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Alternance II, An V : Des résultats mi-figue mi-raisin

EDITORIAL
Mardi 28 Mars 2017

Si ce n’étaient pas les quelques médias qui en ont parlé le jour du 25 mars, le cinquième anniversaire de l’Alternance II serait passé inaperçu. Tant les fastes et autres tintamarres de d’experts et thuriféraires du Prince auxquels on nous a habitués n’ont pas eu lieu cette année. La cause ? On pourrait nous dire c’est parce que le maitre des céans était successivement sur les bords du Lac Léman et de la Seine.

D’ailleurs, la palanquée de huées récoltées lors de ce voyage-villégiature est symptomatique de la déception des Sénégalais durant ces cinq dernières années. Même si le porte-parole du gouvernement Seydou Guèye, jamais en panne d’explications filandreuses et de justifications laborieuses, a sacrifié à la tradition en tentant de peindre un tableau idyllique et mirifique des années Macky, il demeure que cette alternance II n’a pas encore répondu aux attentes des Sénégalais. Les changements et ruptures tant attendus ne sont pas encore au rendez-vous. Macky avait promis un changement qualitatif du quotidien des populations, in fine, le Yokkuté n’a été senti que par les proches de sa Majesté et de sa famille.

Première faille : la non-réduction du mandat présidentiel

La première faille des promesses de Macky est le non-respect de la réduction du mandat présidentiel. En effet, voulant assurer une victoire sans anicroche au second tour de la présidentielle de 2012, le candidat de Bennoo Bokk Yaakaar – qui polarise tous les opposants de Wade éliminés après le premier tour – s’était engagé à réduire le septennat en cas de victoire au second.

Un tel engagement, même les événements ultérieurs ont montré qu’il ne s’agissait que d’une supercherie pour thésauriser les voix des vaincus de Wade, s’il était tenu, aujourd’hui le statu quo serait maintenu ou la donne aurait changé. C’est-à-dire que le président Sall s’apprêterait à prêter serment à nouveau ou à commencer à faire ses valises. Mais c’est cette deuxième hypothèse qui serait plus plausible d’être concrétisée tant, pendant les cinq ans de Macky, l’écrasante majorité de la population n’aura pas senti ses conditions de vie s’être améliorées.

Le taux de pauvreté toujours élevé

Certes les salaires des fonctionnaires ont été défiscalisés, les prix des denrées et de l’électricité baissés, le loyer réduit malgré les difficultés d’application rencontrées chez plusieurs bailleurs, des infrastructures scolaires, universitaires et routières construites, la politique de la couverture maladie universelle mise en application, les bourses familiales distribuées, mais le degré de pauvreté est toujours au plus haut point.

Depuis 2011, le taux de pauvreté tourne autour de 46,7%. Malgré une croissance presque de 7%, le tissu économique sénégalais est complètement déstructuré. Les plus fortes industries qui nous valent cette croissance appartiennent à des puissances étrangères au grand de notre secteur privé national qui a presque touché le fond de l’abîme.

La France, la Chine et le Maroc produisent l’essentiel des richesses nationales. Ce qui veut dire que cette croissance exclusive n’est qu’un trompe-l’œil dont se gargarise le ministre de l’Economie et des Finances, Amadou Bâ, pour donner l’illusion d’une économie en bonne santé. «Le taux de croissance du PIB est bien en deçà du niveau nécessaire pour faire reculer la pauvreté, tandis que le poids de plus en plus important des exportations de biens à forte intensité capitalistique, au détriment de secteurs intensifs en main-d’œuvre, limite la création de nouveaux emplois» lit-on sur le site  de la Banque mondiale.

Ainsi le chômage est resté en l’état même si le ministre de l’Emploi, Mame Mbaye, fort en manipulation de l’opinion nous sort systématiquement de son chapeau de magicien des chiffres qui n’existent que dans les tiroirs de son ministère et non sur le terrain réel de l’emploi. L’accroissement des bourses sociales est caractéristique du niveau de la pauvreté des ménages urbains mais surtout ruraux.

Echec du Programme des Bourses familiales

L’objectif des bourses familiales, tel que l’ex-président brésilien Lula l’avait conçu en 2004, était de sortir au bout de quelques années les ménages de la pauvreté, de favoriser un fort taux de scolarisation des enfants issus de ces familles, d’améliorer les soins de santé primaires. Et les résultats ont été concluants : en 2008, il y a eu un quasi-consensus autour du fait que le Programme des «Bolsa Familia» (PBF) a atteint l’un de ses objectifs, celui de favoriser une réduction immédiate de la pauvreté par le biais d'un transfert direct de revenus aux familles.

La contribution PBF à la réduction de la pauvreté est confirmée par des données fournies par l'enquête sur les foyers brésiliens et par l’Institut de recherche économique appliquée (IPEA). Le quatrième Rapport brésilien sur les objectifs du Millénaire pour le développement révèle une baisse de la pauvreté extrême. De 12 % en 2003, elle est passée à 4,8 % en 2008.  

Au Sénégal, on tarde à faire l’évaluation des Bourses familiales dans la situation des ménages pauvres bénéficiaires. Des milliards sont utilisés mais les familles pauvres continuent de s’appauvrir. Mais ce que l’on a noté dans ce programme de BF, c’est que les administratifs qui s’occupent de la distribution  des pécules et des personnes loin d’être nécessiteuses touchent beaucoup plus que les vrais destinataires. Et c’est ce qui explique en partie l’échec de ce programme révolutionnaire.

Des investissements inopportuns

Des investissements, certes, ont été faits, mais ils sont inopérants, inopportuns voire inefficaces. Certains de ces investissements ne constituent pas une priorité pour les Sénégalais. 400 milliards de francs CFA sont engloutis dans l’autoroute Ila Touba. Même si Touba est une zone économique qui compte pour le Sénégal, l’édification d’une autoroute qui mène de Dakar à la capitale du mouridisme n’est point une nécessité puisque le trafic vers cette n’est dense que pendant la période du Magal.

Le Train express régional (TER) ne profitera que pour les Français en charge de la construction, de l’exploitation et de la maintenance. La construction à hauteur de 60 milliards du centre international Abdou Diouf de Diamaniado (CICAD) rarement utilisé dans un océan d’abris provisoires scolaires, de déficit de poste de santé est incompréhensible. 12000 salles de classe auraient pu être construites et 130 postes de santé avec ces 60 milliards du CICAD.

Des institutions budgétivores et superfétatoires comme la Commission nationale du dialogue des territoires et le Haut conseil des collectivités territoriales sont créées pour caser les alliés de Bennoo.

Manque de transparence dans l’attribution des marchés publics

Quant à la transparence dans l’adjudication des marchés publics, elle reste le ventre mou de la gouvernance de Macky Sall. Les marchés de gré à gré font florès. L’attribution du marché de la réfection et de la réhabilitation du building à hauteur de 25 milliards à Bamba Ndiaye n’a été jamais été élucidée. Il en est ainsi des 400 milliards de Ila Touba livrés aux Chinois, des 65 milliards de l’Université Amadou Mokhtar Mbow de Diameniado à Adama Bictogo et Abdou Lahat Ka, maire de Touba, des 12 milliards des passeports biométriques à Adama Bictogo toujours.

Climat politique tendu et instrumentalisation du pouvoir judiciaire

Au plan politique, l’échec du gouvernement de Macky Sall est patent. D’ailleurs cette situation politique dégradante a négativement impacté sur les performances de l’économie de notre pays. La traque des biens mal acquis enclenchée contre Karim Wade et d’autres responsables libéraux ont plombé économiquement les trois premières années du magistère de Macky Sall. L’environnement des affaires n’étant pas des meilleurs, les investisseurs n’ont pas prisé la destination Sénégal.  

Le dialogue entre majorité et opposition est rompu, le climat politique tendu. Le président de la République ne traite avec ses adversaires que par le langage de la menace et de la violence. C’est ce qui explique d’ailleurs son recours permanent au pouvoir judiciaire pour régler des problèmes politiques. Sous le court règne de Macky Sall, une trentaine de libéraux dont les leaders ont fait la prison pour des raisons purement politiques. Karim Wade, Oumar Sarr, El Hadji Amadou Sall, Aminata Nguirane, Aïda Ndiongue entre autres ont effectué un séjour carcéral pour des raisons strictement politiques.

Aujourd’hui que le pouvoir observe un break pour le PDS, ce sont des éléments du Parti socialiste qui sont traqués et appréhendés. Le maire de la Médina Bamba Fall et huit autres socialistes proches de Khalifa Sall sont écroués à Rebeuss. Ce dernier n’a pas mis de temps pour les rejoindre. D’ailleurs, c’est l’emprisonnement de ce dernier qui lui a valu toutes les huées lors de sa récente tournée européenne. Une telle atmosphère connue sous Diouf et Wade, tel un chant de cygne, est annonciatrice d’une fin de règne.

Et pendant que le mécontentement des Sénégalais continue de sourdre, les séides encensent le Prince, l’empêchant de voir la réalité et d’entendre les bougonnements du peuple. A moins que le «Lion», lui-même, continue d’être prisonnier de Morphée au moment où les premières flèches enflammées commencent à embraser la tanière.

Serigne Saliou Guèye




 

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