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LETTRE A LA CLASSE POLITIQUE SENEGALAISE

TRIBUNE LIBRE
Mercredi 22 Février 2017

« Le secret des grandes fortunes sans cause apparente est un crime oublié, parce qu'il a été proprement fait », disait Honoré de Balzac. N’entendons pas par crime ici tuerie, meurtre et autres trucs sanglants. Un crime sous nos cieux, il est toujours économique, s’il s’agit de parler de grandes fortunes.


LETTRE A LA CLASSE POLITIQUE SENEGALAISE
Pour s’en convaincre, il suffit juste de voir quel est le niveau de vie de nos apparatchiks politiques, qui vivent comme des rois et règnent sur des fortunes colossales sans autre origine connue que leur passage au cœur de l’état. C’est la seule façon de se légitimer chez nous en politique, et d’être crédible en conséquence. Notre peuple est en adoration en effet devant ces richards milliardaires et autres nababs, qui en sont au besoin d’estime et de reconnaissance et entrent en politique en dilettante, qui pour le prestige d’inscrire son nom dans l’histoire de notre pays, qui pour régler des comptes personnels, qui pour profiter de sa position au cœur de L’Etat pour blanchir une fortune scandaleusement élevée dont il ne peut jouir tranquillement que s’il est en accointance avec le régime en place, ou s’il en est membre à part entière.

Le peuple dont les ressources sont pillées les suit comme les oiseaux de mer suivent le sillage des thoniers, pour ramasser les restes qu’ils veulent bien leur laisser avec condescendance. La popularité de nos hommes politiques en vient à dépendre alors de leur degré de générosité, sans que personne ne s’interroge sur les origines de cette fortune dilapidée avec obséquiosité, pour requérir leurs voix souvent achetées à coup de tee-shirts, de sacs de riz ou de quelques billets de banque.
Notre décidément grand visionnaire Balzac disait d’ailleurs fort à propos, pour qualifier ces pratiques honteuses qui ne peuvent s’appeler autrement que corruption, que tout dans ce monde, celui de la politique, est corruption, et que «chaque homme y est ou corrupteur, ou corrompu».

Cela cadre bien avec la situation socio-politique de notre pauvre pays. Car, au Sénégal, nous pouvons dire sans risque de nous tromper que la politique n’est pas une affaire d’élite. C’est l’affaire des médiocres qui souvent choisissent ce raccourci. Car ceux qui sont aujourd’hui au sommet de nos institutions ou se meuvent au cœur du pouvoir sont des indigents intellectuels et autres analphabètes dont l’incompétence doublée d’un manque d’éducation met en péril notre stabilité politique et menace même la survie de nos institutions qu’ils ont fini par dévoyer.

Nul code d’honneur, nul sens de la morale, ne guident leur action. Ils ne sont mus que par un désir de possession qui n’a d’égal que leur soif de paraitre, seule finalité de leur activisme débordant sans autre conséquence qu’une faillite morale qui souille la vie publique et dévoie l’Etat.

«La corruption est en force, le talent est rare. Ainsi, la corruption est l'arme de la médiocrité qui abonde, et vous en sentirez partout la pointe» aurait conclu Balzac. Nul ne veut plus voir les politiciens en photo, et le comportement fantasque proprement insolent de ceux qui sont au pouvoir finit par détourner les sénégalais de toutes les initiatives impulsées pour répondre à leurs attentes. Même celles qui sont pourtant objectives et pertinentes.
C’est que le peuple en a finalement marre de voir les derniers être les premiers. Le peuple souffre de voir ceux qu’il exècre et qui n’ont réussi que par la seule force de leurs vociférations continuer de leur vendre du vent, et de chanter une émergence théorique qui n’existe que dans leurs performances vocales, comme s’ils étaient dépositaires d’une parole divine qui transformerait leurs élucubrations démagogiques en réalisations concrètes.

Le savoir par lequel on acquiert la connaissance, le savoir faire grâce auquel nous maitrisons toutes les compétences utiles pour construire un pays, et enfin le savoir être qui est l’ensemble des comportements civiques et autres valeurs par lesquels une nation se bâtit sont incontournables pour changer un pays et transformer l’existence de ses habitants.
Demandez à la Chine à propos duquel un penseur dit : «la seule noblesse que puisse reconnaître l'égalité politique est (…) celle qu'on ne doive point au hasard et qui ne soit jamais la compagne de la médiocrité. Je ferai remarquer ce bon sens chinois qui fait de mandarin et de lettré deux mots synonymes, ne concevant pas que celui qui est placé plus haut par ses connaissances puisse être mis plus bas par son rang, et que la sottise et l'immoralité doivent jamais commander au génie et à la vertu».

Si la sottise et l'immoralité commandent au génie et à la vertu comme cela tente d’être le cas chez nous, ne soyons pas étonnés alors que la contestation enfle et que chacun se rebiffe à la hauteur de sa force pour sauver sa dignité de citoyen. «La dignité est dans la lutte» en effet car dans ces cas-là, l’enjeu dépasse l’individu et concerne le sort même de la Nation.
Rappelons-nous : plus d’une dizaine de morts ont été enregistrés au plus fort de la lutte contre le projet de dévolution monarchique du pouvoir sous Me Wade.
Il est important que les leçons du passé servent au présent, pour éclairer l’avenir.
Il est temps que notre classe politique se réconcilie avec le peuple qui aspire au progrès, et que nous parlions le même «langage clair de la savane» pour rester dans le sillage de Djibril Tamsir Niane.

Notre classe politique doit respecter le peuple sénégalais et lui rendre le respect dû à l’attachement aux mêmes valeurs qui cimentent notre nation.
C’est cela l’union d’un peuple autour d’un même but. C’est cela l’amour, cet amour qui fait aller de l’avant et qui seul peut nous conduire vers le progrès, cet amour à propos duquel Céline disait justement : «s’aimer ce n’est pas se regarder, c’est regarder dans la même direction» !
Cissé Kane NDAO
Président A.DE.R

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