
Dans une tribune, Moussa Tine, président de l’Alliance Démocratique Pencoo, s’adresse avec gravité aux Sénégalais. Intitulée "Au pouvoir, eux-mêmes à l’épreuve de l’impertinence", sa déclaration revient sur les tensions croissantes entre les institutions, les dérives autoritaires qu’il observe, et les risques d’un retour à un schéma de pouvoir centralisé.
Une critique voilée contre le Premier ministre Sonko
Sans jamais nommer Ousmane Sonko, Moussa Tine cible directement ses méthodes politiques. Il dénonce une intolérance à la critique, illustrée par ce qu’il décrit comme une volonté du Premier ministre de "museler" ses opposants. Il rappelle que la virulence du discours n’est pas un crime et cite le chef du gouvernement lui-même : « Fitna mo gnu indi pouvoir ». Pour Tine, l’impertinence faisait partie de l’ADN du PASTEF dans l’opposition, mais semble désormais réprimée une fois au pouvoir.
"Aller en prison ne devrait pas dépendre de la volonté d’un homme"
L’ancien opposant met en garde contre la tentation autoritaire, notamment dans l’usage de l’appareil judiciaire à des fins politiques. Il prévient : « Ce serait une énorme déception, voire une abjecte trahison, de voir les nouveaux élus perpétuer les abus de l’ancien régime ». Pour lui, la justice ne peut être instrumentalisée : on va en prison pour avoir enfreint la loi, non pour avoir critiqué un dirigeant.
Une comparaison explicite avec la crise de 1962
Moussa Tine dresse un parallèle inquiétant entre la situation institutionnelle actuelle et celle de 1962, qui avait opposé Léopold Sédar Senghor à Mamadou Dia. « Le président détient la plénitude juridique du pouvoir, mais le Premier ministre a la réalité du pouvoir politique par sa majorité parlementaire », analyse-t-il. Selon lui, en l’absence d’entente entre les deux têtes de l’exécutif, une crise politique profonde est inévitable.
L’État-parti en ligne de mire
Revenant sur une déclaration récente du Premier ministre appelant à un "État-Pastef", Moussa Tine alerte : « Cette phrase remet en cause tous les acquis démocratiques ». Il y voit une trahison des idéaux pour lesquels le PASTEF a longtemps combattu. Il déplore aussi l’absence de contestation forte, qu’il attribue à la peur ou à l’opportunisme politique.
Un Sonko déjà tourné vers 2029 ?
Enfin, Moussa Tine évoque les ambitions présidentielles potentielles de Sonko en 2029. Il estime que le Premier ministre pourrait modifier le Code électoral, notamment les articles 29 et 57, pour devenir éligible. Mais il pense qu’il attendra que la situation du maire déchu de Dakar, Barthélémy Dias, soit clarifiée avant de se lancer.
Moussa Tine rappelle que le pouvoir ne doit pas être un instrument de vengeance. Il invite à écouter les "chants du peuple", citant Platon, et demande aux nouveaux dirigeants de ne pas trahir les espérances populaires. Pour lui, la République ne peut survivre sans débats ouverts, sans contre-pouvoirs, et sans respect des institutions.