Ce samedi à Dakar, une conférence religieuse animée par l’islamologue suisse Tariq Ramadan a été brièvement perturbée par un groupe de militantes féministes venues protester contre sa présence au Sénégal. L’événement, organisé à l’espace Maam Samba sur la route de Ngor, a suscité une vive polémique en raison des accusations de viol qui visent l’intellectuel dans plusieurs pays européens.
Quelques minutes après le début de la conférence, des manifestantes ont tenté d'accéder au site en scandant « Tariq violeur » et en brandissant des pancartes portant les mêmes accusations. Ces slogans faisaient directement référence aux nombreuses procédures judiciaires dans lesquelles le conférencier a été impliqué depuis 2017.
Les protestataires ont été rapidement stoppées à l'entrée par les services de sécurité, notamment un important dispositif composé de membres de la communauté Baye Fall, mobilisés pour assurer le bon déroulement de la conférence. L'incident n’a pas interrompu l’événement, qui s’est poursuivi normalement mais sous haute surveillance.
La présence de Tariq Ramadan au Sénégal ne laisse pas indifférent. Si certains saluent la venue d’un intellectuel influent dans les cercles musulmans francophones, d’autres dénoncent ce qu’ils perçoivent comme une banalisation de faits graves.
Retour sur les affaires judiciaires impliquant Tariq Ramadan
Tariq Ramadan, petit-fils du fondateur des Frères musulmans Hassan al-Banna, est au cœur de plusieurs accusations de viol qui ont terni sa réputation ces dernières années.
En France, il a été mis en examen à partir de 2018 pour viols sur plusieurs femmes. L’une des plaignantes, connue sous le pseudonyme "Christelle", l’accuse de l’avoir agressée sexuellement en 2009 à Lyon. Une autre, Henda Ayari, militante féministe et ancienne salafiste, affirme avoir été violée en 2012 à Paris. D’autres femmes se sont manifestées depuis, avec des récits similaires d’emprise, de violence, et d’agressions sexuelles, parfois dans un cadre mêlant spiritualité et relations de domination.
Tariq Ramadan a passé près de dix mois en détention provisoire avant d’être libéré sous contrôle judiciaire en 2018. Il reconnaît des relations extraconjugales mais conteste fermement toute accusation de contrainte ou de violence.
En Suisse, il fait également face à une procédure pour viol sur une jeune femme dans un hôtel de Genève en 2008. Ce procès s’est tenu en mai 2023, et Ramadan a été acquitté, malgré un débat judiciaire nourri et une médiatisation intense.
Malgré ces accusations, il continue de donner des conférences et de publier, soutenu par une partie de ses fidèles qui y voient une cabale politique ou islamophobe. Mais pour ses opposants, sa présence sur des scènes publiques reste une provocation et un affront aux luttes féministes contre les violences sexuelles.