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L’OASIS DAKAROISE SE PORTE MAL Plaidoyer pour un meilleur traitement de la capitale sénégalaise

TRIBUNE LIBRE
Mardi 7 Février 2017

En 1444, Denis Diaz Fernandez, fasciné par la végétation luxuriante de la pointe occidentale du continent africain, la baptisa Cabo Verde ou Cap vert. Par sa position favorable et ses sources d’eau douce, la presqu’île du Cap Vert sera, par la suite, une étape importante dans la route maritime reliant l’Europe, l’Afrique et l’Amérique. En 1617, Birane Mbengue, Laman de Beeñ (la mère des 12 pénc), concéda l’île de Beer ou Gorée aux Hollandais. En 1790, avec Dial Diop, Mapote Mbengue et les autres, Ndakaaru recouvrit son indépendance vis-à-vis du Cayor.


ABDOU KHADRE GAYE
ABDOU KHADRE GAYE
Un matin de Korité de l’année 1857, Protet y planta le pavillon français, marquant ainsi la fondation de Dakar qui accueillit en 1902 la capitale de l’AOF et, depuis 1958, au lendemain de la fête de  son centenaire, la capitale sénégalaise. Aujourd’hui, le Cap Vert est devenu un « cap béton », comme disait le défunt Ndey Ji Réew, Alioune Diagne Mbor. Car, sur presque toute son étendue, y compris sa façade maritime, menacée par endroit par l’érosion côtière, le béton et le fer ont remplacé la végétation. Et Dakar est devenu la tête trop grosse d’un petit pays de 14 millions d’habitants et 196 000 km2. Sur 0,28% du territoire nationale, il concentre 25% de la population et plus de 70% des activités économiques et administratives. Sa population est passée de 18 447 en 1904 à 1 million en 1982 et de 3 250 000 aujourd’hui.
C’est pourquoi, malgré toute les contradictions qui le déchirent, du fait de sa croissance trop rapide, Dakar est considéré comme le coin le plus riche du pays et ses habitants comme les plus nantis, n’ayant presque pas besoin d’assistance au même titre que les autres parties du Sénégal, courues par les institutions de développements et autres acteurs non étatiques. Et pourtant, Ndakaaru ou « Dëkk Raw », « la cité refuge », n’est plus l’asile de paix aux mers poissonneuses et aux forêts giboyeuses où il faisait si bon vivre et dont on disait, du temps de Dial Diop, « qui s’y installe est sauvé ». Dakar (fondé par Pinet Laprade), non seulement n’est pas devenu comme Paris, comme l’annonçait la « prophétie », mais ne marche même plus sur les pas de Paris. Hélas, les « médinas monstrueuses » dont Senghor souhaitait « la métamorphose » sont toujours de mise !
En effet, si l’on considère l’état actuel de la presqu’île, ci-après esquissé : avancée accélérée de la mer du fait de l’effritement des falaises nues et l’extraction abusive du sable des plages sur la grande côte et l’abattage de la bande protectrice des filaos ; perte des dernières niches de verdure du fait de l’accaparement, par des promoteurs immobiliers, de pans entiers du poumon horticole des Niayes et de la forêt classée de Mbao ; pollution des mers et raréfaction des richesses halieutiques, du fait de la surpêche industrielle, menaçant la survie de familles entières de pêcheurs à Thiaroye, Yoff, Soumbedioune et autres villages lébu ; Rufisque, « la fraiche », « porte sud dakaroise », qui a fini de perdre sa fraicheur et son air pur, subissant les assauts répétés de la mer ; le dépotoir de Mbëbës proliférant telle une lèpre ; la baie de Hann pourrissante ; le centre-ville sur-pollué. L’oisiveté, le chômage, l’extrême pauvreté et la criminalité croissent surtout dans la proche banlieue… Si l’on considère tout cela, sans oublier l’indiscipline ambiante ainsi que les risques industriels et autres prévisibles catastrophes, on se rend compte que l’oasis dakaroise, fortement menacée, se meurt à grand feu. Et pleurent les anciens : « l’époque des quatre communes est révolue ! Les années des indépendances sont derrières nous !... » Et aujourd’hui, plus que tous les autres, Dakar et ses habitants ont besoin d’aide et d’assistance, avant qu’il ne soit trop tard.
Il est vrai que si la richesse économique implique le bien-être et même le bonheur et se mesure, comme pensent certains experts, en terme d’immeubles, de bâtiments en dur, d’hôtels, de banques, de routes et de ménages disposant de véhicules, de postes téléviseur, d’ordinateurs ou de téléphones, et ayant accès à l’électricité, à l’égout et à l’eau des robinets,… alors Dakar est bel et bien le paradis des Sénégalais et ses habitants sont les plus heureux du pays. Car, à Dakar, même les mendiants disposent d’un poste téléviseur et d’un téléphone portable…  Mais à Dakar, on peut aussi voir des fonctionnaires « bien payés » et « bien gras » locataires d’appartements luxueux et bien équipés et même véhiculés, mais qui ne sont propriétaires de rien, hormis de leurs dettes. A Dakar, on peut voir des familles pauvres jouer les riches et célébrer avec faste leurs fêtes, quitte à se priver de l’essentiel et/ou à se surendetter. A Dakar, on peut voir des armées de jeunes trainer dans les quartiers de palabre en palabre, sans perspective, sans avenir, rêvant d’un ailleurs meilleurs, véritables aubaines pour les trafiquants de drogue, les politiciens véreux, les passeurs de la méditerranée et les groupes terroristes. A Dakar, on peut voir des mères de familles sans aucune vie familiale, comme exilées d’elles-mêmes, semblables à des fantômes, elles quittent leur domicile avant l’aube pour ne rentrer que tard dans la nuit avec à peine de quoi nourrir leur famille. A Dakar, on peut voir des familles entières vivre dans des maisons inondées à longueur d’année, ou pire, sur les tas d’ordures de Mbëbës… Et si la pauvreté se mesurait au nombre d’habitant vivant dans les dépotoirs, Dakar serait en tête de peloton. Si la pauvreté se mesurait au nombre de chômeurs et de sans métier dans les quartiers, ou au nombre de ménages ne disposant pas des trois repas quotidiens, ou au nombre d’élèves exclus des établissements scolaires fautes de paiement ou de fournitures scolaires, ou au nombre d’enfants squattant les rues, ou au nombre de pères de famille trainés en justice pour non-paiement de leur loyer, ou au nombre de personnes rejetées des structures sanitaires pour les mêmes raisons,… alors on verrait les richesses de cette famille villageoise vivant dans des cases en paille, dans une maison sans eau courante ni électricité, mais près de son ciel, de sa pleine lune et de ses étoiles,… mais propriétaire de ses terres et de plusieurs têtes de bétail, et de son puits et de ses volailles,…
En vérité, tout est question de perspective. Mais faisons un tour, pour finir, dans l’arrondissement de Dakar Plateau, « la capitale de la capitale », circonscription administrative regroupant les communes de Gorée, Dakar Plateau, Médina et Gueule Tapée Fass Colobane, avec ses canaux à ciel ouvert, véritables dépotoirs presque jamais curés et exhalant la puanteur, ses marchés et ses gares routières jamais nettoyés, ses artères surencombrées, ses égouts sans regards, trous à ordures et fléaux des aveugles et des étourdis, ses « coins-de-rue-urinoirs », ses immeubles vétustes ou mal construits, s’affalant en cascade, emportant des vies humaines… Et l’avenue George Pompidou, ex William Ponty, « reine des rues de notre capitale », défigurée et méconnaissable. Et Sandaga en train de devenir, après son incendie, une bombe écologique refuge des malfrats, charriant puanteurs et maladies. Triste spectacle de ces vieux quartiers branlants, voisins centenaire du palais présidentiel et qui manquent aujourd’hui encore de presque Tout (avec un grand T). Même les pénc lébu, patrimoine plusieurs fois centenaire, sont abandonnés à leur triste sort, hélas !
Et, pendant ce temps-là, les guéguerres politiciennes font rage au grand dam des populations désemparées. Il est vraiment grand temps pour nos hommes politiques d’accepter le sevrage, de grandir enfin et de mettre un terme aux enfantillages et de sauver Dakar, notre oasis et de sauver nos oasis.
Car, en vérité, le Sénégal est un pays pauvre, presque un désert avec quelques oasis très mal entretenues, il est vrai. Or, celui qui rêve de reverdir son désert doit prendre soin de ses points d’eau. Et Dakar, « main tendue vers la mer mémorable », pour parler comme le poète-président, est l’oasis sénégalais le plus fameux, à coté du Walo, du Sine Saloum et de la Casamance. Sans oublier les oasis spirituels du Cayor et du Baol, qui font notre fierté. Alors un seul mot d’ordre : prenons soin de nos oasis, si nous voulons vaincre le désert du sous-développement et du mal-vivre.
ABDOU KHADRE GAYE
Ecrivain, Président de l’EMAD
Tel : 338426736
Email : emadassociation1@gmail.com

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