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Loi de finances initiale 2018 : Quand le ministre Amadou Bâ traficote les chiffres de la masse salariale

ECONOMIE
Mardi 14 Novembre 2017

Loi de finances initiale 2018 : Quand le ministre Amadou Bâ traficote les chiffres de la masse salariale
Depuis 2014, le ministre de l’Economie et des Finances, à chaque émission de la loi de finance, attire l’attention des Sénégalais sur le rythme d’évolution de la masse salariale par rapports à nos recettes fiscales. Et cela dans l’optique de respecter le critère de convergence du Pacte de convergence et de stabilité et de solidarité de l’Uemoa qui maintient le ratio masse salariale sur recettes fiscales sous la barre des 35%.

Rappelons que l’Union économique et monétaire de l’Ouest africain (Uemoa) dont les Etats membres sont le Bénin, le Burkina Faso, la Côte d'Ivoire, la Guinée Bissau, le Mali, le Niger, le Sénégal et le Togo, animée par la volonté d'assurer une meilleure discipline budgétaire en appui à la politique monétaire commune, a édicté, en janvier 2003, un certain nombre de critères de convergence répartis en deux rangs de quatre. Ceux-là permettent de créer les conditions propices à la stabilité des prix et de garantir une croissance forte et durable. Ces normes ont pour but de mesurer le degré de bonne gouvernance et de gestion des finances publiques internes, aux fins d’éviter de perpétuer dans les déficits. 

Pourtant depuis 2013, ce critère de second rang de l’instance monétaire n’est pas respecté par le Sénégal même si les chiffres déclarés classent notre pays parmi l’un des rares huit pays de l’Uemoa qui se conforme à ce critère de convergence.

Faux et usage de faux sur les chiffres de la masse salariale

A la lecture de la Loi de finances initiale (LFI) 2018, il est indiqué que 633 milliards sont prévus pour rémunérer les quelques 130 000 agents de la fonction publique. Ce qui fait un ratio correct de 29,1% par rapport à la norme fixée par l’Uemoa. Mais dans les faits, la masse salariale dépasse largement 633 milliards de francs CFA. En réalité, comme le précise le document de la loi de finances initiale 2018, la rémunération globale de l’Etat est de 960,4 milliards soit 39% des recettes fiscales. Ce qui dépasse de loin le critère de convergence de l’Uemoa fixé à 35%.

Ainsi par une manipulation d’écritures comme l’a souligné le député Cheikh Bamba Dièye, lors de l’émission «Objection» de Sud Fm, le dimanche 12 novembre, le ministre Amadou Bâ est parvenu, avec un jeu d’entourloupe et de louvoiement, à stabiliser la masse salariale aux yeux des Sénégalais et des institutions financières à 29,1% des recettes fiscales.

Son modus operandi consiste à ventiler 10% des dépenses globales de personnel (classée dans la rubrique II,) dans les rubriques III (dépenses de fonctionnement) IV (transferts courants) et V (dépenses d’investissement).

Dans le document de la LFI 2018, il y est mentionné en substance que «l’Etat rémunère d’autres travailleurs à qui il n’est que par des conventions ; ils sont logés au titre III, dépenses de fonctionnement. Ils s’agit des maitres et professeurs contractuels dont la rémunération atteindra 67,3 milliards. La rémunération des agents de la santé et de l’environnement contractuels est aussi classée au titre III du budget de l’Etat».

Concernant les institutions de la République, le titre III intègre la rémunération de ses membres. Ainsi ledit document précise que «le titre III intègre la rémunération des membres des institutions de la République : Assemblée nationale, HCCT, CESE pour un montant de 15,8 milliards. Donc dans le titre III, 98,2 milliards sont destinés pour les rémunérations de ces derniers».

Quant aux titres IV et V, 10,9 et 9,4 milliards y sont affectés pour rémunérer d’autres agents de l’Etat recrutés par circonstance pour l’exécution de certains projets de l’Etat qui nécessaire une main d’œuvre auxiliaire supplémentaire. Il est à noter que les salaires du personnels des agences, des établissements publics et des fonds autonomes, des délégations, des observatoires et autres sont aussi classés au titre IV. Cette masse salariale du secteur parapublic est estimée à 108,8 milliards.

Et le document de la LFI 2018 de conclure que «donc hors du titre II, l’Etat débloquera 227,3 milliards de francs CFA de salaires, émoluments, indemnités et traitements divers. Ce qui porte la rémunération globale de l’Etat à 960,4 milliards soit 39% des recettes fiscales. Ce qui dépasse de loin le critère de convergence de l’Uemoa fixé à 35%. Ainsi moins de 200 000 agents de l’Etat se partagent consomment le 1/3 des recettes fiscales».

Le ministre des finances explique la ventilation d’une partie de la rémunération d’une catégorie des agents de l’Etat au fait que «cette dernière est liée, non pas par des contrats de travail au sens stricts du terme, mais par des conventions (de droit privé) qui sont davantage proches du point de vue de leur substance économique, de contrats de prestations de services. C’est la raison pour laquelle cette rémunération est codifiée budgétairement, non pas au titre II (dépenses de personnel), mais aux titres III dépense de fonctionnement, IV transferts courants et V dépenses d’investissement».

Pourtant la rémunération de tous ces agents entre dans la masse salariale qui se définit comme «un concept technique qui renvoie à l’ensemble des salaires et accessoires versés aux personnels qui sont liés à l’Etat par un contrat de travail en bonne et due forme qu’il s’agisse d’un contrat de droit public (les fonctionnaires) ou de droit privé (les agents non fonctionnaires)». Par conséquent, le salaire, étant une composante importante des dépenses de personnels, tout le personnel ventilé, à des fins manipulatoires, dans les titres III, IV, V du budget, devait se retrouver dans le titre «dépenses de personnel».

Depuis la LF 2015, le titre «dépenses de personnel» a curieusement disparu de certaines institutions comme l’Assemblée nationale, le HCCT, le Conseil économique et social. Ce budget intègre maintenant les dépenses de fonctionnement. Et c’est pour être en phase avec le pourcentage traficoté, que le ministre a enlevé les salaires des membres de ces institutions autrefois contenus dans le titre  «dépenses de personnel» pour les intégrer dans celui des dépenses de fonctionnement.

Dans la LF 2017, pour ne pas franchir les 35% fixée par l’Uemoa, les 586 milliards de la masse salariale ne prenaient pas non plus en compte les salaires des corps émergents (82 milliards), des universités, des agences et structures assimilées (113 milliards), des contractuels de la santé (4,3 milliards), des unités de gestion des projets (15,8 milliards) et des collectivités locales. Et le tout qui élevait à plus de 800 milliards la masse salariale globale, représentait 40% des recettes fiscales.

Les interpellations d’Ousmane Sonko depuis 2014

Ainsi, concernant la Loi de Finances 2014, l’alors inspecteur des impôts Ousmane Sonko, aujourd’hui député à l’Assemblée nationale, avait soulevé le problème de la manipulation des chiffres par Amadou Ba quand le ratio masse salariale/recettes fiscales était de 31,49 % donc tout à fait en deçà du seuil des 35 % du critère de convergence de l’Uemoa.

Mais l’inspecteur dénonçait le fait que pour aboutir à ce seuil, et éviter le ratio des 43% (largement au-dessus de la norme communautaire), le ministre des Finances a dû inclure les fameux salaires des corps émergents (volontaires, vacataires et contractuels) non pas dans la rubrique dépenses de personnels mais dans les dépenses de fonctionnement. Ce qui posait le problème de la sincérité du budget. Il concluait en soutenant que «le Sénégal a délibérément triché toutes ces années avec l’Uemoa, comme il le fait d’ailleurs avec les bailleurs, en tripotant et en maquillant les chiffres de son budget et de sa comptabilité nationale». 

L’Assemblée nationale qu’il avait interpellée sur la question était restée muette sur ce traficotage des chiffres. Aujourd’hui, l’occasion lui est donnée pour faire face au ministre des Finances et lui tenir la dragée haute.  

Il reste à savoir si le Plan Sénégal Emergent (PSE) très cher au président de la République et dont une partie doit être financée sur ressources propres n’est pas en train d’être plombé par cette croissance exponentielle de la masse salariale qui creuse, d’année en année, l’écart entre recettes et dépenses.

Serigne Saliou Guèye
 


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