blanc devant les coordinations d’étudiants. Il aurait pu choisir, pour augmenter le pouvoir d’achat des apprenants du supérieur, revoir à la hausse le montant des bourses ou diminuer le prix des repas : il a fait les deux à la fois ! une double augmentation, donc. Malgré l’état calamiteux des finances publiques — c’est un secret de polichinelle — le président choisit encore de faire des cadeaux dont les incidences financières seront très lourdes pour le trésor.

Au nombre de 100 000 environ, c’est peu dire que ces étudiants coûtent trop cher à la nation pour des formations la plupart du temps inutiles. Déjà enfants gâtés de la République, ces étudiants, dont les repas — et le dessert ! pour évoquer nos ancêtres tirailleurs sénégalais—, sont déjà fortement subventionnés vont pouvoir se restaurer moins cher encore. Or, rien que leurs bourses coûtaient déjà 51 milliards au contribuable (les nouveaux « cadeaux » coûteront huit milliards par an), le Sénégal étant un des rares pays du monde à généraliser les bourses d’étudiants. Une bombe à retardement laissée par Wade à son successeur. Lequel, du moment qu’il s’agissait d’un «acquis» de nos chers (au propre comme au figuré) étudiants n’a pas osé y toucher. De quoi se précipiter tous pour aller chercher une carte d’étudiant !

Des étudiants qui bénéficient déjà d’une immunité pénale puisque malgré l’étendue des destructions opérées le 15 mai et les jours suivants, malgré le guet-apens tendu aux gendarmes et dans lequel ils ont failli se faire massacrer, malgré les actes de grivèlerie dans les restaurants gérés par des privés, des instructions fermes avaient été données par les autorités aux forces de l’ordre pour non seulement ne pas arrêter un seul vandale ou agresseur étudiant, mais encore pour libérer plus vite que ça ceux d’entre eux qui avaient été interpelés ! Malgré tout, non contents, ils ont exigé le limogeage de quatre ministres du gouvernement… Encore heureux que, dans la foulée, ils n’aient pas demandé la barbe du bon Dieu !

Cela dit, c’est vrai que la mort d’un étudiant à la fleur de l’âge et espoir de sa famille est regrettable, comme l’est toute perte de vie humaine du reste. Une procédure judiciaire a été engagée pour juger le présumé meurtrier. Que veulent de plus nos braves étudiants ? Toute la République devra-t-elle se mettre à genoux pour implorer leur pardon suite à la mort de leur camarade Fallou Sène ? Rien ne pourra ramener ce dernier en vie et il convient de tourner la page pour regarder l’avenir ainsi que l’a conseillé si sagement l’archevêque de Dakar, Mgr Benjamin Ndiaye. Mais c’est vrai que le Sénégal est un pays particulier : le meurtre d’un étudiant y est considéré comme un drame national alors qu’ailleurs, c’est un épiphénomène.

Encore que toute mort est de trop. Durant les événements de la place Tiananmen à Beijing, entre avril et juin 1989, combien d’étudiants au juste avaient été massacrés par l’armée chinoise ? On parle de 10 000 et ça n’a pas empêché ce pays de devenir la deuxième puissance économique de du monde. En Ethiopie, du temps du Derg, la junte qui avait renversé le Négus Haïlé Sélassié, il y avait eu des centaines d’étudiants et de lycéens tués par balles le 29 avril 1977.

Dans ce dernier cas, poussant la cruauté au paroxysme, lesdits militaires avaient exigé aux parents le remboursement du prix de leurs balles avant de récupérer les corps de leurs enfants !
Moralité : quand on a la chance de vivre dans un pays comme le Sénégal où le droit et l’humanisme prévalent — et où les autorités sont si bien disposées à l’endroit des enfants gâtés de la République que sont les étudiants —, il ne faut jamais chercher à pousser le bouchon trop loin…
 

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