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Ofnac: Désillusion dans la croisade contre les corrompus

COUP DE GUEULE
Mardi 2 Janvier 2018

Sa création, selon beaucoup d’experts, avait permis au Sénégal d’améliorer son score dans le classement des pays à l’indice de perception de la corruption. Depuis quelque temps, la montagne d’espérances semble se dissiper. L’Ofnac, jour après jour, perd de son lustre.

 

L’espoir était si grand. Mais il semble avoir laissé place à une grosse déception. Attendue sur les nombreux dossiers laissés sur sa table par son prédécesseur Nafi Ngom Keïta, Seynabou Ndiaye Diakhaté, Présidente de l’Ofnac (Office national de lutte contre la fraude et la corruption) a surpris son monde, mercredi dernier, en rendant public un rapport sur le coût et la perception de la corruption. ‘’Il faut retenir que nous attendions de la présidente de l’Ofnac qu’elle pose des actes concrets dans le cadre de la lutte contre ce fléau qui est en train de déchirer notre tissu économique. Ce, d’autant plus que des faits graves de corruption portant sur des milliards de francs Cfa ont déjà été évoqués par l’ancienne équipe. Des études, il y en a en pagaille.

Et jusqu’à présent, on ne voit pas les résultats des actes de poursuite. Nous tous savons le degré de corruption dans ce pays. Leur rapport ne nous apprend rien du tout. Là où on les attend, c’est plutôt au niveau de la sanction. Voilà pourquoi l’Ofnac a été créé. Pas pour reproduire des travaux qui ont déjà été effectués’’, déclare Pape Sané, Directeur de la rédaction du journal ‘’Dakartimes’’, spécialiste des grandes enquêtes.

En effet, l’article 12 de la loi n°2012-30 du 28 décembre 2012 portant sa création dispose que ‘’l’Ofnac se saisit d’office de tout fait de fraude, de corruption et de pratiques assimilées dont il a connaissance’’. En application de cette disposition, l’autorité administrative indépendante devrait-elle prendre ses responsabilités en entrant en croisade contre policiers et gendarmes que son institution place au banc des accusés ? En tout cas, pour certains observateurs comme Birahim Seck du Forum civil, Mme Diakhaté et Cie ‘’sont simplement passés à côté de l’essentiel’’.

L’essentiel, si l’on en croit le journaliste de ‘’Dakartimes’’, c’était de finaliser le travail déjà initié par l’ex-présidente. C'est-à-dire, explique-t-il, d’abord la publication du rapport 2016, ensuite la poursuite du dossier Petrotim. A ce propos, révèle le journaliste, ‘’avant de partir, Nafi Ngom avait préparé une mission qui devait se rendre aux Etats-Unis pour des investigations. Mais cette mission a été annulée. Et l’affaire Petrotim est encore au point mort. C’est sur ces questions que l’actuelle présidente est attendue’’.

‘’L’Ofnac ferait mieux de s’occuper des bandits à cols blancs’’

Ainsi, si autrefois la publication de rapports par un corps de contrôle était une bonne occasion pour ses membres d’être présentés en ‘’héros’’, cette fois, les effets de la présentation ont été très mitigés. Le premier rapport (à ne pas confondre avec le rapport d’activité) publié sous Seynabou Ndiaye Diakhaté a du mal à convaincre. Mais l’ancienne doyenne des juges semble bien avoir réussi quelque chose. Augmenter la tension sur la route entre usagers et agents de la circulation. C’est du moins l’avis de certains taximen. Interpellé sur le rapport, Baye Modou Diouf, teint noir, vêtu d’un boubou traditionnel gris, prend la défense des hommes en tenue. ‘’Ceux qui les blâment ne savent pas les réalités de la route. Il faut que les gens comprennent que les policiers et nous sommes appelés à vivre ensemble. Si les policiers n’étaient pas compréhensifs ou tolérants, nous serions tous au chômage. Nos véhicules ne sont pas aux normes. Et nous ne pouvons pas nous payer de nouveaux. Parfois aussi, en pleine chaussée, on est appelé par un client. On le prend, alors même que, dans certains cas, le code nous l’interdit. Les policiers nous pardonnent beaucoup de choses. Et connaissant leurs conditions difficiles de travail, nous aussi faisons des gestes. Ce n’est pas de la corruption’’, se défend-il, convaincu.

Pendant que M. Diouf fait son plaidoyer, les agents, eux, ne semblent guère se soucier des états d’âme, ce vendredi. Surtout après ce rapport qui les accable. Sur cette intersection très fréquentée par les automobilistes, l’agent en faction ne tolère aucun manquement au code de la route. Sifflet à la bouche, il arrête sans ménagement les récalcitrants. L’homme impose le respect par son uniforme, mais aussi par sa forte corpulence et sa grande taille. Tantôt il gesticule en direction d’un chauffeur pour le mettre en garde, tantôt il siffle pour stopper un véhicule, s’approcher du chauffeur et le verbaliser. L’air furieux, ce flic semble intraitable. Son fort caractère ne laisse aucune chance au marchandage. El Hadj M. Sow en a fait les frais. ‘’Il m’a pris mon permis. C’est pour transport irrégulier de passagers. Là, je vais devoir payer 12 000 F Cfa, soit 4 x 3 000 F. Ma journée est vraiment foutue. En plus, je dois attendre son heure de descente pour pouvoir récupérer mes papiers’’, se lamente-t-il.

On est proche de midi. Mais un climat doux et frais continue de balayer les abords de ce garage célèbre. Pour El H. M Sow, l’Ofnac ferait mieux d’aller s’occuper des bandits à cols blancs installés dans les bureaux et qui se jouent de ‘’nos deniers publics’’. ‘’C’est eux qui détournent des milliards sans aucune suite’’, peste-t-il, amer.

Outre les dégâts collatéraux soulevés par les transporteurs, le rapport a aussi suscité beaucoup de rancœur. Ce commandant ne mâche pas ses mots. Il est très courroucé envers les commanditaires du document. Il dénonce : ‘’Quand je l’ai entendu, cela m’a fait beaucoup mal. Il est archi faux de dire que la police et la gendarmerie sont les corps les plus corrompus de ce pays. Et puis, il est très facile de faire ces jugements. Mais ils devraient au moins dire sur quels critères ils se sont basés pour établir leur rapport. Ont-ils fait des études sérieuses de comparaison entre tous les services publics de ce pays ? J’en doute.’’

Ainsi, après le ministre de l’Intérieur, c’est tout un corps qui s’indigne d’être jeté en pâture. Injustement, estiment-ils. L’Ofnac se met ainsi à dos gendarmes et policiers. Nous sommes loin de ses débuts. Quand société civile, journalistes et leaders d’opinion se félicitaient de sa mise en place. Au grand bonheur du président de la République qui n’hésitait pas à l’évoquer pour témoigner de sa volonté de promouvoir la gouvernance vertueuse. ‘’La Crei (Cour de répression de l’enrichissement illicite), disait-il lors d’une rencontre de sa formation politique, c’est pour les autres. L’Ofnac, c’est pour nous (les actuels gouvernants)’’.

Aucun rapport d’activité, depuis le départ de Nafi Ngom Keïta

Si, pour la Crei, le doute n’est pas permis, pour l’Ofnac, l’opinion reste perplexe. Malgré les nombreux soupçons de scandale, de corruption, aucune procédure n’est ouverte contre les présumés responsables de premier plan du régime actuel épinglés. Bien au contraire. L’opinion n’a d’ailleurs pas manqué de lier le limogeage de l’ancienne présidente à une volonté de protéger certains dignitaires du régime. C’était le 25 juillet 2016. Sans ménagement. L’inspectrice générale d’Etat a été dégommée et remplacée par la magistrate. Un limogeage que d’aucuns n’ont pas manqué de juger ‘’illégal et antirépublicain’’. Il faisait suite à la publication d’un rapport qui avait sorti les tenants du régime de leurs gonds. Même le directeur de cabinet du chef de l’Etat avait fait une sortie au vitriol pour s’en prendre vertement à l’ex-patronne de l’Ofnac.

Arrive alors la juge, ancienne substitut du procureur à Dakar, ancienne procureure de la République à Thiès, ancienne doyenne des juges et détachée à la Cour de justice de l’Uemoa en 2007. D’abord avocate générale, elle deviendra, par la suite, la première avocate générale de la juridiction communautaire. Ainsi, sur le plan des compétences, aucune controverse n’a été enregistrée. La bonne dame a toutes les qualités requises pour diriger la structure. Mais est-elle prête à défier la puissance publique juste pour la sauvegarde des principes ?

Lors de ses toutes premières sorties en décembre 2016, elle disait : ‘’Je pense que certains confondent l’Ofnac à un justicier, à un mini-parquet, alors qu’il n’en est rien. Selon les textes, nous sommes chargés de collecter des informations, de recevoir des plaintes, de faire des investigations dans les domaines de la fraude, de la corruption et des infractions connexes et assimilées’’. Elle renseignait, par la même occasion, que depuis sa nomination, elle avait reçu plus d’une dizaine de plaintes. Et qu’elle était en train de les étudier avec ses agents.

C’était juste après quelques mois de fonction. 2016 est passée. Nous sommes au crépuscule de l’année 2017, et le peuple ignore presque tout des récriminations portées sur la table de l’institution. Autrement dit, il n’y a toujours pas de rapport d’activité. En lieu et place, c’est une étude truffée de généralités qui a été servie au peuple. Mais, apparemment, le plat n’était pas du goût d’une bonne partie de l’opinion qui demande encore la publication du rapport d’activité 2015-2016.

En sus de celui-ci, on risque de se retrouver dans la situation inédite d’avoir deux ans de retard, avec le rapport 2016-2017 qui doit venir en 2018. Ce qui est un manquement de l’Ofnac à ses obligations légales.

L’Ofnac face à ses obligations légales

En effet, l’article 17 de la loi portant création de l’Ofnac indique bien que l’autorité doit présenter ‘’chaque année un rapport d’activité qui comporte notamment les propositions de mesures tenant à prévenir les actes de fraude ou de corruption. Ce rapport est remis au président et rendu public par tous moyens appropriés’’.

Afin que nul n’en ignore, l’ancienne présidente avait opté de passer par voie de presse pour vulgariser son travail. Quant à l’actuelle, elle a montré, dès le départ, qu’elle comptait se démarquer de la méthode ancienne. Ses sorties sont ainsi devenues rares et ternes. Elles ne suscitaient pas grand engouement, jusqu’à sa dernière sortie qui a soulevé le tollé.

Ironie de l’histoire, quand Nafi Ngom s’en prenait à quelques dignitaires du régime accusés d’actes illégaux, la société civile applaudissait, les gouvernants, en particulier le cabinet du président, montaient sur leurs grands chevaux. En revanche, quand Seynabou Ndiaye ‘’épingle’’ la gendarmerie et la police, la société civile méprise. Du côté du cabinet présidentiel, c’est silence radio. A ce jour, seul le ministre de l’Intérieur a fait une sortie pour remettre en cause la fiabilité de l’étude.

Dans sa réponse à ses détracteurs, la présidente fait cette mise au point : ‘’Sans doute existe-t-il un réseau de renseignements qui distille des informations inexactes sur les dossiers soumis à l’Ofnac et sur la suite qui leur est donnée. A l’Ofnac, nous travaillons avec sérénité, c'est-à-dire sans passion, ni pression, en respectant l’obligation de réserve inhérente à nos charges’’.

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