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Diplomatie sénégalaise : Osons dire non !

TRIBUNE LIBRE
Vendredi 9 Juin 2017

En politique étrangère un pays doit avoir une feuille de route bien ficelée plutôt que de suivre d’une manière inconditionnelle les humeurs d’un autre État, fût-il son plus grand financier.


Diplomatie sénégalaise : Osons dire non !
Le rappel de l'ambassadeur du Sénégal en poste au Qatar, dans ce qui semble être une implication active de notre pays dans la nouvelle crise au Moyen Orient, qui le voit s'aligner aux côtés des États arabes sunnites, sous le leadership de l'Arabie Saoudite, n'est pas le seul exemple récent d'une diplomatie presque incompréhensible.

Qui peut aussi oublier, à cet égard, la récente poignée de mains entre le Premier Ministre Israélien, Benjamin Netanyahou et le Président du Sénégal, Macky Sall, lors du dernier Sommet de la Cedeao, au Liberia? Le souvenir est encore frais dans les mémoires du parrainage par le Sénégal, il y a un an, au Conseil de sécurité de l'ONU d'une Résolution qui avait tellement outré l'État Hébreu qu'il avait rompu ses liens diplomatiques avec Dakar. Les yoyos de la diplomatie sénégalaise sont si fréquents qu'on est en droit de se demander si elle a une épine dorsale.

Toutefois, pour incompréhensibles que ces gestes puissent paraître, ils ne peuvent pas être dépourvus de sens. Tant s’en faut, si on les ausculte à travers l’angle de la réalité des relations internationales. En effet - pour paraphraser Tocqueville et faire nôtre l'une de ses  citations -, en politique, tant au niveau national qu’international, la communauté des haines et/ou des intérêts fait souvent le fond des amitiés. Si l’on y ajoute les exigences de la realpolitik, on se trouve dans des situations où la logique dépasse souvent l’entendement du citoyen lambda.

C’est ce qui explique le fait de voir certaines relations jugées pourtant contre-nature entre États ou mouvements politiques se nouer et d’autres qu’on pensait « incassables » se défaire au gré des circonstances et des intérêts. Des exemples sont légion dans ce domaine. On peut en citer celui des États-Unis qui avaient armé les Talibans pour combattre l’ennemi russe en Afghanistan dans les années fin 70 début 80; et celui de certains pays occidentaux dont l’Angleterre et de la France qui ont aidé, et continuent toujours d’aider, en Syrie, des groupes, qui  en temps « normal » auraient été considérés comme des terroristes.

Cependant, cela ne doit pas nous empêcher de nous poser certaines questions. D’autant que,  si les raisons qui avaient poussé à la rupture des relations diplomatiques avec Israël sont bien connues, celles ayant conduit au rappel de notre ambassadeur semblent pour le moins floues et peu plausibles, même si officiellement, c’est pour soutenir quelques-uns des États du Golf, dont principalement l'Arabie Saoudite, pour punir le petit Qatar pour  son implication dans le terrorisme international.

L’on est tout de même tenté de se demander en quoi une « rupture diplomatique » du Sénégal peut avoir un impact sur le Qatar. Au contraire, celui-ci peut créer une crise politique au sein du gouvernement sénégalais en lâchant, en guise de représailles, la bombe des clauses entourant la nébuleuse libération de Karim Wade. De plus,  pourquoi de tous les pays de l'Afrique noire le Sénégal est le seul à avoir rappelé son ambassadeur,  à s’impliquer dans ce Moyen Orient compliqué? Était-il obligé de prendre parti? Nos dirigeants, qui agissent en notre nom, devraient donner de plus amples explications sur leur décision, qui peut avoir certaines conséquences.  

Même si on soupçonne l'Arabie Saoudite de tirer les ficelles. Ces dirigeants nous doivent d’autant plus d’explications qu’ils semblent suivre aveuglément l’Arabie saoudite dans ses caprices géopolitiques depuis un certain temps. Or, en politique étrangère un pays doit avoir une feuille de route bien ficelée plutôt que de suivre d’une manière inconditionnelle les humeurs d’un autre État, fût-il son plus grand financier. N’oublions pas que n’eussent été une certaine vigilance citoyenne et d’autres concours de circonstances, on aurait envoyé des centaines de soldats sénégalais au Yémen dans une guerre qui n’est pas non seulement la nôtre, mais qui oppose de surcroît un autre pays musulman.

Même dans les traités et les rapports entre États les plu sérieux, les pays souverains ont toujours ont certaines marges de manœuvres. En 2003, la France, tout membre de l’Otan qu’elle soit,  avait refusé d’être entrainée par le leader américain dans une  guerre contre l’Irak, parce qu’elle savait que les raisons qui la motivaient étaient infondées.

Être un petit État pauvre  ne doit pas être synonyme d’être sans dignité. Le petit Cuba l’a prouvé depuis des décennies malgré l’embargo inique que lui impose la grande Amérique.
Si demain l’Arabie saoudite et les autres pays du Golf devaient renouer leurs relations avec le Qatar, toute honte bue, on serait certainement obligé de suivre leurs pas.
À cause d’une dépendance financière chronique, nos pauvres États sont prêts à tout brader, même leur dignité pour pouvoir bénéficier de l’aide ou des subventions venant de  l’étranger. Cette situation doit nous pousser à réfléchir et travailler davantage pour gagner notre souveraineté économique et politique.

Dans ce sens, ces mots de Modibo Keita nous parlent toujours : « (…) Aucun pays ne peut vivre et se développer uniquement avec les apports extérieurs. Nous devrons compter avant tout sur nous-mêmes et exploiter judicieusement toutes nos possibilités ; pour atteindre cet objectif, il nous faudra raffermir notre volonté de sauvegarder notre fierté et notre indépendance, vivre d'abord du pays en réduisant notre train de vie. Une économie organisée et relativement libre exige une consommation à caractère national. » Modibo Keita.

Mais pour ce faire, il faut des dirigeants intègres et patriotes, qui dépensent l’argent du contribuable avec efficience en ne confondent pas leurs poches avec les caisses de l’État.

BOSSE NDOYE
Montréal
momarboss@gmail.com



 

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