
À l’approche de la Tabaski, le ministère du Commerce a pris une mesure exceptionnelle : la suspension temporaire des ventes d’oignons et de pommes de terre par les grandes exploitations agricoles, du 22 mai au 15 juin 2025. Une décision motivée par la volonté de soutenir les petits producteurs, en difficulté sur un marché saturé.
Dans une circulaire adressée aux opérateurs économiques, le Directeur général des marchés intérieurs a souligné la nécessité de désengorger l’offre et de permettre aux exploitants les plus vulnérables – souvent dépourvus de moyens de stockage ou de logistique – de vendre leurs produits à des prix décents. Car l’abondance actuelle, amplifiée par les volumes des grandes structures agricoles, a entraîné une chute brutale des prix à la production, menaçant la survie même des exploitants familiaux.
Des « cimetières » d’oignons et de pommes de terre
Dans plusieurs zones agricoles comme les Niayes, Fass Boye, Loumpoul, le littoral, le Gandiol ou la vallée, les producteurs sont en détresse. Faute de débouchés, de nombreux stocks sont jetés ou abandonnés, donnant naissance à ce que certains appellent déjà des « cimetières d’oignons et de pommes de terre ».
Une image choc qui reflète l’absurdité d’une situation où, paradoxalement, on atteint l’autosuffisance en production mais pas en organisation. La question du déficit de stockage revient en force. Comment peut-on parler de souveraineté alimentaire ou d’agro-business sans infrastructures de conservation ?
Malgré les promesses, aucune réponse structurelle n’a été apportée. Déjà en 2023, sous l’ère Aly Ngouille Ndiaye, la même problématique avait été soulevée : « Le Sénégal a atteint l’autosuffisance en oignons, mais il est confronté à des problèmes de stockage et de transformation. »
Où est le ministre de l’Agriculture ?
Aujourd’hui encore, le ministère de l’Agriculture peine à répondre. Le ministre Mabouba Diagne, souvent surnommé « le ministre des réseaux » pour sa forte présence en ligne, est attendu sur ce terrain concret : celui de l’écoulement et de la préservation des récoltes. Peut-on vraiment parler d’agro-business sans résoudre l’équation basique du stockage ?
Des centaines de jeunes agriculteurs, endettés auprès des banques, se retrouvent pris à la gorge. Sans rentrées, sous la pression du remboursement, ils sombrent dans le désarroi. L’État semble avoir mis la charrue avant les bœufs : l’ambition agricole est là, mais les moyens logistiques font cruellement défaut. Si aucune mesure rapide n’est prise, cette crise risque de se transformer en désastre économique et social pour les producteurs à la base.