
À Ziguinchor, la colère monte parmi les anciens détenus politiques, frustrés par la lenteur et le manque de transparence du processus d’indemnisation initié par l’État. Sur les 126 bénéficiaires recensés, seules 32 personnes ont effectivement reçu la somme de 500 000 FCFA promise dans le cadre du programme de réparation, selon le collectif des ex-détenus. Réunis en conférence de presse ce mercredi, les membres du collectif ont exprimé leur profonde déception face à ce qu’ils qualifient d’« injustice manifeste ».
Pour Elhadj Cissé, porte-parole du groupe, il est incompréhensible que quatre mois après les annonces officielles, la majorité des concernés soient encore sans information ni soutien financier. Il a rappelé que cette aide avait été solennellement annoncée par le président Bassirou Diomaye Faye et le Premier ministre Ousmane Sonko, comme un acte de réparation envers ceux qui ont souffert de la répression politique et envers les familles des victimes.
Un dossier emblématique de la crise démocratique récente
Ce programme d’indemnisation s’inscrit dans le contexte des crises politiques majeures qui ont secoué le Sénégal en mars 2021 et juin 2023. Ces périodes ont été marquées par des manifestations massives, une vague d’arrestations arbitraires et une gestion sécuritaire controversée, notamment après l’arrestation d’Ousmane Sonko, figure de l’opposition à l’époque.
Des dizaines de jeunes, militants et citoyens ont été incarcérés, parfois sans jugement, et plusieurs personnes ont perdu la vie lors des affrontements avec les forces de l’ordre. Le retour à une promesse de justice transitionnelle et de réparation morale et matérielle a été au cœur du discours du nouveau pouvoir lors de la transition politique de 2024. D’où l’importance de ce programme, censé symboliser une rupture avec les pratiques du passé.
Des critiques contre l'État et certains élus locaux
Mais pour les anciens détenus, cette promesse tarde à se concrétiser. Le collectif réclame des explications officielles de la part du gouvernement, notamment de la ministre en charge du dossier, sur les critères d’éligibilité et les délais de paiement. À quelques jours de la Tabaski, l’impatience grandit : beaucoup espéraient recevoir cette aide pour faire face aux dépenses liées à la fête. La colère vise également certains élus locaux.
Le député Guy Marius Sagna est notamment critiqué pour son silence sur la question. Elhadj Cissé affirme l’avoir interpellé sans obtenir de réponse satisfaisante, estimant que les revendications des populations de Ziguinchor ne sont pas suffisamment portées au niveau national. Le collectif appelle à une réaction rapide et concrète du gouvernement pour éviter que le ressentiment ne s’installe, et pour que les gestes de réparation symbolique annoncés par les nouvelles autorités ne perdent leur portée politique et morale.