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Moustapha Diakhaté : «Il est temps que le Président siffle la fin de la récréation»

POLITIQUE
Lundi 8 Mai 2017

Le président du groupe parlementaire de Bennoo Bokk Yaakaar s’est prononcé sur le limogeage du ministre de l’Energie, Thierno Alassane Sall, son différend avec Aliou Sall, les problèmes d’indiscipline qui minent l’Alliance pour la République (APR), sa volonté de ne plus retourner à l’Assemblée nationale et sur l’opposition sénégalaise.


Moustapha Diakhaté : «Il est temps que le Président siffle la fin de la récréation»
Moustapha Diakhaté : «Il est temps que le Président siffle la fin de la récréation»
Lessentiel : Le président de la République s’est séparé brutalement de son ministre de l’Energie Thierno Alassane Sall. Quelle lecture en faites-vous ?

Moustapha Diakhaté : Depuis quelque temps, il y a beaucoup de bruits au sein de l’APR, et ces bruits ne vont pas dans le sens de l’intérêt du pays. Concernant le limogeage de Thierno Alassane Sall, je dirai que ce dernier a littéralement tort. Ce n’est pas lui qui définit la politique de la Nation mais le président de la République, qui, en vertu de la Constitution, a cette prérogative. Le gouvernement est chargé de son exécution. Quand un ministre de la  République ne partage pas l’option de ses chefs, le Premier ministre et le président de la  République, il doit rendre le tablier. Je trouve qu’il est bon voire intelligent de diversifier ses partenaires dans l’exploration et l’exploitation du pétrole et du gaz.

Il serait hasardeux et même dangereux de mettre tous les œufs de l’exploration et l’exploitation du pétrole et du gaz dans le seul panier de Kosmos Energy. Par conséquent, l’option de diversification du président est bonne et pertinente. Et le choix porté sur Total est, aussi, pertinent. Ce groupe français fait partie des cinq majors mondiaux dans l’exploration et l’exploitation du gaz et du pétrole. Et pourtant la France ne produit pas un seul millilitre de ces ressources-là. Total a acquis une expérience incommensurable dans le domaine l’exploration et l’exploitation du gaz et du pétrole. Total est présent partout où il y a du gaz et du pétrole.

C’est un partenaire stratégique et, en sus, il y a 6000 Sénégalais actionnaires de Total. L’autre élément qui me semble important et que Thierno a perdu de vue, c’est que les gens qui ont détruit l’Irak, la Libye, et aujourd’hui la Syrie en armant des djihadistes et cela dans la perspective du contrôle du marché du pétrole, peuvent en faire autant pour anéantir le Sénégal. Ils peuvent armer des pays voisins pour détruire le Sénégal. Avec le gaz et le pétrole, le Sénégal a changé de statut.

Et compte tenu de notre position géographique, notre proximité avec le marché européen et le marché américain nord et sud, l’exploitation du pétrole et du gaz va permettre au Sénégal d’avoir une avance sur la concurrence. Et je suis persuadé que les firmes qui risquent de perdre des parts de marché du pétrole et gaz sénégalais peuvent provoquer des conflits qui, à terme, nous empêcheront de jouir de cette manne. Or ce qui est clair, c’est que la France est la 5e puissance mondiale. C’est la première puissance militaire en Europe, membre permanent du Conseil de sécurité, et je suis persuadé que partout où il y a des intérêts français, la France y veillera. Et n’eût-été la présence de la France au Sénégal, il y aurait, aujourd’hui, la pénétration des djihadistes maliens dans notre pays.

Par conséquent, d’un point de vue stratégique, historique, de la sécurité et de la défense du Sénégal, je crois très honnêtement que nos autorités ne se sont pas trompées en jetant aussi leur dévolu sur la France pour l’exploitation pétro-gazière. La preuve, quand il y a des incendies d’une certaine ampleur, c’est l’armée française basée à Dakar qui vient appuyer nos sapeurs-pompiers. Je me demande comment Alassane Thierno Sall n’a pas su comprendre les avantages que le Sénégal, dans un cadre partenarial, tire en concédant à Total des blocs off-shore profonds.

Maintenant le paradoxe, c’est que le désormais ex-ministre de l’Energie a signé le pré-contrat avec Total pour l’exploitation pétro-gazière. Il aurait dû refuser la signature de ce pré-contrat et cela entrerait en droite ligne avec sa position  actuelle. Mais le signer auparavant en France et refuser de le finaliser à Dakar au point d’humilier celui qui lui a donné ces prérogatives, je veux parler du président de la République, me semble être une attitude incohérente, incorrecte et irrationnelle. Il ne sert à rien d’entretenir des rapports tendus avec le chef de l’exécutif. Quand on n’est pas d’accord avec sa politique, on est libre de tirer sa révérence.

S’il y a indiscipline au sein de l’Etat, il y en a aussi au sein de l’Alliance pour la République (APR), votre parti. Déjà à Thiès, les partisans de Ciré Dia veulent démettre Thierno Alassane de son poste de coordonnateur du parti à Thiès et introniser leur leader.

Les partisans de Ciré Dia vont vite en besogne. Ce n’est pas parce que Thierno est démis de ses fonctions de ministre qu’il doit nécessairement en être de même pour son poste de coordonnateur des activités du parti à Thiès. Thierno était à Thiès avant que Macky Sall n’arrive au pouvoir. N’oublions pas qu’au lendemain des Locales, quand il a été limogé, il avait continué à gérer les activités politiques du parti.

Si telle est la volonté de Thierno et si telle est aussi celle du Président, rien ne s’oppose à ce qu’il continue d’exercer ses responsabilités politiques dans la capitale du rail. C’est le président qui lui a donné ces responsabilités-là au niveau de Thiès et non les Thiessois ; donc c’est insensé que les partisans de Ciré Dia s’agitent stérilement pour désigner celui qui doit être le patron de l’APR local. Ces agitations intestines prématurées nous affaiblissent plus qu’elles ne nous renforcent.

A chacune de ses sorties, le président Sall appelle à l’unité. Mais il semble être inaudible. A quoi est due cette surdité des militants apéristes ?

Cette surdité est due au simple fait que chacun fait ce qu’il veut sans risque d’être sanctionné. Les fautes de certains sont là établies mais elles ne sont suivies d’aucun acte punitif. Dans le parti, les gens peuvent faire ce qu’ils veulent sans courir le risque d’une sanction disciplinaire. Maintenant ce qui se passe au sein de l’APR n’est pas une nouveauté pour un parti au pouvoir à la veille d’élections. Depuis Carpot et Blaise Diagne, il y a des luttes de positionnement, de place ou d’ambitions personnelles.

Ce qui me désole, compte tenu des enjeux et des défis que le Sénégal doit relever et compte tenu de son nouveau statut en tant futur pays producteur de gaz et de pétrole, l’APR devrait plutôt songer à affiner une stratégie électorale qui permette au président de la République de disposer d’une forte majorité parlementaire aux prochaines législatives afin de pouvoir sécuriser davantage nos ressources au lieu de se crêper le chignon inutilement. Il est temps de siffler la fin de la récréation parce que trop, c’est trop.

Revenons sur ce qui vous oppose à Aliou Sall et aux tirs nourris de Yakham Mbaye sur vous !

Pour ce qui concerne Yakham, en privé comme en public, je n’en parlerai pas. Pour la mémoire de son père que j’ai connu avant que lui, Yakham, ne vienne au monde, je ne m’autoriserai jamais de polémiquer avec ce dernier. Mais, je précise qu’il s’est lourdement trompé de cible. Quant à Aliou Sall, c’est son frère de président qui l’a appelé himself au palais pour lui demander de retirer son investiture. En faisant cela, le président n’a consulté personne. Il n’y a associé personne.

Que ce soit Aliou Sall ou un autre dans le parti, c’est faire preuve de malhonnêteté, de lâcheté, de cynisme que d’imputer ces faits à toute autre personne autre que le président du parti. Je souhaite que le Président lave notre honneur. Nous sommes ses compagnons de lutte et il nous a associés à l’exercice du pouvoir et à chaque fois qu’il est attaqué, nous nous sommes mobilisés et nous avons riposté. Je pense très honnêtement qu’il est de son devoir de laver notre honneur en déclarant que la décision de retirer Aliou Sall des listes pour les législatives n’émane que de lui et de lui seul. Et que nous, nous n’y étions pour rien.

Moi, je ne peux accepter d’être la victime d’une situation que je n’ai pas créée et entretenue. Ce qui s’est passé relève de l’autorité stricte du président Macky Sall. Il doit le faire savoir à son frère, au parti et au pays parce que lorsque notre honneur est entaché lorsqu’Aliou Sall nous qualifie de faucons tapis au palais, de comploteurs de laboratoire. En associant ces notions de comploteurs de laboratoire, de faucons au palais, Aliou Sall a insulté la République et c’est inacceptable. Je lance un appel au président du parti pour qu’il prenne ses dispositions pour que les torts que son frère m’a fait subir soient réparés.

Si c’est lui qui en était victime d’une personne, on m’aurait entendu. En tout cas, j’espère qu’il prendra ses responsabilités pour qu’il y ait réparation des torts que nous avons subis. C’est une situation qui me fait souffrir et je ne veux pas demain que l’on me qualifie de comploteur contre le frère du président de la République. Je ne pense pas mériter cette vile caractérisation, vu le combat loyal que j’ai toujours mené aux côtés du président de la République.

Vous maintenez votre décision de ne plus briguer un second mandat parlementaire !

Honnêtement, quand j’avais accepté d’être tête de liste à Dakar, je ne m’étais pas donné plus  de deux ans. Parce que le travail de président de groupe ne sied pas à ma conception de la chose politique. Un président de groupe est obligé d’être au front et de se battre alors que je suis plutôt pour la médiation, la conciliation, le rapprochement des positions divergentes. Malgré tout, j’avais accepté mais très tôt, j’avais rendu ma démission à laquelle le président avait opposé une fin de non-recevoir à l’époque et j’ai continué à l’accompagner jusqu’à la fin de mon mandat.

Pour ce qui me concerne personnellement, je ne souhaite plus avoir un mandat électif encore moins une fonction nominative. Maintenant pour le compagnonnage politique, cela ne pose aucun problème. Je serai à ses côtés jusqu’à sa réélection en 2019. Au-delà de ma décision, je crois qu’il faille aller vers la limitation des mandats des députés à deux ou trois pour permettre une oxygénation de la démocratie parlementaire, pour permettre un changement de méthodes et de visages au niveau de l’Assemblée nationale. C’est une position de principe chez moi qu’on ne doit pas séjourner éternellement au sein de l’institution parlementaire.

Un mot sur l’opposition qui commence à s’unir…

Depuis cinq ans, cette opposition, au lieu de travailler sur un projet politique alternatif, au lieu de travailler à avoir un cap et un capitaine, se spécialise plutôt aux dénigrements et à la haine contre le président Macky Sall. Le Sénégal ne mérite pas cela. Dans une démocratie, il y a, au moins, deux choses qu’il faut réunir : une opposition forte et crédible et une presse libre et responsable.

Malheureusement nos oppositions, parce qu’elles sont divisées, ne proposent rien et, indubitablement, elles ne peuvent pas empêcher à la coalition Bennoo Bokk Yaakaar de triompher aux prochaines législatives. L’opposition de l’APR, c’est l’APR elle-même. Les querelles, les luttes de positionnement, l’indiscipline, l’absence d’organisation, le désordre, la chienlit dans le parti moteur de la coalition nous fragilisent. Mais si nous réglons dos différends, renforçons la solidarité militante et harmonisons nos positions, nous vaincrons aux prochaines échéances électorales et préparer le triomphe de la présidentielle de 2019.

L’opposition semble trouver son capitaine en la personne de l’ancien président Abdoulaye Wade…

Je souffre de voir quelqu’un qui a été à la tête du pays revenir se bousculer pour une tête de liste aux législatives. Cela prouve que le vaisseau de l’opposition n’a ni capitaine pour le conduire ni un cap vers lequel se diriger. Mais, c’est plus grave pour le PDS parce que si  Wade sent la nécessité de revenir pour diriger le parti, cela veut dire que les libéraux sopistes sont incapables et on ne peut confier le pays ou envoyer à l’institution parlementaire des incapables.

Propos recueillis par Serigne Saliou Guèye

 

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