Alors que la menace sécuritaire au Sahel prend une dimension régionale alarmante, l’ancien ministre sénégalais des Affaires étrangères, Cheikh Tidiane Gadio, multiplie les appels à la vigilance et à l’action. Dans une déclaration publique récente, le diplomate avertit que le projet d’un califat islamique régional est en voie de consolidation, et que l’Afrique de l’Ouest ne peut plus se permettre d’agir en ordre dispersé.
Le Sénégal dans l’œil du cyclone ?
Jusqu’ici relativement épargné par les attaques terroristes, le Sénégal ne peut plus se considérer comme un simple spectateur, alerte Cheikh Tidiane Gadio. La progression des groupes djihadistes vers le sud et l’ouest du continent, notamment depuis les zones grises du Mali, du Burkina Faso et du Niger, menace aujourd’hui les États côtiers comme la Côte d’Ivoire, le Bénin ou le Togo, et place de facto le Sénégal dans une zone tampon de plus en plus vulnérable. Selon l’ancien chef de la diplomatie, les récentes évolutions géopolitiques — affaiblissement de la coopération régionale, départ des forces internationales, isolement diplomatique de certains régimes militaires — ont laissé le champ libre à une expansion rapide et coordonnée des groupes armés. « Le risque est réel. La porosité de nos frontières et le déséquilibre politique régional facilitent l’infiltration et la radicalisation », prévient-il.
Une réponse militaire, oui… mais pas uniquement
Face à cette situation, Cheikh Tidiane Gadio ne plaide pas seulement pour un sursaut militaire, mais pour une approche globale, structurée et continentale. Il appelle à une coalition élargie incluant non seulement les membres du défunt G5 Sahel, mais également la Mauritanie, le Maroc, le Tchad, ainsi que les pays côtiers comme le Sénégal, le Ghana, la Côte d’Ivoire, le Togo et le Bénin. Il insiste sur le fait que la réponse ne peut pas être purement sécuritaire :
« Sans stratégie éducative, sans effort de développement inclusif, sans lutte contre la pauvreté et sans politique active de déradicalisation, nous ne ferons que déplacer le problème. »
Des divisions qui paralysent l’action régionale
L’un des points centraux de sa sortie médiatique concerne la crise de confiance entre États africains, exacerbée par les ruptures diplomatiques au sein de la CEDEAO. Pour Gadio, cette fragmentation affaiblit considérablement la capacité du continent à faire face à la menace. Le vide créé par le retrait des forces étrangères (notamment françaises) aurait pu être comblé par une force panafricaine concertée — à condition que les États surmontent leurs désaccords.
« Tant que nous ne bâtirons pas une vision africaine de notre propre sécurité, nous resterons dépendants et vulnérables. »
Au-delà du diagnostic, Cheikh Tidiane Gadio lance un appel aux leaders africains pour qu’ils prennent conscience de l’urgence. L’heure n’est plus, selon lui, à la rhétorique diplomatique mais à l’action structurée et solidaire. Il suggère notamment la tenue d’un sommet sécuritaire africain d’urgence, avec pour objectif de construire une doctrine commune et une feuille de route pour contrer la menace djihadiste.
Vers un point de bascule ?
La prise de parole de Gadio intervient dans un contexte où les signaux d’alerte se multiplient : multiplication des attaques au Burkina Faso, recrudescence de l’instabilité au nord du Bénin, infiltrations suspectées dans les zones frontalières du Sénégal (notamment dans la région de Kédougou), et tensions persistantes entre États membres de la CEDEAO et les régimes militaires de la région. Si ces dynamiques ne sont pas rapidement contenues par une réponse collective cohérente, le risque d’une déstabilisation régionale est majeur, prévient le diplomate sénégalais.