Invité de l’émission En Vérité sur Radio Sénégal, le fondateur de l’Afrikajom Center et figure emblématique de la société civile sénégalaise, Alioune Tine, a livré une analyse percutante sur les menaces qui pèsent, selon lui, sur les libertés publiques au Sénégal. Il s’est notamment opposé fermement à la proposition du Premier ministre Ousmane Sonko visant à interdire les financements extérieurs des organisations de la société civile.
« Le Premier ministre est dans une logique de parti-État. Il ne peut pas admettre une société civile qui ne marche pas avec lui. Or, une société civile digne de ce nom ne doit faire allégeance à aucun pouvoir. Elle doit alerter lorsque les choses ne vont pas », a-t-il déclaré.
Un plaidoyer pour une société civile indépendante et respectée
Alioune Tine rappelle que la RADDHO, qu’il a dirigée pendant de nombreuses années, a joué un rôle central dans la mise en place du M23 et la dénonciation des abus des régimes précédents, notamment les tentatives de troisième mandat.
Selon lui, les États africains doivent financer leur société civile pour garantir une vraie souveraineté, tout en préservant son indépendance :
« Si l’on prône la souveraineté, il faut financer la société civile. En 2004, c’est l’État du Sénégal qui avait plaidé pour que la RADDHO obtienne le statut d’observateur aux Nations unies. »
Sur le financement extérieur, sa position est sans ambiguïté :
« Je ne suis pas d’accord avec l’interdiction des financements extérieurs. Mais s’ils veulent le faire, qu’ils le fassent. Mon engagement n’est pas motivé par l’argent. »
Il a également souligné que la société civile sénégalaise ne se limite pas à quelques figures médiatiques, mais comprend des milliers d’acteurs de terrain œuvrant dans les zones les plus reculées, souvent sans moyens, pour améliorer le quotidien des populations.
Réguler plutôt que restreindre : des mécanismes déjà en place
Alioune Tine insiste sur le fait que les mécanismes de transparence existent déjà pour encadrer les financements :
« Lorsqu’on demande un financement, il faut soumettre un dossier, justifier l’utilisation des fonds et produire des rapports. Ce sont les services de l’État qui valident votre existence légale. »
Pour lui, la volonté d’interdire ces financements traduit un malaise politique profond et une tentative de museler les voix indépendantes dans un contexte de tension croissante entre l’exécutif et les contre-pouvoirs.
Au-delà de la question du financement, Alioune Tine a également plaidé pour la suppression du délit d’offense au chef de l’État, qu’il qualifie de « crime de lèse-majesté hérité des monarchies », incompatible avec une démocratie moderne. Il recommande de remplacer les peines de prison par des amendes et dénonce les abus liés à cette disposition, qu’il considère comme un instrument d’intimidation contre les voix critiques.
« Notre combat est humaniste. Il faut préserver la dignité humaine. L’État ne doit pas humilier ses citoyens », a-t-il martelé.
Face à la montée des discours violents, notamment sur les réseaux sociaux, Alioune Tine appelle à une réaction collective, fondée sur l’éducation civique, le professionnalisme des médias et un sens aigu des responsabilités chez les dirigeants. Il conclut :
« La liberté d’expression doit s’exercer avec responsabilité, tant du côté des citoyens que des gouvernants. »