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Macron, l'art du baiser (Par Elgas)

INTERNATIONAL
Jeudi 2 Août 2018

L’Afrique sous-traite ses rêves à Hollywood, ses intellectuels à la francophonie, ses projets à l’AFD, sa jeunesse sur le départ aux miettes d’Eldorado, ses États aux griffes de Bretton Woods - INVENTAIRE DES IDOLES


« On vous adore à genou uniquement quand on n’a pas pu vous enterrer sous la boue.» Le mot est de Vautrin, inclassable personnage balzacien et increvable prédicateur. Il annonçait Macron, en creux. Enfanté par les corps d’élite de la République, c’est au Biafra (1) que le jeune Macron promène ses premiers sourires carnassiers en stage. Le Nigéria, miniature africaine : identité démographique, richesses minières, scène culturelle bouillonnante, Boko Haram, fragilité étatique, économie rentière, disparités géographiques… Le pays condense le continent. En Afrique, où désormais les polytechniciens, énarques, sont envoyés (presque obligatoirement) pour sonder l’épicentre de la démographie mondiale prochaine, et sortir de leurs privilèges, on rencontre des porcs balancés depuis l’Europe qui ouvrent leurs parachutes financiers pour trousser de la négresse, tout autant qu’on y rencontre des occidentaux à costume waxisant, écumant les lieux bourgeois, sur l’autel de l’irrésistible interculturalité. Il arrive que les deux soient les mêmes, mais Macron a la gâchette sobre ou discrète. Accordons-lui le bénéfice du doute. Au Nigéria, il se tint coi, trahissent les télégrammes diplomatiques. Les africanistes du temps colonial faisaient l’Afrique, titre de gloire et de courage. Les africanistes nouveaux aiment l’Afrique, acte de rachat d’une culpabilité coloniale devenue pesante en Europe. Entre les deux vogues, entres parois, se tiendrait presque la genèse indécise du Macronisme : l’art du baiser, avec le venin à effet lent, sous le vernis éclatant de bienveillance. Bébé de la méritocratie mais aussi de la caste aristo ; allaité au lait du pouvoir par Hollande après avoir fait sautiller son ambition sur les jambes d’Attali et d’Alain Minc (2), il était légitime d’attendre du blanc-bec picard un échec. Pareils tuteurs, monstres des cabinets, promettaient une courte carrière. On attendait donc que le prodige trébuchât. Son flair le sauva. Son talent, le propulsera. À peine les médias annonçaient-ils, en effet, son cercueil politique, que le disciple de Ricoeur se précipitait d’y envoyer toute la classe politique dans le plus grand génocide - propre et chirurgical - jamais produit. En deux élections, la vieille France où la politique, affaire de crapules et de barbouzes, mâtinée de génie et d’art du discours, sombrait dans l’âge nouveau du puritanisme triomphant. Avec du jeunisme, des sourires, le messianisme et l’utopie de l’espoir, Macron dispersait les cendres des aînés avec le sourire candide du prince. Cap sur les dépendances africaines. La colonie devenue villégiature.  À Ouagadougou (3), le prince est taquin. À Dakar, rieur et magnanime. Au Ghana, il se camoufle. Un président africain vient d’y hurler que le ciel et bleu (4). Aux concerts de louange il ajoute sa note. Combien ça coûte, de dire aux gens ce qu’ils veulent entendre ? Rien. D’autant plus qu’il dit la même chose à Ouagadougou. Avec Poutine et Trump, il habille ses trente ans l’insolence, avec la majesté versaillaise pour vaincre. Il a compris, qu’en politique, les batailles frontales perdent de leur crédit. Il faut louvoyer. Bâillonner ses ennemis en les embrassant, l’art du crime propre. Il l’a senti. L’Afrique, de Kirikou à Marvel, sous-traite même ses rêves à Hollywood, ses intellectuels à la francophonie, ses projets à l’AFD, sa jeunesse sur le départ aux miettes d’Eldorado, ses États aux griffes de Bretton Woods, ses lépreux aux humanitaires occidentaux, sa jeunesse, qui Y’en a marre, aux injections des fondations. C’est connu, quand il ne reste rien, montent au ciel les volutes et les clameurs de l’indépendance. Les cris disent souvent les impuissances. Il faut, pour Macron, et son nouveau cabinet africain (5) débarrassé de tout soupçon Foccardien, tirer de cette énergie rebelle sur le continent, avide de fierté et d’identité, un pécule et un intérêt, pour mieux administrer la colère et l’organiser. Claudy Siar, roquet enragé, traité à la naphtaline succomba à l’appel, Mabanckou, rebelle tardif, refusa, montant en théâtre son acte de refus. Quelle désarmante magnanimité que celle qui consiste à aimer son ennemi. À rendre les armes face à ceux qui foncent tels des fauves sur vous. Tel est l’art du baiser. Après avoir enterré la scène politique française, il en fera de même avec celle africaine. Et à Vautrin toujours la fin : pour réussir, il faut « l’éclat du génie, ou l’adresse de la corruption ». Et Macron a les deux.

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