Au nom de la reddition des comptes, celle-ci aboutit en effet à faire le vide autour de Macky Sall. Interrogés successivement, depuis le 9 octobre, par les enquêteurs de la Division des investigations criminelles (DIC) puis par les magistrats du Pool judiciaire financier (PJF), Aliou Sall et son épouse Aïssata ont finalement été inculpés pour « blanchiment de capitaux » et « association de malfaiteurs » avant d’être libérés sous contrôle judiciaire après s’être acquittés d’une caution de 240 millions de F CFA (près de 366 000 euros). Selon son avocat, Me El Hadji Diouf, il est reproché à l’ex-maire de Guédiawaye, qui fut aussi le directeur général de la Caisse des dépôts et consignations (CDC), des malversations – qu’il conteste – dans le cadre d’une société civile immobilière (la SCI Macoussa) dont il détient 99 % du capital, son épouse n’en possédant que 1 %.
Aliou Sall « a choisi son épouse comme gérante, faute de temps pour administrer au quotidien la société. En retour, celle-ci lui a donné une procuration lui permettant de négocier avec les partenaires de la société », a indiqué l’avocat. Mais, selon une enquête préliminaire de la Cellule nationale de traitement des informations financières (Centif), ensuite transmise au PJF, certaines transactions seraient potentiellement constitutives du délit de « blanchiment de capitaux ». Parmi les mouvements suspects constatés sur le compte de la SCI familiale ont notamment été identifiés deux versements, dans le cadre d’une acquisition foncière sur fond de projet immobilier, pour un total de 240 millions de F CFA. En cause, l’achat d’un terrain de 1 000 m2 à la pointe des Almadies, contigu à l’ambassade des États-Unis.
Stratégie d’encerclement judiciaire
L’épée de Damoclès suspendue au-dessus de la tête d’Aliou Sall marque une nouvelle étape dans la stratégie d’encerclement judiciaire de l’ancien chef de l’État déployée depuis l’alternance d’avril 2024. Tour à tour, plusieurs de ses anciens ministres ou de ses proches ont en effet été mis en cause pour de présumés délits financiers, certains étant empêchés de quitter le territoire tandis que d’autres étaient placés en détention provisoire ou assignés à résidence sous bracelet électronique. Parmi eux, Mansour Faye, beau-frère de Macky Sall et ministre inamovible au cours de ses deux mandats, ainsi que quatre autres anciens ministres, ont été renvoyés devant la Haute Cour de justice le 8 mai.
Trois mois plus tôt, le 17 février, c’est le député Farba Ngom, richissime homme d’affaires proche de Macky Sall ayant fait fortune dans l’immobilier, qui était placé en détention provisoire après avoir été inculpé pour « association de malfaiteurs en vue de blanchiment », « blanchiment » et « escroquerie portant sur les deniers publics » après la levée de son immunité parlementaire. En raison d’un état de santé chancelant, la justice vient d’accepter son transfèrement vers un centre hospitalier pour qu’il puisse y recevoir des soins appropriés.
Dans la ligne de mire de la justice financière figure aussi le propre fils de Macky Sall, Amadou Sall, recherché dans une affaire d’achat-revente de véhicules de luxe susceptible de dissimuler des opérations de blanchiment. Résidant aux États-Unis, celui-ci n’entend pas, pour l’heure, se présenter devant la justice sénégalaise. Le patron de presse et éditorialiste Madiambal Diagne, proche de Macky Sall et très critique d’Ousmane Sonko, s’est retrouvé lui aussi sur la sellette depuis la fin de septembre et a préféré fuir le Sénégal après avoir été mis en cause par une enquête de la Centif.
Quant à l’ex-président sénégalais, qui réside officiellement au Maroc et n’a plus remis les pieds au Sénégal depuis qu’il a quitté le pouvoir, il se retrouve dans le viseur des nouvelles autorités dans le dossier, sensible, de la « dette cachée », qui a entraîné un gel durable des financements du FMI. Protégé par une immunité partielle, il ne pourrait toutefois être mis en cause devant la Haute Cour de justice qu’en cas de « haute trahison ».
Jeune Afrique

