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«Le pouvoir de Macky Sall commence à partir à vau-l'eau»

GUEST EDITORIALISTE
Lundi 8 Mai 2017

L'histoire de l'humanité est riche d'exemples de grands empires qui se sont écroulés quand les élites dirigeantes ont cessé d'être comme leurs peuples et de se montrer arrogantes à leur égard. Au Sénégal, la colère peut encore être sourde, il faudrait déjà l'entendre et lui répondre avant qu'elle ne sorte brutalement des urnes.


Qu'il peut être navrant que d'aucuns ne veuillent pas apprendre des erreurs ou des turpitudes de leurs devanciers ! Quand est-ce qu'ils comprendront que l'homo senegalensis abhorre l'injure publique, la diatribe et la vulgarité, surtout sorties de la bouche d'une autorité publique ? Quand est-ce qu'ils comprendront que le succès politique du Président Macky Sall s'est bâti grâce à l'image de discipline, d'humilité et de correction qu'il affiche face à ses concitoyens ? Quand est-ce qu'ils comprendront, nos amis de l'Alliance pour la République (Apr), pour ne pas les nommer, que leur mentor, Macky Sall, n'a jamais prononcé en public une parole déplacée, ni un mot de trop, en dépit de l'adversité féroce dont le Président Abdoulaye Wade avait eu à faire montre à son égard.

Quand est-ce qu'ils comprendront que l'ancien Premier ministre, Idrissa Seck, a beaucoup perdu dans l'estime de ses compatriotes du fait de ses propos malheureux prononcés contre Abdoulaye Wade au lendemain de sa sortie de prison dans le cadre de la procédure dite "des chantiers de Thiès". Quand est-ce qu'ils comprendront que le Président Abdou Diouf reste en haute estime dans l'esprit de ses compatriotes pour s'être montré avec une marque de fabrique estampillée comme la courtoisie personnifiée ? Mais quand est-ce qu'ils comprendront que c'est l'arrogance, la suffisance et l'invective qui avaient perdu le régime d’Abdoulaye Wade ? 

On aura beau hurler, alerter et tirer la sonnette d'alarme, nos amis de l'Apr restent butés et ne veulent pas comprendre qu'ils s'exposent et exposent leur pouvoir qui risque ainsi de leur filer entre les mains. Ils insultent et invectivent leurs adversaires politiques et ne s'épargnent plus eux-mêmes. Ils se montrent les plus féroces les uns contre les autres. Ils ne semblent même pas aimer leur propre personne pour se combattre mutuellement de la sorte et risquer de compromettre leur pouvoir.

La devise semble être "chacun pour soi", alors qu'en politique et peut-être plus que dans le sport, c'est plutôt le jouer collectif, c'est-à-dire "chacun pour le groupe" qui garantit le succès. Ils peuvent s'entre-déchirer comme des chiffonniers, mais ils finissent par nous agacer, nous pomper l'air même. Ils insultent l'ensemble des Sénégalais et manquent de respect à nos institutions.

La présidence de la République est truffée de "pires que des faucons", pour reprendre les propos du ministre Yakham Mbaye, la bave à la bouche. Le président du groupe parlementaire de la majorité, Moustapha Diakhaté, lui rétorque que "Macky Sall serait le premier faucon du Palais". Moustapha Cissé Lô s'invite dans la foire d'empoignes pour les mettre tous dans le même sac de cambouis. 

Ces personnes sont si familières avec le chef de l'État, si désinvoltes dans leurs échanges que le premier des Sénégalais passe pour être bien moins que rien à leurs yeux. Pour bien moins que cela, combien de personnes ont eu à être traduites en justice pour outrage au chef de l'État ou pour avoir jeté le discrédit sur les institutions de la République ? Et le plus curieux est que les auteurs de telles malencontreuses sorties n'en sont pas à leurs premiers dérapages et peuvent aussi se rassurer de faire comme de nombreux autres responsables du parti présidentiel.

Le paradigme devient assez clair. Il suffit d'insulter et d'invectiver pour être sans doute craint et laissé tranquille à son poste, ou même pour bénéficier de strapontins. Aliou Sall, le jeune frère du président de la République, peut être le premier à saper l'autorité morale et institutionnelle de son frère en le défiant publiquement et en indexant "les faucons du Palais" qui manipuleraient le chef de l'État. Quels égards les autres citoyens pourraient-ils alors avoir pour le président de la République ?

Moustapha Cissé Lô a été le premier à s'engager dans une telle voie pour être imité par un Youssou Touré. Moustapha Cissé Lô n'a pas obtenu par ses insultes le poste de président de l'Assemblée nationale, mais a obtenu une grosse consolation avec celui de président du Parlement de la Cedeao. Youssou Touré avait fait bruyamment savoir son mécontentement après les investitures de la liste des députés en 2012 et s'est fait calmer en se retrouvant à la table du Conseil des ministres.

Quand Youssou Touré éprouve des démangeaisons et pète un câble, il se fait rattraper pour revenir reprendre sa place, comme si de rien n'était. Farba Ngom peut insulter les hauts fonctionnaires et les agents de la force publique et avoir toujours une grande gueule qui lui garantit de rester au cœur du pouvoir jusqu'à faire nommer des ministres qui déclarent publiquement lui être redevables de leur entrée au gouvernement.

Dans le Fouta, Farba Ngom et Harouna Dia s'insultent copieusement. A Ziguinchor, les clans de Benoît Sambou font face à ceux de Doudou Kâ et d’Aminata Angélique Manga. Le ministre Moustapha Diop peut insulter et chasser de son bureau des magistrats de la Cour des comptes et continuer de rester à son poste. Il sera impuni au point que ses partisans n'hésiteront pas à gazer et violenter les officiels installés dans la tribune d'un meeting politique présidé par le chef du gouvernement Mahammad Boun Abdallah Dionne à Louga.

Les responsables de la Convention des jeunes républicains (Cojer) peuvent se détester jusqu'à exercer des violences physiques et des troubles à l'ordre public à chacune de leurs manifestations. A Thiès, des hordes du député Abdou Mbow et celles du directeur de la Poste peuvent en venir aux mains et tirer des coups de feu.

Siré Dia, le Dg de la Poste, peut se permettre de publier un communiqué dans les médias avec l'en-tête de la Poste nationale pour donner sa version des faits. Cette situation n'est pas nouvelle. Déjà, dans une chronique en date du 23 mai 2012, juste deux mois après l'élection de Macky Sall, le 25 mars 2012, nous étions heurtés par les travers de ses partisans qui se révélaient comme des ploucs à la tête de l'État.

Nous soulignions notamment : "Tout cela fait désordre, surtout qu'il n'y a eu aucune voix pour recadrer les uns et les autres, leur imposer une certaine tenue. Nombreux sont les citoyens qui se sont indignés de ces attitudes (...) Choqués, nous sommes nombreux à l'être." 

Le gros risque de transformer de l'or en barre en plomb 

Pendant tout ce temps, l'opposition compte les coups. Les tenants du pouvoir donnent l'impression de travailler à leur propre perte. Cette atmosphère de déliquescence, pour ne pas dire cette ambiance qui semble préfigurer une fin de règne, ragaillardit les opposants. L'Apr se livre à une véritable opération d'autodestruction.

L'opposition peut se frotter les mains et considérer que le glas est train de sonner pour le régime de Macky Sall. Ainsi, les responsables de l'opposition arrivent-ils à transcender leurs profondes divisons, leurs profonds problèmes d'ego pour se mettre ensemble, dans le cadre d'une coalition électorale en direction des prochaines élections législatives.

L'opposition n'a pu se rassembler derrière aucun objectif politique ou un programme autre que de "dégager la régime de Macky Sall". La coalition électorale de l'opposition Manko peut être un réceptacle d'une colère légitime des populations, même si cette nouvelle armée mexicaine aurait bien de la peine à s'entendre sur quelconque pour gouverner ce pays.

Il reste donc que ce "dégagisme" peut bien prospérer. La tendance à travers le monde est que les populations se détournent des hommes politiques et sanctionnent les gouvernants sortants, surtout si ces derniers révèlent leurs carences, leurs limites, les faiblesses et encore montrent par leur arrogance qu'ils ne sont pas toujours dignes de les gouverner.

Le citoyen, quel qu'il soit, voudrait être fier de son dirigeant. Ainsi, les électeurs peuvent dégager un régime et installer n'importe quel aventurier ou vendeur d'illusions, simplement parce qu'ils en ont marre d'une certaine façon de faire de la politique.
Les succès de Jean Luc Mélenchon, de Marine Le Pen et d’Emmanuel Macron lors de la dernière élection présidentielle française en constituent d'éloquents témoignages. De même, la classe politique traditionnelle a été disqualifiée par les électeurs au Bénin pour installer un Patrice Talon à la tête du pays.

Aux États-Unis d'Amérique, Donald Trump a pu gagner justement parce que les électeurs voulaient sanctionner l'élite politique de Washington. Plus près de nous, en Gambie, Adama Barrow a réussi à s'imposer parce qu'il était apparu à ses concitoyens comme une personnalité nouvelle et qui n'avait point déjà été compromise par les soubresauts de la vie politique gambienne. 

Il appartient au Président Macky Sall de reprendre en main son parti et son camp politique. Le chef de l'État a souvent manqué d'occasions pour imposer la discipline et l'ordre dans son camp, au point de recevoir comme un boomerang les mauvaises attitudes de ses proches collaborateurs.

Par exemple, comment le ministre Thierno Alassane Sall peut-il manquer autant de respect au chef de l'État pour le défier comme il a eu à le faire dans le cadre de la signature d'une convention de concession, accordée à la compagnie pétrolière Total pour la prospection en hydrocarbures dans l'off-shore profond du Sénégal ?

Pourtant, c'était ce même ministre qui avait paraphé en décembre dernier l'accord signé par le gouvernement du Sénégal avec la France à l'occasion de la visite d'État à Paris du Président Macky Sall. Il avait eu à avoir de nombreux accrochages avec le chef de l'État en Conseil des ministres parce qu'il refusait d'obtempérer à des instructions présidentielles. Thierno Alassane Sall pouvait continuer de se le permettre parce qu'il avait eu la même attitude du temps où il était ministre des Infrastructures. Excédé, le Président Sall l'avait limogé, mais avait fini par le reprendre dans son gouvernement. 

Le pouvoir de Macky Sall, il faut bien le reconnaître, commence à partir à vau-l'eau. Il faut y prendre garde. Cette situation va encore être plus problématique, car les investitures aux Législatives vont fatalement faire des frustrés et la règle est que tous les mécontents vont s'en donner à cœur joie pour verser dans les attaques et autres insultes envers leur propre camp et envers son chef.

Pourtant, le président Macky Sall a tout pour réussir et force est de dire que les regrets pourront être très grands. Il est révoltant qu'en l'espace de cinq ans, le Président sénégalais ait pu réaliser à la tête de son pays un bilan élogieux. Le Sénégal réalise les meilleures performances économiques de l'Afrique en termes de taux de croissance et de maîtrise de l'inflation. Il conduit et exécute ses projets d'investissements et gagne en notoriété et en crédibilité auprès de toutes les institutions internationales.

Ce pays est cité en exemple dans tous les domaines de la bonne gouvernance et les perspectives économiques s'annoncent des plus prometteuses. Serait-il juste de gâcher tout cela ? Macky Sall ne mérite sans doute pas d'échouer et les Sénégalais encore moins. Le 3 août 2015, dans un texte intitulé "Macky Sall et la tentation du suivi collectif", nous prenions date.

L'histoire de l'humanité est riche d'exemples de grands empires qui se sont écroulés quand les élites dirigeantes ont cessé d'être comme leurs peuples et de se montrer arrogantes à leur égard. Au Sénégal, la colère peut encore être sourde, il faudrait déjà l'entendre et lui répondre avant qu'elle ne sorte brutalement des urnes.
 
Madiambal Diagne

 

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