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Que sais-je du ministère de l’Economie Solidaire et de la Microfinance ?

TRIBUNE LIBRE
Mardi 12 Septembre 2017

Que sais-je du ministère de l’Economie Solidaire et de la Microfinance ?
Le Sénégal vient de se doter, sous l’ère Boune II, d’un ministère dénommé « Ministère de l’économie solidaire et de la microfinance » jusqu’ici, peut être méconnu, parmi les types de départements ministériels. 

Voici un ministère, au-delà de son importance, certes compris par le Président qui l’a créé, mais qui souffre d’un problème réel de nomenclature et éventuellement qui pourrait être amputé de tout son sens en tant que réponse à un développement harmonieux, équitable et profitable aux couches les plus diminues voire exclues de la société. 

Il s’appelait « Ministère de l’Economie Sociale et Solidaire » j’applaudirais des deux mains car je serais satisfait du niveau de discernement dont Macky ferait montre dans sa création. 
Malheureusement, tel n’étant pas le cas, les objectifs ainsi que la vocation d’un secteur aussi porteur d’emplois qu’est l’Economie Sociale et Solidaire me semblent déjà à l’aune d’un échec prévisible et sans précédent si quelqu’un de ma trempe, loin d’être prétentieux mais plutôt ambitieux, ne se ferait pas le devoir moral et patriotique d’apporter la lumière, par cette note, sur l’incompréhension manifeste dont font montre Macky et son PM, depuis le nom qu’ils ont sciemment ou ignoramment donné avec confusion à ce ministère. 
Laquelle incompréhension constitue, en amont, un biais fondamental susceptible de faire capoter l’espoir que devrait susciter ce ministère auprès de la population. 

En effet, en ma qualité de professeur de cette intéressante discipline que j’enseigne à l’ENEA, il y a déjà cinq, je suis une voix autorisée à ne pas me taire sur un certain amalgame conceptuel. 
Avant qu’il ne soit question de l’Economie Solidaire, c’était l’Economie Sociale d’abord, ensuite cette Economie Solidaire et enfin la fusion des deux qui a pu donner aujourd’hui l’existence d’un secteur non négligeable notamment l’Economie Sociale et Solidaire (ESS) dans le développement de tout pays aspirant aux mieux êtres de ses populations.
Mais c’est quoi l’Economie Sociale, c’est quoi l’Economie Solidaire et pourquoi parle-t-on de ces types d’économie par opposition à l’économie classique. 

Alors il convient de savoir que tous les deux concepts sont issus de contextes particuliers comme des réponses face à la montée d’une certaine inégalité sociale, du chômage des jeunes, des problèmes de logement, d’hygiène, de la délinquance et de l’alcoolisme dont la source reste incontestablement l’énormité des conséquences de la propriété privée, l’une des caractéristiques du capitalisme à l’ère de la révolution industrielle. 
Ainsi la genèse de cette première forme d’économie, l’Economie Sociale en question, vient du sentiment de rupture, de ce besoin de donner un sens aux changements en cours et de la recherche d’un nouveau fondement de l’ordre social et politique dont les précurseurs à l’image de Saint-Simon, Robert Owen, Charles Fourier, Jean Joseph Proudhon, Karl Marx… ont été réellement imbus. 

Cet ordre social et politique caractérisé par la recherche effréné du profit, qu’il conviendrait de changer, ne saurait se réaliser qu’à travers un nombre important de structures à caractère social dont l’objectif principal ne pourrait être autre que la construction du lien social de proximité à travers l’utilité sociale qui s’oppose foncièrement à l’utilité économique au sens du profit. 
Il s’agit d’organisations qui ne sont ni publiques, ni privées à but lucratif. Ce sont des groupements de personnes et non de capitaux, comme les entreprises « classiques » comme la (SARL, SA…) s’associant dans un but autre que de réaliser un profit. 

Néanmoins ces structures, au nombre de quatre constituant l’Economie Sociale que sont les Coopératives, les Associations, les Mutuelles et les Fondations, ont le droit de dégager un « bénéfice », mais si et seulement si l’affectation de cet excédent soit limité à la constitution de réserves afin d’être réinvesti. 

C’est ce pan dont l’actuel ministère de l’Economie Solidaire est volontairement amputé, je le suppose, car il s’en était doté, aujourd’hui, toutes ces structures susmentionnées notamment les fondations y compris celle de la première Dame, seraient sous la tutelle technique et administrative dudit ministère. 
Vous comprendriez alors l’enjeu politique et le conflit d’intérêt qui se signaleraient si ce ministère était pleinement créé sous ce vocable comme la France l’avait fait en 2003 en créant son Ministère d’Economie Sociale et Solidaire pour faire face au chômage accru des jeunes qui prévalait dans ce pays. 

Quant à l’Economie Solidaire dont le nouveau ministère d’Aminata Angélique Manga porte le nom, elle est née du contexte de la crise des années 70 avec le choc pétrolier et la fin des trente glorieuses. 
Cette forme d’économie est une réaction à l’ultra libéralisme, à l’individualisme croissant de la société et à la perte de sens de nombreuses activités économiques. C’est ainsi elle s’était traduite en un ensemble assez vaste d’initiatives économiques venant de citoyens qui souhaitent répondre à des besoins pour lesquels ni le marché ni l’Etat ne semblent qualifiés. 
Il s’agit d’actions collectives, d’initiative citoyenne, visant à instaurer de nouvelles régulations à plusieurs échelles, du local (régies de quartier, garderies d’enfants…) à l’international (commerce équitable, microcrédits dans les pays du Sud). 

D’où l’importance de signaler la redondance dans le nom de ce ministère. Car déjà la microfinance fait partie de l’économie solidaire en tant qu’outil d’aide à l’accès au crédit des populations n’ayant pas la possibilité de contracter avec les banques classiques pour financer leurs activités économiques. L'objectif de cette économie solidaire est de mettre l’activité économique au service d’une finalité solidaire comme l’économie sociale vise à travers l’utilité sociale la construction du lien social de proximité. 
Parmi ces initiatives, l’on peut citer :
- L’insertion par l’activité économique (IAE) qui permet aux personnes les plus éloignées de l’emploi, en raison de difficultés sociales et professionnelles particulières (âge, état de santé, précarité) de bénéficier d’un accompagnement renforcé qui doit faciliter leur insertion professionnelle.

- Le Commerce Equitable qui est un partenariat commercial, fondé sur le dialogue, la transparence et le respect, dont l’objectif est de parvenir à une plus grande équité dans le commerce mondial. Il contribue au développement durable en offrant de meilleures conditions commerciales et en garantissant les droits des producteurs et des travailleurs marginalisés, tout particulièrement au Sud.
- Le microcrédit qui consiste en l'attribution de prêts de faible montant à des acteurs tels que les paysans, les pêcheurs, les ouvriers, les jeunes entrepreneurs, les artisans….. qui ne peuvent pas accéder aux prêts bancaires classiques. Le but visé par l’économie solidaire par le crédit, est de permettre la concrétisation de microprojets, de favoriser l'activité et la création de richesses.

Bref, c’est parce que ces deux types économies partagent le même champ d’action, le social-solidaire, que les acteurs se sont résolus, depuis 2000, à fusionner ces deux secteurs clés pour en faire une seule et indivisible : l’Economie Sociale et Solidaire pour mieux toucher à grande échelle les populations. 
Voilà entre autres raisons qui devraient décider les autorités à revoir les missions et les éventuelles orientations stratégiques de ce ministère mal libellé au risque de passer totalement à côté de l’essentiel alors que ce ministère est d’une importance capitale face aux problèmes sociaux auxquels l’Etat tente toujours de répondre par la bourse sociale et aux difficultés d’insertion des jeunes diplômés et demandeurs d’emploi auxquelles les efforts consentis jusqu’ici peinent à convaincre. 

Dr. Souleymane LO

 

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