Menu


Mbacké Seck : «Cette centrale à charbon de Bargny est une menace même pour le Palais présidentiel»

SOCIETE
Dimanche 19 Mars 2017

Mbacké Seck, spécialiste de l’environnement, revient sur la création de la centrale de charbon de Bargny. Il déclare, arguments à l’appui, que cette centrale est une menace pour Dakar et ses environs.


Mbacké Seck, spécialiste de l’environnement
Mbacké Seck, spécialiste de l’environnement
Lessentiel.sn : M. Seck, on a remarqué que vous n’avez pas agréé l’idée de la construction d’une centrale électrique à charbon de puissance nette de 115 MW, raccordée au réseau de la Senelec à Bargny. Sur quoi se fonde votre refus ?
 
Mbacké Seck : La Cop 21 à Paris fut une belle occasion de rappeler au monde que 33 % des gaz à effet de serre nous viennent du charbon. Au Sénégal, le choix du charbon énergie fossile pour produire de l'électricité est une solution peu judicieuse compte tenu de notre potentiel en énergie propre et renouvelable mais surtout des découvertes de pétroles et gaz.
Une centrale à charbon à Bargny est une menace réelle pour cette ville et sa population déjà victime de la cimenterie.  
Cette centrale que des investisseurs privés construisent sur ce site un danger national : 
- sur l’aéroport international Blaise Diagne entre le cône d’envol des aéronefs et la proximité des installations pour le stockage du charbon et poussières permanentes et des cendres avec les métaux lourds et la hauteur des cheminées qui vont fumer nuit et jour.
 - sur la nouvelle ville de Diamnadio et sur toute la ville de Dakar y compris le Palais présidentiel avec les pluies acides et la direction des vents qui vont polluer faune et flore. Les centrales à charbon en Allemagne ont un impact sur la qualité de l’air à Paris. Les émanations nauséabondes de l’usine de farine de poisson installées à Bel-air sont perçues à l’hôpital Principal.
- le charbon coûte cher en devises mais exige énormément d'eau potable pour la chaudière mais à des besoins gigantesques en eau de mer pour refroidir les chaudières. Plus de 5000 m3 d'eau potable par jour sur le réseau Sones/SDE déjà déficitaire pour notre consommation et notre maraîchage. Plus de 450 000 m3 d’eau de mer par jour pompées et rejetées plus chaudes de 6,5 à 11 degrés de variation thermique.
- les milliers de tonnes de cendres issus de la combustion du charbon seront déversées dans la nature comme le font déjà la Sococim, les ICS. Ces cendres très toxiques contiennent des métaux lourds du plomb, de l’arsenic, du bore, du cadmium bref des métaux lourds cancérigène.
- Plusieurs dispositions du code de l’environnement relatives aux établissements industriels classés, aux rejets d’eaux, aux émanations sont violées au vu et au su de la Direction.
Bref, une centrale à charbon pollue l’air, pollue l’eau pollue, les terres polluent la mer et l’énergie produite entraine de nuisances irrémédiables.
 
Pourtant le ministre Thierno Alassane Sall a déclaré que ce projet a recueilli l’adhésion des populations de Bargny car la Senelec a déjà investi 600 millions FCFA pour contrer l’avancée de la mer…
 
Je regrette, soit le ministre se trompe, soit celui qui a rendu compte à l’autorité s’est fourvoyé. Devant le préfet et devant le PM, les populations, durant l’audience publique et les différentes rencontres, ont clairement dit niet. Déjà victime de la cimenterie et des carrières, vulnérables à l’avancée de la mer, Bargny avec sa population des élus et ses Organisations communautaires a toujours dit «NON».
Une centrale à charbon va les rendre pauvres, maladifs et mourants au moment où les investisseurs empochent les bénéfices et vont vivre très loin de la pollution.
Aujourd'hui sous prétexte de la RSE, les entreprises les plus polluantes parviennent à monnayer un «OUI» de la mairie, ou simplement du maire. La façon dont les audiences publiques sont organisées, managées ne permet même pas une bonne participation des populations. Bargny ne veut vraiment pas de cette centrale à charbon et souhaite du solaire en lieux et place.
 
Pour les dispositions sécuritaires afférentes, la centrale est équipée d’une tranche thermique vapeur avec ses infrastructures associées et d’un Poste d’évacuation. Elle est aussi construite en respect des standards les plus contraignants entre les normes sénégalaises et les recommandations de la Banque mondiale, selon le ministre de l’Energie et du Développement des Energies renouvelables. Donc, il n’y a pas de risque au plan environnemental…
 
Comme on dit en anglais «clean coal is dirty» du charbon propre est un sale mensonge. 
Dire qu’il n’y a pas de risque au plan environnemental est un mensonge, une insulte même à la communauté scientifique. Beaucoup de dispositions du Code de l’environnement sont violées notamment l’article 13 de la loi 2001-1du 15  janvier 2001 portant Code de l’environnement. Les normes Ns 05-61et NS 05-62 sur les rejets des eaux usées. Le mutisme sur la gestion des cendres de charbon issues de la combustion et contaminées par des métaux lourds. Un silence total alors que les vents vont éparpiller les cendres dans la ville.
En Chine, c’est plus de 600 000 morts par an dus à la pollution du charbon entre silicose cancer et pneumonie. L'image du Chinois avec son masque anti poussière est édifiante. Plusieurs pays ont programmé le démantèlement de leur centrale. Notre choix doit se faire sur des énergies propres et renouvelables.
 
Aujourd’hui, selon vous, quel est le comportement à adopter si l’on sait que l’Etat a maintenant les coudées franches pour commencer la construction de la centrale à charbon ?
 
Du regret que le Sénégal rame à contre-courant des protocoles signés à la Cop. Des investisseurs privés pour 25 ans d’électricité vont détruire nos sols, notre mer, notre flore et rendre malades nos populations. Cette centrale de Bargny est une menace pour l'AIBD, pour la ville verte de Diamnadio pour la pêche et le maraîchage. Sur Mboro, la centrale à charbon prévu va plomber notre horticulture et la pêche à Cayar.
Le charbon avait, jusqu' à présent, le mérite d’être l’énergie fossile la moins chère mais reste la source d’énergie la plus polluante. Des études récentes ont démontré que la seule place du charbon, c’est sous terre. 

 Propos recueillis par Serigne Saliou Guèye


 

Nouveau commentaire :

POLITIQUE | ECONOMIE | SOCIETE | CULTURE | SPORT | INTERNATIONAL | PEOPLE | TV & RADIO | TRIBUNE LIBRE | CONFIDENTIEL | COUP DE COEUR | COUP DE GUEULE | PORTRAIT | LETTRE DU JOUR | VU SUR FACEBOOK | FAITS DIVERS | INSOLITE | ILS ONT OSE LE DIRE | MEDIAS | EDITORIAL | COMMUNIQUE | NECROLOGIE | PUBLIREPORTAGE | NTIC | SANTE | JUSTICE | DIPLOMATIE | DIPLOMATIE | GUEST EDITORIALISTE | ENVIRONNEMENT | INSTITUTIONS | RELIGION | EDUCATION | AGRICULTURE | PAROLE DE CAMPAGNE | Antivirus, la chronique d'Abdoulaye Der | COVID-19 | KEEMTAAN GI | Echos des Locales 2022