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Sept questions à Serigne Pape Malick Sy pour sauver le Sénégal de la fracture sociale

TRIBUNE LIBRE
Mercredi 14 Juin 2017

Que le salut soit sur vous, votre famille et tous les soumis. Auprès de vous, souvent, cher ami, je viens solliciter des éclairages. Mais, vous me permettrez, cette fois-ci, imitant en cela les anciens, d’ouvrir mes questionnements à ce peuple si amoureux de lumières, si avide de connaissances et de certitudes spirituelles. Le Sénégal, notre pays, dispose, il est vrai, de suffisamment de soleils, de lunes et d’étoiles que sont ses saints, érudits et grands intellectuels connus de tous. Mais, entre eux et le peuple, bien souvent, se dresse une barrière faite de nuages de poussières tourbillonnantes dans un vent néfaste, hélas ! Et il nous manque, me semble-t-il, «des éboueurs du ciel» promptes et vigilants, des avertisseurs de la trempe des regrettés Abdoul Aziz Dabakh, Abdoul Ahad Mbacke et tant d’autres comme Serigne Sam Mbaye et El H. Ibrahima Sakho, pour sonner le tocsin, faire le ménage et permettre aux rayons de ces flambeaux d’éclairer notre monde et nos âmes jusque dans leurs moindres coins et recoins. Je ne vous interpellerai pas sur la religion et la spiritualité à proprement parler ; mais, bien plutôt, sur l’actualité liée à la récente sortie d’Abdoul Aziz Al Amine, nouveau Khalife de Tivaouane (Dieu lui prête assistance), concernant les menaces qui planent sur notre pays, sur les relations entre notre patrimoine culturel traditionnel et notre foi musulmane...


                                                              «Je le dis depuis 30 ans, mais vous ne voulez pas me croire :
Lavons ce pays. Lavons ce pays, en purifiant nos cœurs,
                                                                             Sinon nous le ferons dans le sang… Je le jure.»

Serigne Cheikh T. Sy Al Makhtoum
 
 
 Le dernier avertissement d’Al Makhtoume
 
Pour sortir le Sénégal des sentiers sinueux de la guerre civile, Al Amine (le digne de confiance) a fait des derniers avertissements d’Al Makhtoume (le caché) son premier sermon où il dénonce les mauvais comportements des Sénégalais, surtout ceux de la classe politique faits d’invectives, d’insultes, d’irrévérences, de batailles de positionnement, etc., les appelant au dialogue, à l’unité des cœurs et au compagnonnage sincère. Or, dit la voix de la sagesse : au pays où l’on se querelle sans cesse en refusant de se parler en toute confiance, seront visibles les prémisses de la confrontation armée. Car, comme le proclame Jésus dans l’Evangile : «tout royaume divisé contre lui-même est dévasté, et toute ville ou maison divisée contre elle-même ne peut subsister».
 
Et la vision d’Al Makhtoume révélée par Al Amine est on ne peut plus apocalyptique : «Ce que je vois venir est très grave ; si on ne l’arrête pas, le Sénégal sera en guerre civile». Et, «si la chose que nous redoutons tant survient, le pays sera sens dessus-dessous. Il n’y aura plus de pouvoir encore moins de partis politiques. Les gens s’entretueront…»
 
Et tremblent avec moi, en entendant cette terrible parole, les citoyens sénégalais doués d’intelligences qui, tous les jours, voient l’anarchie étendre ses quartiers en ce pays sous la menace permanente du feu ravageur des poitrines coléreuses de privations ou de passions incontrôlées et qui, au regard de la pauvreté et de la vulgarité pathétiques du discours politique et même religieux, de l’atrocité de plus en plus marquée des scènes d’agressions récurrentes et de la recrudescence des accidents de la circulation de plus en plus meurtriers, devinent la détérioration de la qualité de cœur de nos concitoyens presque tous adeptes du «maa tey» (le je-m’en-fichisme).
 
Or, vous le disiez si bien au dernier Gamou : «les mauvais comportements (ou mauvaises habitudes) sont pires que la magie noire. Ils constituent un mal que ne peuvent soigner les guérisseurs. Seule une volonté de changement sincère peut en venir à bout». Hélas, chez-nous, aujourd’hui, ce sont ceux là qui doivent donner l’exemple qui mal se comportent et, souvent, abusent du verbiage pour altérer la vérité. Ce sont ceux qui dirigent ou sont appelés à le faire qui, le plus souvent, trébuchent - et pas seulement des pieds, mais aussi de la langue, et parfois même des mains... Ils ignorent peut-être cette parole de sagesse que vous exprimiez ainsi, au dernier Gamou : «le chef (jawrin) qui tombe, ne tombe jamais seul, mais emporte dans sa chute tous ceux qui dépendent de lui».
 
Or, disiez-vous, à l’occasion du dernier Ziar Général, à l’intention de tous les lieutenants : aider son «chef», lorsqu’il n’est pas directement confronté à l’ouvrage, c’est «le détendre» par la bonne parole conciliatrice ou inspiratrice, et non «le défendre» en lui rapportant les rumeurs et autres cancans néfastes qui empoisonnent son cœur et le mettent en mal avec les gens ou bien les attiser en y répliquant tel un fou. Vous disiez aussi, à la même occasion : «quiconque te recommande la méfiance vis-à-vis d’un tel, méfie-toi aussi de lui». Vous disiez : ce n’est pas seulement en étant président ou ministre ou député que l’on peut servir son pays, car la ménagère qui vend de l’arachide grillée au coin de la rue pour nourrir sa famille sert aussi son pays - et de quelle belle manière. Et si elle meurt à la tâche, disiez-vous, par ailleurs, elle ira certainement au paradis, comme tous ceux qui meurent sur les routes de la dépense quotidienne.
 
En conséquence, on ne danse pas parce qu’on est élu ou nommé à une haute fonction, on ne pleure pas non plus parce qu’on est déchu, on ne vilipende pas l’institution qu’on a eu à servir, l’essentiel étant le travail accompli ou à accomplir ; et disiez-vous : arrêtons le bavardage et l’errance ; mettons-nous à l’ouvrage !... «Xol yi ! Xol yi ! Xol yi !...» (Les cœurs ! Les cœurs ! Les cœurs !), s’exclamait, à juste titre, Al Makhtoume, appelant à la purification et à l’abolition des querelles. Parce que maints pays ont été enflammés par les flammes des cœurs. Et un seul cœur en feu, c’est déjà beaucoup trop…
 
C’est pourquoi, cher ami et maître, je voudrais comprendre : Comment les choses en sont-elles arrivées là ? Qu’est-ce qui a gauchi le cheminement de notre peuple de sorte qu’il affectionne davantage la ruelle tortueuse et sombre que la grande avenue bien éclairée ? Comment mettre un terme au processus de dégradation des comportements et des mœurs (surtout politiques) et sauver le Sénégal de la guerre civile dont Al Makhtoum fait craindre la survenue ?
 
Patrimoine culturel traditionnel et foi musulmane
 
Il est vrai que votre causerie à la mosquée Seydi H. Malick Sy, à l’occasion du dernier Gamou, en présence de Serigne Mbaye Mansour, Serigne Alioune Mbacke Gaïnde Fatma et des talibés, que j’ai suivi avec beaucoup d’intérêt, avait le goût des avertissements de Serigne Cheikh. Et elle fut, comme d’habitude, riche d’enseignements à plusieurs titres ; aussi bien historique, philosophique, morale que spirituel.
 
Mais je voudrais juste retenir les passages forts intéressants où vous rappeliez que le talibé n’est pas inferieur à son marabout et qu’il arrive même qu’il lui soit supérieur au regard de Dieu et où vous évoquiez les «mamelles spirituelles» (weenu aqiqa) qui allaitent sans considération de rangs ni de sang le «noble» (geer) et le «griot» (gewel) et en font des égaux en islam ; et aussi la fameuse chanson où, louangeant El H. Malick Sy, la célèbre cantatrice chante «bidantiwoo !» (tu ne t’es pas levé sur le tard !). Vous rappeliez à ce propos, avec justesse, qu’il arrive que le spirituel soutienne la parole profane et l’élève à la dignité de parole sacrée. La cantatrice a raison, disiez-vous, car, «celui qui sait ce qu’il cherche, là où il peut le trouver, comment y arriver, comment le querir et comment le préserver, ne saurait se complaire au sommeil».
 
Aussi les chants, contes et proverbes traditionnels sont un patrimoine à explorer, suggériez-vous. Ce qui m’a fait penser à toute la sagesse contenue dans les textes de Mangone Ndiaye, Ndiaga Mbaye, Khar Mbaye, ainsi que les déclamations d’Assane Marokhaya, d’Hadj Mansour, Mbaye Pekh et tant d’autres… Les chansons populaires dits «taasu» et les danses, rappeliez-vous, ne sont pas mauvaises ni condamnables en soi, comme le pensent d’aucuns : c’est la vulgarité qui est mauvaise ; ainsi que l’esprit de Satan dont sont dépositaires la femme, la fortune, et la force. Se croire supérieur à ses semblables est mauvais. Jouer avec sa parole (fowee sa kaddu) est mauvais.
 
Vouloir avancer en étant assis sur les épaules de ses compagnons de route est mauvais. La distraction causée par la rivalité en vue de l’acquisition des biens de ce monde est mauvaise. Mais la pire des maladies du cœur, c’est «penser du mal de ses prochains» (niaw njort) ainsi que le mensonge (fen) et la calomnie (yaxx der).

Et la prière, disiez-vous, améliore la qualité du cœur et donc le comportement. Souhaiter le bien à ses semblables, éloigne du mal. Eviter les gros mots, préserve de l’erreur. L’éducation des enfants est d’importance ; et vous l’avez bien montré en racontant avec quelle violence votre mère a réagi lorsqu’elle vous aperçut, enfant, sur les épaules de Boukriyou Gaye. Hélas, elle croyait que c’était par orgueil ; ignorant que c’est seulement par compassion à votre jeune âge qu’agissait Boukriyou, frère de Kourdiyou et d’Habib qui, soit dit en passant, sont frères à mon propre père, en ce sens que leur père et le père de mon père (tous deux Moukhadam) ont le même père.
 
Vous avez aussi rappelé que la majorité numérique n’est pas forcément détentrice de la vérité et que le gain financier ne doit pas être une fin en soi en disant l’anecdote de la minorité mohammadienne victorieuse tant chantée par Serigne Babacar et celle du champ non rentable que Mame El H. Malick a continué à cultiver à cause de son utilité social, «parce que les talibés s’y rencontrent et fraternisent».
 
Fort de ces enseignements, cher ami et maître, je sollicite votre éclairage sur les points suivants : Pourquoi et comment la vulgarité, l’argent et la paresse ont-elles investi et travesti nos pratiques culturelles, sociales et politiques ? Sommes-nous obligés en tant que musulmans, de renoncer à notre propre culture  au profit de la culture arabe ? Comment concilier notre patrimoine culturel avec notre foi musulmane dans un monde mondialisé ?
 
Pour finir, permettez-moi de solliciter vos prières pour moi, ma famille et tous les soumis ; pour une meilleure intégration du tissu social sénégalais ; pour une bonne entente de la classe politique ; pour le renforcement de la cohésion et de la paix sociale au Sénégal... Que Dieu veille sur notre pays, sur l’Afrique et l’humanité entière.

Abdou Khadre Gaye
Ecrivain, Président de l’EMAD
 
 
 

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