La parole d’un Premier ministre ne saurait être légère. Elle engage l’État. Elle s’adresse à la nation. Elle doit, à tout moment, incarner l’esprit républicain, la dignité des institutions, et le respect rigoureux des principes que fonde toute démocratie.
C’est pourquoi les propos tenus ce lundi par Ousmane Sonko, à la suite de la décision de la Cour suprême confirmant sa condamnation pour diffamation, ont surpris, inquiété et choqué. Qualifier cette décision de « parodie de justice », accuser les juges de « prolonger une machination politique », ou menacer à demi-mot de revoir le fonctionnement du pouvoir judiciaire, ce n’est pas seulement céder à l’amertume d’un jugement défavorable. C’est saper les fondements mêmes de la séparation des pouvoirs.
Dans une démocratie, la justice est une institution indépendante. Elle peut être critiquée, certes. Mais les désaccords avec ses décisions se règlent par les voies de droit, pas par la défiance publique, encore moins par la disqualification de ses acteurs. Quand un citoyen ordinaire s’autorise ce genre de déclaration, c’est regrettable. Quand c’est un Premier ministre qui le fait, c’est une faute politique.
Depuis son arrivée au pouvoir, Ousmane Sonko n’a eu de cesse d’affirmer sa volonté de rupture, son attachement à l’État de droit, à la bonne gouvernance, à l’éthique publique. Ce sont des engagements salués, et largement partagés par nombre de citoyens. Mais ces principes, pour être crédibles, doivent s’appliquer toujours, et surtout lorsqu’ils dérangent. La République ne peut être invoquée à la carte.
Le Premier ministre a parfaitement le droit de contester la décision judiciaire qui le frappe. Mais il n’a pas le droit de délégitimer l’autorité de la Cour suprême ni de nourrir, par ses propos, la méfiance envers l’institution judiciaire. En République, la justice ne s’adapte pas aux agendas politiques. Elle juge en droit, pas en stratégie.
Le Sénégal traverse une phase cruciale de son histoire institutionnelle. Le discours politique doit s’élever. Le gouvernement a une responsabilité particulière : réconcilier les citoyens avec leurs institutions, renforcer la confiance dans la parole publique, et respecter les équilibres sur lesquels repose toute démocratie.
Monsieur le Premier ministre, vous êtes désormais le dépositaire d’une autorité qui dépasse votre trajectoire personnelle. La légitimité acquise dans les urnes vous oblige, mais elle ne vous affranchit pas du devoir de retenue, ni de l’exemplarité attendue à ce rang. Vous ne pouvez pas exiger le respect des institutions lorsque vous les dirigez, et les disqualifier lorsqu’elles vous contraignent.
C’est dans l’acceptation des règles, même lorsqu’elles sont défavorables, que se mesure la fidélité aux principes que l’on proclame. C’est dans la capacité à distinguer la personne de la fonction que l’on montre que la République prime sur les intérêts partisans.
Le Sénégal a besoin d’un État fort, d’institutions respectées, d’un pouvoir exécutif qui inspire confiance et d’une justice indépendante. Il revient à ses plus hauts responsables de donner l’exemple. Monsieur le Premier ministre,
Ousmane SONKO, soyez à la hauteur de cette exigence.