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Bouna Manel Fall: les dessous d'un limogeage

CULTURE
Dimanche 19 Février 2017

Loin des bribes de conversations et autres extraits de documents, cités par l’un ou l’autre des acteurs de cette «affaire», Sud Quotidien est allé voir…Et selon les documents que nous avons consultés, l’échange épistolaire entre la présidente du Conseil d’administration (Pca) de la Sodav, et l’ancien Directeur-gérant de la Sodav, a été plus aigre que doux. Les dessous d’un limogeage…


Bouna Manel Fall: les dessous d'un limogeage
Peu importe, finalement, les termes que l’on voudra bien employer dans cette affaire, révocation, limogeage, ou destitution, car s’il y a bien une chose qui ne change pas, c’est que Bouna Manel Fall n’est plus le directeur-gérant de la Sénégalaise du droit d’auteur et des droits voisins (Sodav). La «notification lui a été servie le 13 février» dernier, et disons, pour faire court, que le Conseil d’administration (Ca) de la boîte, présidé par la productrice de musique Ngoné Ndour, n’a pas vraiment apprécié la façon dont l’homme gérait les fonds de la Sodav.

On lui reproche par exemple d’avoir obstinément refusé de «fournir des explications claires» quant à des «sommes perçues indûment», autrement dit «sans l’aval» du Ca. Pour y voir plus clair, il faut remonter au 6 février dernier, date à laquelle la présidente du Conseil d’administration (Pca) de la Sodav, Ngoné Ndour, adresse une correspondance à Bouna Manel Fall, un document qui fait office de «demande d’explication» : le directeur-gérant se voit signifier qu’il a «48h» pour répondre, preuves à l’appui. La lettre mentionne quelques «nombreux décaissements», assimilables à de graves «fautes de gestion».

Rubrique par rubrique, on cite, pour commencer, cette «mission» en Afrique du Sud, qui aurait coûté la somme de 200.000 F CFA, et la location, par l’ancien directeur, d’un véhicule, pendant une quinzaine de jours : 849.800 de frais, sans que le Ca n’ait été informé. On reproche aussi à Bouna Manel Fall de n’avoir pas présenté la moindre «facture», pour justifier les 140.000 F CFA de frais de téléphone, payés «tous les mois par chèque». Comme on lui reprochera d’avoir acheté un téléphone portable à 420.000 F CFA.Toujours selon la lettre, l’ancien directeur-gérant se serait attribué un «acompte sur salaire de 1 500 000 frs le 16 décembre 2016 (…) sans l'autorisation du Conseil d'Administration », une somme qu’il remboursera «le 28 Décembre après paiement de (son) salaire le 22 Décembre 2016».

 «VOUS SEMBLEZ UTILISER LA SODAV COMME VOTRE BANQUE PERSONNELLE»

Idem pour cette «gratification» d’1.425 000 francs, «après 3 mois d'activités (…), ordonnée le 22 décembre», toujours «sans l’aval» du Ca, «et restituée le lendemain». Les mots ne sont pas très tendres, car voilà ce que lui dit Ngoné Ndour : «Avec le point précédent (l’acompte sur salaire, Ndlr), vous semblez utiliser la Sodav comme votre banque personnelle». En termes de gratifications toujours, la Pca de la Sodav mentionne celles que le directeur a bien voulu accorder aux «agents» de la Sodav, qui auraient ainsi reçu le double de leurs salaires, sans parler des stagiaires, qui recevront quant à eux 25.000 F de plus que leur «indemnité mensuelle» de 50.000F, et toujours «sans l’autorisation du Conseil d’administration».

C’est une expression qui reviendra d’ailleurs très souvent, un peu comme une anaphore, mutatis mutandis. Pour ce qui est des stagiaires justement, on critique la démarche de l’intéressé, qui en aurait recruté pour «les différents départements» de la Sodav. La liste n’est pas finie…Car Ngoné Ndour demande encore à Bouna Manel Fall de s’expliquer sur cet expert informatique, rémunéré à hauteur d’un million de francs CFA. Sans parler de cette avance de 2 millions de francs remise à un cabinet, pour «concevoir un plan stratégique et une étude d'organisation » ; alors que le Ca avait précisé «qu’il n'avait pas encore pris de décision». On pointe encore du doigt ces acomptes versés aux ayant-droits, alors que le Ca avait «clairement stipulé de geler les répartitions, en attendant que la situation soit assainie».Toujours selon le document, l’ancien directeur-gérant se serait permis d’acheter du matériel informatique, et de réfectionner le siège de la Sodav (les anciens locaux du Bureau sénégalais du droit d’auteur)…Mais à quel prix? Le montant n’est pas précisé.

A côté de la demande d’explication de Ngoné Ndour, il y a la réponse de Bouna Manel Fall, qui n’est pas datée, même s’il «accuse réception du courrier daté le 06 février», auquel il dit répondre «avec beaucoup d’amertume et une grande désolation». «CELA FRISE L’IGNOMINIE» Dans ses explications, l’homme commence par rappeler que la «Direction gérante du management de la société», qu’il représente, devrait pouvoir «exercer avec sérénité, responsabilité et autorité les missions qui sont les siennes». Bouna Manel Fall s’en remet d’ailleurs à ce qu’il appelle la «Décision n°1 du CA», 2 novembre 2016, laquelle autorisait le Directeur-gérant de la Sodav à faire appel aux services d’un expert,  (l’expert informatique), «chaque fois que de besoin en mettant au courant le Conseil d’Administration».

Autre texte à l’appui, la Décision n°9 du Ca, le 2 novembre toujours, sur la «désignation par le Directeur gérant d’un expert en organisation pour l’élaboration d’une note d’orientation articulée à un plan stratégique étalé sur quatre ans (2017-2020)». De quoi répondre, selon lui, à la question des honoraires, ceux de l’expert informatique et du cabinet d’étude. Pour ce qui est des gratifications accordées aux agents, Bouna Manel Fall minimise, avec l’air de dire que ce ne serait ni plus ni moins qu’«une récompense faite à des travailleurs», pour résultats obtenus.

Sans oublier, dit-il, que la démarche elle-même n’a rien de révolutionnaire : parce que c’était un « acquis social des agents » de l’ancien Bsda, et que le Ca n’est «jamais revenu sur aucun de ces acquis ». En termes d’acquis toujours, le Directeur-gérant de la Sodav, fonction qu’il occupait encore le 6 février dernier, va prendre l’exemple des 140.000 des frais de téléphone, qui ne seraient ni plus ni moins qu’un «service voté c’est-à-dire une ligne de dépense qui bénéficiait à l’ancien D.G et au P.C.A. sortant et qui a été reconduite».Mais il y a des sujets qui fâchent plus que d’autres : «Vous prétendez, répond-il à Ngoné Ndour, que j’ai perçu la gratification, pour la rembourser le lendemain. Cette qualification, cette appréciation, cette présentation d’un fait administratif et comptable, frise en quelque sorte l’ignominie».

«EVITER LA GESTION COLLECTIVE AU RABAIS»

Quant à la question du véhicule, Bouna Manel expliquera que la voiture de fonction était «accidentée », et qu’il avait fallu en louer une pour le Directeur-gérant. Et pour ce qui est du téléphone portable, acheté à 420.000 francs, les choses sont assez simples. C’est un «outil de travail, dira-t-il, et il faut insister sur le rapport qualité-prix», autrement dit éviter les «appareils contrefaits». De façon générale, dans la façon qu’il a de présenter les choses, Bouna Manel a surtout l’air de dire que dans ses fonctions de Directeur-gérant de la Sodav, il avait surtout beaucoup d’ambition pour la boîte.

Dans sa réponse à Ngoné Ndour, il écrit d’ailleurs ceci, en gras, en guise de recommandation dirait-on : «La SODAV devra tout faire pour éviter la gestion collective au rabais». Histoire de dire, peut-être, que la Sodav devrait avoir les moyens de sa politique. Et quand on lui reprochera justement d’avoir recruté des stagiaires pour chaque département, lui se contentera de répondre que le «vieillissement du personnel» de l’ex Bsda imposait d’apporter du sang neuf. Idem pour l’achat du matériel informatique, qui devait surtout servir à offrir de «meilleures conditions de travail». Quant à la réfection de l’ancien bâtiment du Bsda, Bouna Manel Fall expliquera qu’il avait surtout cherché à «rendre le siège de la Sodav digne d’une société de gestion collective, malgré l’exigüité et la vétusté» des lieux.

Au sujet des «acomptes sur répartition» aux ayant-droits, versés, là encore, sans la bénédiction du Ca, le juriste laissera entendre que ces sommes-là avaient été débloquées à une «période critique et grosse de dangers » pour la Sodav. Texte à l’appui, Bouna Manel Fall cite l’article 16 des statuts de la Sodav, à l’avant-dernier alinéa, qui dit ceci : «En cas d’urgence, le Gérant est habilité à prendre toutes décisions commandées par l’intérêt de la société à charge de rendre compte au Conseil d’Administration qu’il convoque dans les meilleurs délais».  L’a-t-il fait ? Le document ne le dit pas, mais il exprime une sorte de malaise.

Depuis «que vous avez été installée à la tête du Conseil, dit Bouna Manel Fall à Ngoné Ndour, j’ai remarqué une attitude d’antinomie de vos fonctions avec les miennes ». Il ajoutera, quelques lignes plus loin, que toutes les fois où ils se sont «retrouvés, cela apparaissait comme un conflit préalable».Autre point de désaccord, la démarche en elle-même : «Vous m’adressez une demande d’explication comme si j’étais un agent exécutant, je suis un gérant, je suis responsable d’affaires, d’intérêts collectifs».

Et dans cette histoire où le désormais ancien Directeur-gérant de la Sodav s’est expliqué point par point, et où on ne l’entendra pas une seule fois nier l’une ou l’autre de ces dépenses, Bouna Manel Fall n’aura signalé qu’une seule «allégation inexacte», le séjour en Afrique du Sud. «Inexacte», «puisqu’il s’agissait d’une mission sans frais, assise sur une invitation personnelle».

Sud Quotidien

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