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Imam Kanté : «Pourquoi j’ai quitté la plateforme Aar li nu bokk»

ECONOMIE
Jeudi 20 Juin 2019

Imam Kanté : «Pourquoi j’ai quitté la plateforme Aar li nu bokk»
Il a annoncé la couleur depuis avant-hier (mardi). Sur sa page Facebook, Imam Amadou Makhtar Kanté écrit : «A l’étape actuelle, j’en suis juste à demander la manifestation de la vérité sur le pétrole et le gaz découverts, je n’accuse personne de vol ou de crime et je me désolidarise de quiconque le fait.» Hier, il a enfoncé le coup, toujours sur Facebook : «Juste pour dire que je viens d’annoncer mon retrait de Aar li nu bokk, mais je reste dans la citoyenneté active bien entendu.» Joint au téléphone, Imam Kanté donne ses raisons, en gros la tournure politique prise par l’organisation n’était pas de son goût. Mais, cet expert en environnement, titulaire d’un Master en Économie solidaire promet de poursuivre son engagement citoyen personnel.

Vous avez annoncé votre départ de la plateforme Aar Li nu Bokk, peut-on savoir les raisons ?
Je me suis retiré de la plateforme, ils m’avaient intéressé à la chose et si c’étaient des partis politiques qui m’avaient appelé à cette mobilisation, peut-être que je n’aurais pas eu la même posture. Mais j’ai eu confiance, parce que c’est Aliou Sané de «Y en a marre» et Abdourahmane Sow du M23 qui m’ont invité à rejoindre. Je me suis dit qu’a priori, c’est la société civile et que c’était une question extrêmement importante pour le pays. Donc, j’ai participé aux premières réunions, nous avons travaillé ensemble sur le nom, sur les objectifs et sur notre feuille de route. Et c’est dans ce cadre que l’on s’est dit qu’on pouvait déjà programmer un rassemblement pacifique, avec une tribune populaire, pour laisser les Sénégalais s’exprimer, et ensuite évaluer. Jusque-là, j’étais à l’aise, mais par la suite, j’ai commencé à voir que plus des entités politiques envoyaient des représentants, plus les réunions commençaient à être compliquées. Et j’ai vu de plus en plus, que certains qui commençaient à être ‘’dominants’’, sont très intéressés à des confrontations et des forcings. Les gens ont très mal vu que je dise que je suis légaliste, que si l’autorité administrative interdit un rassemblement, il faut reporter et trouver un autre moyen. J’ai trouvé aussi que l’on s’écartait des objectifs, nous avions quatre objectifs très clairs : demander la transparence, que la justice se saisisse du problème, voir dans quelle mesure on peut redéfinir les contrats et si on peut récupérer les avoirs pétroliers du Sénégal. On demandait que le gouvernement apporte la lumière sur des questions précises, que la justice soit saisie et les responsabilités situées. Donc pour moi, il n’était pas question de prendre la place de la justice ou d’accuser des gens, même si c’est le gouvernement, de les traiter de criminels ou de voleurs… Je ne me retrouvais plus et c’est pour cela que j’ai décidé de me retirer, parce que je ne pouvais plus continuer dans ce cadre.

Concrètement, que reprochez-vous aux membres de la plateforme ?
Le fait que l’on s’écarte des objectifs, parce qu’à mon âge, avec mon parcours et mon expérience, je ne peux pas entrer dans une plateforme, sans que l’on définisse les objectifs. J’ai été parmi les personnes qui ont le plus insisté dès le début, en disant qu’il ne fallait pas que ça aille dans tous les sens. Est-ce que nous luttons contre Macky Sall ou Aliou Sall ? J’ai dit que nous luttons pour que la bonne gouvernance soit une réalité au Sénégal, et voilà un bon prétexte pour le faire, parce que cette affaire de pétrole et de gaz est une nébuleuse. Nous avons donc défini ensemble les objectifs et jusque-là, j’étais très satisfait. Mais je vois les gens commencer à insulter le Président, les ministres, les traiter de voleurs et de criminels et dire que cette justice ne peut pas résoudre ce problème, mais moi, je ne vois pas d’alternative à la justice. Et je ne veux pas prendre le risque de faire courir des jeunes dans la rue et qu’ils soient blessés par des lacrymogènes ou autres, alors que la question de fond est sur une bonne dynamique, la justice est en train d’écouter les gens et il y a même des enquêtes internationales. Donc, il faut penser à autre chose et pas à de l’activisme.

En tant qu’Imam, est-ce évident d’adhérer à ce genre de structures qui ont souvent une connotation politique ?
Je n’ai pas ce point de vue. D’abord, Aar li nu bokk n’était pas une plateforme politique au départ, mais aujourd’hui, on peut dire que c’est une plateforme mixte. Une plateforme citoyenne est une plateforme citoyenne, il peut y avoir des personnes qui sont dans des partis politiques, mais qui viennent dans la plateforme, en tant que personnes indépendantes. Mais si les partis politiques font coalition avec des entités de la société civile, des syndicats ou autres, ça devient une plateforme mixte. Alors que moi, j’étais allé dans le sens de participer à une mobilisation citoyenne. Et je n’avais aucun problème, en tant qu’Imam, de me situer dans l’espace public, parce que si l’Imam ne parle pas des problèmes de sa société, je ne sais pas de quoi il va parler. Donc pour moi, ce n’est pas un problème politique, mais un problème citoyen et républicain, et l’Imam a son mot à dire. Maintenant, il est vrai que ce que j’ai vu montre des tensions, mais ça ne me décourage pas, ça ne veut pas dire que l’Imam n’a pas sa place dans l’espace citoyen, mais ça veut dire que sous ce format, j’ai atteint mes limites avec l’état d’esprit que j’ai vu actuellement dans la plateforme, parce qu’il y a beaucoup d’entités différentes et des objectifs différents. C’est ça le problème, mais mon engagement, en tant qu’Imam, n’est pas en cause.

Donc, c’est l’adhésion des hommes politiques qui vous a poussé à vous retirer ?
Oui pour moi, il y a quelque chose à voir, mais c’est souvent un faisceau de facteurs, certains sont plus ou moins objectifs, d’autres subjectifs. Mais parfois, un petit comportement de quelques personnes peut vous pousser à bout, même un propos déplacé peut vous décourager. Cela arrive. Mais je peux dire qu’il y a cette part de politique que je trouve de plus en plus prégnante dans la plateforme qui, effectivement, ne me rassure pas. J’aurais préféré que les partis politiques restent dans leur cadre et que la plateforme demeure citoyenne, avec juste des associations de la société civile et des personnalités indépendantes. Maintenant, si on organise des choses, tout le monde peut venir, toutes les entités politiques, citoyennes et religieuses peuvent y participer. Mais qu’on laisse la plateforme avoir une identité et une autonomie citoyenne, et j’ai vu que cela commençait à être remis en cause par certains représentants des partis politiques.

Y a-t-il eu des actes ou des propos en particulier qui vous ont rebuté ?
Certes, il y en a eu, mais je ne vais pas le dire dans la presse, parce que ça ne sert à rien. Je suis entré dignement dans la plateforme, sur invitation, et je la quitte aussi dignement et respectueusement. J’ai eu à dire ce que je pensais pouvoir dire, en interne, je sens que je n’ai pas été suffisamment écouté et qu’il y a une tendance qui va vers autre chose, je respecte ceux qui vont vers cette tendance et qui vivra verra.

Quelles sont les motivations réelles de votre engagement ?
Je considère d’abord que j’ai une mission, en tant qu’Imam, c’est-à-dire de guide, quelqu’un qui doit orienter et s’intéresser à sa société et essayer de l’influencer vers des évolutions que l’Islam considère comme positives. Tout le monde sait que j’argumente toujours à partir du Coran et de l’histoire de l’Islam. Ensuite, il y a le levier citoyen qui me motive, nous avons une Constitution qui nous donne des libertés citoyennes d’engagement. J’ai donc ces deux légitimités, l’Islam et notre Constitution.

Quid de la gestion des affaires publiques par les gouvernants ?
Oui parce que je suis loin d’être satisfait de la gestion des affaires publiques en Afrique en général et au Sénégal en particulier. Je suis dans la citoyenneté active et j’estime qu’il faut contribuer à la bonne marche du pays. Les motivations islamique et citoyenne me guident et je compte bien les mener jusqu’au bout. Je compte poursuivre mon engagement personnel.

Quel est votre avis sur les enquêtes déclenchées par le Procureur dans cette affaire ?
Je trouve que c’est une bonne dynamique, je ne suis pas d’avis avec ceux qui disent toujours que la justice est manipulée et que les enquêtes n’aboutiront pas. Une justice peut être manipulée en un temps donné, mais après, des facteurs font que cette justice reprenne les choses en main et dise le Droit. Au départ, le gouvernement disait : circulez il n’y a rien à voir, mais aujourd’hui, ils ont saisi la justice qui est en train de faire son travail. Maintenant, ce qu’il faudrait, c’est surtout avoir une stratégie pour faire le suivi très rapproché de ce dossier jusqu’au bout. Parce que si on dit que la justice ne fera rien, qui va faire quelque chose dans ce cas ? Je ne vois pas d’alternative à la justice.

ADAMA DIENG

 

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