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L’appréciation mitigée du niveau de la pression fiscale de l’amont pétrolier au Sénégal

TRIBUNE LIBRE
Jeudi 25 Mai 2017

Par rapport aux autres secteurs de l’activité économique, le régime fiscal régissant celui de l’amont pétrolier est assez complexe. C’est un système dualiste puisque à coté des dispositions de droit commun, on retrouve les dispositions spécifiques propres au secteur (taux de redevance pétrolière, fiscalité ex-ante comme les bonus, loyer superficiaire, frais de promotion et de  formation ….)

L’amont pétrolier est bien un secteur risqué avec un pourcentage de réussite de puits forés de un sur six et avec une exploitation moyenne des réserves totales prouvée de 25%. Donc on doit s’attendre à des niveaux de  rentabilité élevés et non le contraire ce qui serait un paradoxe même entre la relation économique entre le risque et la rentabilité.
Au Sénégal par rapport aux nouveaux permis de recherche, l’Etat  est entrain d’anticiper sur le futur code pétrolier, (c’est le cas des nouveaux permis de recherche  attribués à partir de 2014).

Et quand on fait un peu de «benchmarking» on trouve que c’est tout à fait légitime ce changement en cours qui rentre en droite ligne dans le cadre d’une politique pétrolière cohérente d’un Etat souverain. Car au Sénégal depuis les découvertes de classe mondiale de Cairn et Kosmos notre pays dispose maintenant d’importantes réserves prouvées de pétrole et de gaz.
Mais tout cela doit se faire dans un environnement juridique, politico-administratif; dans le cadre de l’affirmation de l’Etat du Sénégal de sa volonté de captiver le maximum de rente pétrolière.

Avec  cette transition en attendant le nouveau code pétrolier, les sociétés pétrolières détentrices de nouveau permis de recherche font face à une situation dont il m’est difficile même de trouver une épithète pour la qualifier. Car selon toujours le code pétrolier de 98 qui est toujours en vigueur au Sénégal en son article  48 «Les titulaires de convention ou contrat de services ainsi que les entreprises qui leur sont associées dans le cadre des protocoles ou accords visés à l’article 8, alinéa 4 sont exonérés pendant les phases de recherche et de développement de tous impôts, taxes et droits au profit de l’Etat, notamment la TVA».

Par contre avec les récents permis de recherche, l’exonération ne porte que sur les achats à l’importation lors du franchissement du cordon douanier. Pour ce qui concerne les achats locaux les sociétés pétrolières paient la TVA et récupèrent cette TVA avec le mécanisme des déductions.
Je rappelle que selon le code pétrolier l’exonération de TVA dont bénéficient les sociétés pétrolières durant la phase de recherche et de développent est exonération soumise à la formalité du visa.

A cela s’ajoute l’administration et la bureaucratie  concernant les déductions de TVA lors des déclarations mensuelles : déductions physiques et  déductions financières. Surtout avec les déductions financières au prorata, ce qui veut dire qu’on ne déduit pas tout.
Avec ces paiements importants de TVA sans  avoir la possibilité d’en déduire autant, les sociétés pétrolières se retrouvent finalement avec des crédits TVA incommensurables vu l’importance des dépenses durant la phase de recherche et de développement.

A cela s’ajoute l’impérieuse procédure de demande de restitution de TVA avec l’administration fiscale où par rapport au  code général des impôts la durée est fixée  à deux mois. Alors que dans la pratique cette durée est très  largement dépassée.
Sans compter les tracasseries administratives et les abus d’autorités qu’on rencontre lors de la procédure de demande de restitution.

En parlant de restitution de crédit de TVA, il faut préciser que c’est un certificat de détaxe qui délivré et non une restitution de la somme sus mentionnée. Au moment où dans plusieurs administrations fiscales, le contribuable fournit toujours ses coordonnées bancaires (RIB) lors de la première demande de remboursement et la somme est directement virée dans le compte de l’entreprise.

Même si le Sénégal en tant que pays en voie de développement avec une administration qui se nourrit essentiellement de taxes cela ne justifie pas pour autant; ce comportement d’un Etat affamé de taxes.  
Pour un secteur pétrolier qui est déjà en crise vu le niveau du prix du baril suite à la production du gaz de schiste des Etats-Unis, aux spéculations sur l’après pétrole et le passage vers les énergies propres, cette situation est entrain d’installer une tension de trésorerie certaine et sans précédent dans certaines sociétés pétrolières en phase de recherche.

Cette situation à mon avis est assimilable à un « hold-up fiscal » car c’est un scénario où rien ne passe comme prévu. En effet les sociétés pétrolières face aux grands engagements de travaux de recherche et développement sont dépochées d’une partie de leur trésorerie.
Et c’est l’occasion également de souligner que le niveau  de remboursement des crédits de TVA au Sénégal pris de manière globale, est trop faible au moment où dans certains pays africains le niveau est 17% de la TVA brute (dans les pays de l’OCDE 35%).

Toutefois, l’armature structurelle de notre système fiscal concernant l’activité pétrolière, tout en se modifiant au fil du temps, ne fait pas encore l’objet d’étude spécifique de la part des sénégalais notamment.  Les bousculades géologiques et technologiques au niveau des zones pétrolières africaines en général ne suscitent pas encore des embourbées intellectuelles, précisément en ce qui concerne la  science fiscal.
En effet, au moment de l’exploitation du pétrole et du gaz de Cairn et de Kosmos va commencer, la pression fiscale apparente qui est le rapport entre tous les revenus pétroliers reçus par l’Etat pour une année donnée et la valeur de la production pétrolière de cette année sera un indicateur pertinent à la fois de contrôle et de politique pétrolière.
 
C’est vraisemblablement un instrument qui peut même mettre en évidence dans l’exploitation pétrolière d’éventuels manques à gagner pour l’Etat du Sénégal.
C’est un indicateur qui a déjà fait ses preuves dans certains pays africains dans les années 90 en révélant des présomptions de détournement avec un prix du baril fluctuant et toutes choses étant égales par ailleurs.
Jusque là, le Sénégal n’était pas riche en ressources pétrolières. Nous avons toujours privilégié les ressources humaines. Ainsi la découverte du gaz, ajoutée à celle du pétrole doit être considérée comme une valeur ajoutée.
 
En somme les objectifs de recettes de l’Etat du Sénégal vont jouer un rôle important dans la conception des régimes fiscaux mais aussi vont impliquer des arbitrages parfois complexes. Et surtout éviter le syndrome Vénézuélien.
La particularité du Sénégal exige de prodiguer des conseils sur mesure, avec la mise en place d’une politique fiscale ciblant surtout la rente pétrolière et non la fiscalité ex-ante.
 
 El Hadji Amath Diallo
Spécialiste finance amont pétrolier
Représentant compagnies pétrolières au GMP/ ITIE


 

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