Sa visite, menée hors lumière et sans fanfare, n’avait rien d’une apparition officielle. Il s’est présenté comme simple citoyen muni d’un permis de communiquer délivré par l’autorité judiciaire, respectant à la lettre la partition judiciaire en vigueur. Mais dans les travées feutrées de Rebeuss, ce geste, aussi discret soit-il, résonne fort. Certains y entendent une note de compassion, d'autres une tentative d’influencer la justice ou de valider le refrain de l’outrance.
Cette dissonance entre les deux têtes de l’exécutif est d’autant plus audible que le président, dans une déclaration récente, avait annoncé des mesures fermes contre les “insulteurs publics”. Or, c’est précisément pour ce type de propos que les deux militants ont été placés sous mandat de dépôt et seront jugés ce jeudi. Le Premier ministre, en endossant silencieusement leur cause, joue-t-il en solo ou en contrepoint de la ligne présidentielle ?
Dans un autre registre, la prestation du chef de l’État à Abidjan s’apparente à une tentative de réécriture harmonique. En acceptant l’invitation de Jeune Afrique et en répondant aux questions de Marwane Ben Yahmed, Diomaye Faye choisit d’improviser un dialogue, là où certains attendaient un boycott. Un acte d’indépendance ou un changement de tonalité stratégique ? D’autant que le ministère de la Communication avait, quelques semaines plus tôt, accusé le magazine de “campagne diffamatoire”, et annoncé des poursuites par voie de mise en demeure.
Ce concerto en deux mouvements révèle un tandem dont les instruments peinent encore à s’accorder. À défaut d’harmonie, l’exécutif joue pour l’instant en polyphonie incertaine. Pourtant, face aux urgences sociales, économiques et judiciaires du pays, nombreux sont ceux qui appellent à une direction unifiée, une cadence claire, une ligne mélodique partagée.
Car si le peuple a applaudi le duo Diomaye-Sonko pour son engagement à changer de refrain, il attend désormais que leur gouvernance s’exécute à l’unisson — et non en duel de tonalités.
POIN ACTU