Face au public, la ministre a expliqué que son département n’avait, à ce stade, reçu que 1,8 milliard de F CFA sur les 5 milliards promis. Elle a détaillé un décaissement par tranches :
d’abord 1,2 milliard, puis 600 millions, soit 1,8 milliard au total, bien en deçà de l’enveloppe annoncée.
Mais c’est surtout la manière de présenter ces chiffres, et les justifications avancées, qui suscitent interrogations et critiques.
Une promesse de 5 milliards, une réalité à 1,8 milliard
Maïmouna Dièye a tenté de justifier les lenteurs du processus par les contraintes de trésorerie de l’État :« Lorsque l’arrêté a été publié, nous avons commencé le travail avec méthodologie et expertise. Les lenteurs s’expliquent par l’indisponibilité des fonds. Le montant n’est pas versé d’un seul coup. Nous avons d’abord reçu 1 milliard 200 millions avant de percevoir 600 millions. »En clair, le ministère ne dispose pas de la totalité de la somme annoncée, mais distribue des indemnisations au fur et à mesure des décaissements.
La ministre a même reconnu qu’une partie des montants déjà versés provenait du budget propre de son ministère, ce qui alimente un malaise : comment un fonds spécial, présenté comme une priorité politique et symbolique, en est-il réduit à être financé en partie par des réaffectations internes ?
Des explications qui embrouillent plus qu’elles ne rassurent
Au lieu de clarifier la situation, la communication de Maïmouna Dièye donne le sentiment d’une gestion floue :- On ne sait toujours pas quand les 5 milliards seront intégralement disponibles.
- On ignore la part exacte déjà distribuée aux victimes, par région ou par catégorie.
- L’aveu d’« indisponibilité des fonds » tranche avec le discours politique qui présente ce programme comme un engagement ferme et prioritaire.
Un dossier hautement symbolique qui exige clarté et transparence
L’indemnisation des victimes des violences politiques de 2021–2024 n’est pas un dossier comme les autres.Elle touche des familles endeuillées, des blessés, des jeunes amputés, emprisonnés, ou durablement marqués par les événements, et symbolise la volonté du nouveau pouvoir de rompre avec l’impunité et d’apaiser le climat politique.
Dans ce contexte, la moindre approximation sur les chiffres ou les délais devient explosive.
En admettant publiquement que seuls 1,8 milliard sur 5 ont été mis à disposition, et qu’une partie vient du budget de son ministère, Maïmouna Dièye donne le sentiment d’un État qui promet plus qu’il ne peut tenir dans l’immédiat, ou qui a mal préparé la mise en œuvre d’un engagement aussi sensible.
Un besoin urgent de pédagogie… et de calendrier clair
Pour sortir de cette zone grise, plusieurs questions se posent désormais :- Quand les 5 milliards seront-ils totalement décaissés ?
- Quel est le nombre exact de bénéficiaires déjà indemnisés ?
- Comment sont sélectionnés les dossiers et selon quels critères de priorité ?
- Le gouvernement publiera-t-il un rapport détaillé sur l’utilisation des fonds, par transparence et respect envers les victimes et leurs familles ?
Sur un sujet aussi chargé symboliquement que la réparation des martyrs et victimes des violences politiques, la bataille se joue désormais autant sur le terrain de la comptabilité publique que sur celui de la confiance.
