
Les autorités gambiennes ont publié, ce dimanche, la liste tant attendue des biens saisis et revendus de l’ancien dictateur Yahya Jammeh. Cette publication fait suite à une montée de la pression populaire et de vives protestations réclamant plus de transparence sur la gestion de ces actifs.
Selon une enquête du média d’investigation The Republic, rendue publique fin avril, des centaines de biens — dont des véhicules de luxe, propriétés immobilières, terres agricoles et matériels — ont été vendus sans information préalable au public. Leur valeur est estimée à environ 300 millions de dollars. Ces révélations ont déclenché une tempête médiatique et politique dans ce petit pays d’Afrique de l’Ouest, parmi les plus pauvres du continent.
Des accusations de favoritisme et d'opacité
Des organisations de la société civile et des partis de l’opposition accusent le gouvernement d’avoir bradé ces biens à des proches du pouvoir, à des prix largement sous-évalués. Elles réclament non seulement la liste complète des biens saisis à Yahya Jammeh, mais aussi celle des bénéficiaires des ventes.
Vendredi dernier, 27 membres du collectif Les Gambiens contre les biens spoliés (GALA) ont été arrêtés lors d’une manifestation non autorisée. Le lendemain, plusieurs milliers de personnes ont envahi les rues de Banjul pour exiger la libération des manifestants, mais également pour réclamer la transparence totale sur le processus de liquidation des actifs de l’ex-président.
Face à cette pression, le ministère gambien de la Justice a publié une première liste des avoirs de Yahya Jammeh, précisant que leur vente s’est opérée par le biais d’organismes reconnus par l’État. Le ministère a aussi promis de rendre publics les noms des acheteurs ainsi que les montants de chaque transaction. Selon les autorités, les fonds issus de ces ventes seront destinés à l’indemnisation des victimes du régime Jammeh.
Yahya Jammeh : un règne autoritaire marqué par la terreur et la répression
Arrivé au pouvoir en juillet 1994 à la suite d’un coup d’État militaire, Yahya Jammeh a dirigé la Gambie pendant 22 ans d’une main de fer. Son régime est tristement célèbre pour ses violations massives des droits humains, notamment des arrestations arbitraires, des disparitions forcées, des actes de torture, ainsi que des exécutions extrajudiciaires. Des journalistes, des opposants politiques, des défenseurs des droits humains et même des citoyens ordinaires ont été les victimes d’un système fondé sur la peur et la répression.
Après sa défaite électorale en 2016 face à Adama Barrow, Yahya Jammeh a d’abord refusé de céder le pouvoir avant de s’exiler en janvier 2017 en Guinée équatoriale, sous la pression de la CEDEAO.
En 2022, le gouvernement gambien a officiellement adopté les recommandations de la Commission vérité, réconciliation et réparations (TRRC), qui a documenté les crimes de son régime. Près de 70 responsables, dont Jammeh lui-même, sont cités pour des poursuites judiciaires. En décembre 2024, la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) a validé la création d’un tribune spécial chargé de juger les crimes commis sous son régime.
Avec la publication de la liste des biens et l’engagement à publier les noms des acquéreurs, le gouvernement tente de calmer la colère populaire. Mais pour de nombreux Gambiens, il s’agit aussi d’un test de sincérité : celui de savoir si les promesses de justice et de transparence post-Jammeh seront véritablement tenues.